Se mettre en grève pour faire progresser la société
Par Leticia Nadler

Leticia Nadler
Consultante en éducation
Leticia vit à Edmonton, en Alberta. Elle a travaillé comme enseignante d’immersion française de la maternelle à la 12e année et comme consultante en programmes d’études pour Alberta Education. Elle enseigne maintenant à des étudiants de collège et d’université tout en poursuivant ses études de doctorat en leadership éducatif à la faculté d’éducation de l’Université de l’Alberta. Elle a de l’expérience dans l’élaboration de matériel d’apprentissage qui améliore la pensée critique des étudiants.
Notes à l’enseignant.e :
- Cette leçon a été conçue pour les élèves francophones du secondaire.
- L’intention pédagogique est de renforcer les compétences en littératie à travers des thématiques liées aux études sociales.
- Cette leçon est la troisième d’une séquence de 5 leçons.
Durée : environ 2-3 heures
But de la leçon :
- Examiner le combat pour les droits parentaux.
- Porter un regard critique sur le congé parental actuel.
Objectifs liés à la littératie :
- Élargir son vocabulaire.
- Apprécier des sources variées.
- Interpréter, critiquer et réagir à des informations.
Résultats d’apprentissage du curriculum :
[À compléter par l’enseignant.e]
Ressources de soutien pour les enseignant.e.s :
- Le congé de paternité, La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)
- Le congé de maternité, La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)
- Un portrait de la société québécoise dans les années 70, Alloprof
- Chronologie de l’histoire du Québec (1960 à 1981), Wikipedia
- Le Québec des années 70, Uashat mak Mani-Utenam
- Prestations de maternité et prestations parentales de l’assurance-emploi, Gouvernement du Canada
- « Les femmes qui prennent un congé de maternité prolongé font face à un retour au travail plus difficile » par Lesley Evans Odgen, Affaires Universitaries
- Le congé parental, reflet de l’évolution des moeurs, Observatoire des réalités familiales du Québec (ORFQ)
- Morris, C. (2006). Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada, L’Encyclopédie canadienne
Ressources destinées aux élèves :
- Les droits parentaux
- La poste est en grève (Photo)
- Les travailleurs et les travailleuses font grève (Photo)
- La grève du STTP de 1981 et le combat pour les droits parentaux
- Le mouvement féministe au Québec (YouTube)
- Féminisme au Québec, des origines à nos jours, l’histoire nous le dira (YouTube)
- La situation des femmes sur le marché du travail en 1979 (YouTube)
- Le Québec des années 1970 | Histoire 4e secondaire (YouTube)
Vocabulaire clé destiné aux élèves :
Une grève : c’est un terme qui désigne l’interruption d’un travail ou d’une activité, de manière concertée, à des fins revendicatives, telles que l’amélioration des conditions de travail, la revalorisation salariale ou encore l’âge de la retraite.
Un congé de maternité : c’est un terme qui fait référence à un arrêt de travail pris par une femme pour s’occuper de son nouveau-né et pour se remettre de l’accouchement. Donc, seule la mère biologique ayant porté l’enfant a droit à ce congé. Durant cet arrêt de travail de 18 semaines continues, la travailleuse garde son lien d’emploi ce qui lui permet d’avoir droit à des prestations du Régime québécois d’assurance parentale. La travailleuse peut prolonger cet arrêt de travail par un congé parental. Ce terme est désuet car il est genré et renforce les stéréotypes.
Un congé de paternité : c’est un terme utilisé au Québec pour désigner l’arrêt de travail sans salaire pris par le père, pour une durée maximale de 5 semaines. Ce congé peut débuter le jour de l’accouchement et doit se terminer au plus tard à la fin de la 78ième semaine suivant la naissance de l’enfant. Le travailleur retourne au poste qu’il occupait. Ce congé peut être étendu et s’appelle alors un congé parental. Ce terme est désuet car il est genré et renforce les stéréotypes.
Un congé parental : c’est un terme qui fait référence à l’arrêt de travail pris par un ou des parents pour s’occuper de leurs jeunes enfants. Ce terme est à privilégier, car il est inclusif et déconstruit les stéréotypes.
L’amorce
- Demander aux élèves d’analyser des images à l’aide de la fiche La grève STTP.
- Conclure l’amorce en expliquant que la grève est un moyen légitime de se faire entendre en vue d’améliorer les conditions de travail.
L’enseignement du concept
Inviter les élèves à s’informer sur l’évolution des congés parentaux à l’aide de la fiche Les droits parentaux.
La pratique indépendante
Demander aux élèves de se mettre en petits groupes pour établir le contexte socio-historique du Québec dans les années 1970-1980 à l’aide de la fiche Contexte socio-historique.
Activité de synthèse
- Résumer l’évolution des congés parentaux au Canada. Au besoin, utilisez la fiche Activité de synthèse.
- Animer des discussions critiques à partir de la fiche Les congés parentaux.
- Conclure la leçon en expliquant aux élèves que si les congés parentaux ont été un véritable gain pour les femmes dans les années 80, il est temps de les renégocier en tenant compte de l’évolution de concepts clés (la famille et le genre) et des principes chers aux valeurs canadiennes tels que l’équité, la diversité et l’inclusion dans un contexte multiculturel.
Tout d’abord, il est important de noter que la famille “traditionnelle” a laissé la place à une multitude de modèles familiaux, tels que les familles monoparentales, les familles recomposées, les familles avec ou sans enfants. Les enfants peuvent être adoptés ou avoir été conçus avec une mère porteuse (maternité de substitution). Il existe aussi des familles où les adultes sont mariés, divorcés ou vivent en union libre (union de fait). D’ailleurs, « la propension à se marier est très faible au Québec » (Institut de la statistique au Québec, 2020).
Il y a également des familles qui ne vivent pas sous le même toit pour des raisons professionnelles, économiques ou migratoires (ex. Un parent travaille en Alberta et le reste de la famille vit au Québec, un couple de parents immigrants vit au Canada temporairement pendant que leurs enfants restent dans le pays d’origine avec les grands-parents, etc. ). Il y a des familles dont les parents sont des personnes de toutes les orientations sexuelles et identités de genre. Certains parents non-binaires préfèrent utiliser des titres parentaux neutres. Il y a aussi des familles d’accueil, celles-ci sont rémunérées, car elles prennent soin d’enfants dont les parents biologiques sont absents ou dans l’incapacité de prendre en charge leurs enfants pour de multiples raisons.
Au Québec, les pères sont de plus en plus nombreux à prendre un congé de paternité (Regroupement de la valorisation de la paternité, 2023). Cependant, la majorité des personnes qui prennent un congé parental sont les mères (Conseil du statut de la femme, graphique p. 19). La prise d’un congé parental par les mères à la suite du congé de maternité renforce l’idée que la place des mères est à la maison pour s’occuper des enfants. Pourtant, la recherche montre que « la présence du père est également bénéfique pour le développement du bébé » (naître et grandir, n.d.).
La prise d’un congé parental affecte la progression de carrière et la situation financière. En effet, lorsqu’une personne prend un congé parental, elle est déconnectée de la vie professionnelle. Elle ne reçoit pas forcément d’offres d’emploi qui lui permettraient de monter en grade à son retour au travail. Elle n’a pas non plus accès aux opportunités de développement professionnel. Et à son retour au travail, son employeur n’a pas toujours l’obligation de lui redonner le même poste.
Au niveau financier, la prise d’un congé parental a aussi de sérieuses conséquences. En effet, cette personne perçoit une prestation qui est moins élevée que son salaire. Dans certains cas, cette personne n’est même pas éligible pour un congé parental. Durant cette période de congé, cette personne ne cotise pas pour sa retraite, ce qui l’oblige à travailler plus longtemps ou à partir en retraite avec une pension amoindrie. Certains régimes de retraite comme celui des enseignant.e.s offrent la possibilité de racheter les années durant lesquelles aucune cotisation n’a été faite. Le coût de ces années peut être assez élevé et un calcul minutieux doit être fait pour s’assurer que cela en vaut la peine. De plus, durant ce congé, la personne ne perçoit pas toujours les avantages sociaux payés par son employeur (ex. l’assurance maladie) ce qui engendre un coût supplémentaire lors de l’achat de médicaments ou de visites paramédicales.
En bref, les congés de maternité, de paternité et parentaux tels qu’ils sont actuellement nommés et régis gagneraient à être améliorés afin de tenir compte des nouvelles réalités familiales, des multiples conceptions du genre et des conséquences tant sur la vie de famille que sur la vie professionnelle et personnelle.
Sources consultées pour le développement de la conclusion à partager avec les élèves
- Le congé de paternité québécois, Regroupement pour la Valorisation de la Paternité (RVP)
- Pour un régime d’assurance parentale équitable, flexible et actuel. Voir graphique p. 19
- Mariages et divorces, Institut de la statistique du Québec.
- Le congé parental: du bonheur et des défis!, Naître et grandir
- La nouvelle prestations parentale canadienne arrivera dans quelques mois, Noovo Info
- Le congé parental, Gouvernement du Canada
- Samtleben C., Bringmann J., Bünning M., Hipp L. (2019). What helps and what hinders? Exploring the role of workplace characteristics for parental leave use and its career consequences. Social Science, 8(10), 270.
- Mayer M., Le Bourdais C. (2019). Sharing parental Leave among dual-earner couples in Canada: Does reserved paternity leave make a difference? Population Research and Policy Review, 38(2), 215–239.
- Martin R. (2018). Exploring Teachers’ Experiences of Parental Leave Policies in One School Board in Ontario. Electronic Thesis and Dissertation Repository.
- Pension Points: Can years of pensionable service be purchased?, Alberta Teachers’ Association.
La grève STTP
Cliquez sur les liens ci-dessous pour découvrir des images clés. Puis faites des inférences à l’aide des questions suivantes :
Où et quand ces photos ont-elles été prises ? Pourquoi ces personnes font-elles la grève ?
Sources à consulter :
Les droits parentaux
Lisez le texte La grève du STTP de 1981 et le combat pour les droits parentaux et dégagez-en les informations clés en développant une carte mentale.
Ma carte mentale |
Contexte socio-historique
Dans le texte intitulé La grève du STTP de 1981 et le combat pour les droits parentaux, vous avez lu : « au cours des 42 journées de grève […] les travailleurs sont confrontés à l’opposition hostile de leur employeur, des médias et du public » (Broens, para. 1). Puis, vous avez lu que « le Front commun du Québec, un syndicat représentant les travailleurs du gouvernement, du secteur de l’éducation et de la santé, remporte une victoire décisive en 1979 et devient le premier syndicat de la fonction publique au Canada à obtenir 20 semaines de congé de maternité payées, 10 semaines de congé pour adoption et 5 jours de congé de paternité » (Broens, para. 4). Comment peut-on expliquer une telle avancée ?
Pour répondre à cette question, établissez le contexte socio-historique du Québec (1970-1980) à l’aide des vidéos ci-dessous. En d’autres mots, explorez les mentalités, l’idéologie et la culture dominante de la décennie qui a suivi la révolution tranquille. S’il y a lieu, explorez également les événements économiques et politiques clés de cette période de grande transformation.
Vidéos à consulter :
Activité de synthèse
Après la Première Guerre mondiale, les féministes et les femmes syndicalistes ont fait pression en faveur de « normes de travail équitables pour les travailleuses – y compris le congé de maternité payé » (Siegel, M.L., 2019). Au Canada, la mise en place d’un programme de congé de maternité était l’une des 167 recommandations formulées par la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada (créée en 1967) à l’intention du gouvernement fédéral (Morris, para 1).
Au début de la Seconde Guerre mondiale, en août 1940, la loi sur l’assurance-emploi a été introduite au Canada, mais elle ne répondait pas à la nécessité d’un congé de maternité autorisé. Le congé de maternité, tel que nous le connaissons actuellement, a été introduit pour la première fois en Colombie-Britannique en 1966. Cinq ans plus tard, le gouvernement fédéral a suivi le mouvement en modifiant le Code canadien du travail (Morris, para 5). Il est ensuite devenu un important sujet de revendication pour les syndicats, ce qui a permis d’obtenir d’autres avantages pour la main-d’œuvre féminine et au-delà (congé d’adoption, congé de paternité et congé parental).
Encore aujourd’hui, le congé parental n’est pas le même d’une province à l’autre et « l’accès au congé parental varie grandement entre les provinces, avec le Québec et l’Alberta aux extrémités » (Benoit, 2022).
Les congés parentaux
Mettez-vous par deux et menez des discussions critiques à partir des questions ci-dessous.
- À l’heure d’aujourd’hui, comment expliquez-vous que la prise d’un congé parental puisse freiner la progression de la carrière des parents?
- Pourquoi existe-t-il encore des inégalités en matière de congé parental?
- Quels sont les combats à mener pour faire progresser les congés parentaux?
- Qui sont les personnes « oubliées » dans les prestations parentales?
- Est-ce qu’un beau-parent, une tante ou un grand-parent pourrait lui aussi bénéficier d’un congé pour s’occuper d’un enfant?
- Pourquoi doit-on faire évoluer la terminologie liée aux congés que l’on prend pour s’occuper d’un enfant? En d’autres mots, par quels autres termes pourrait-on remplacer les mots « congé de paternité », « congé de maternité » et « congé parental » ?
RAPPEL
- Avant de répondre aux questions, vous devez prendre position.
- Préparez-vous à expliquer votre position en la justifiant avec respect et bienveillance.
- Pensez à donner des exemples.
- Pensez à utiliser des mots clés.