Étude de cas : L’entreprise de confection Western Garment et les ouvrières d’usine
par Natalie Zacharewski

Natalie Zacharewski
Coordinatrice de l’éducation
Natalie est une professionnelle de l’éducation muséale basée à Edmonton, en Alberta. Elle se passionne pour la création de possibilités d’apprentissage pour les élèves de tous âges par le biais d’expériences immersives basées sur l’enquête. Elle a travaillé dans des musées et des institutions patrimoniales au Canada et aux États-Unis, comme les musées de Burlington, le Diefenbunker lu musée canadien de la guerre froide et au Colonial Williamsburg. Elle a été instructrice pour le cours sur les programmes publics dans le cadre du programme de certificat en études muséales de l’Alberta Museums Association. Elle a également travaillé avec la British Columbia Museums Association en tant que consultante en éducation muséale, aidant les petits musées à développer des programmes éducatifs. Natalie est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’Université d’Ottawa, avec une spécialisation en histoire du Canada, des États-Unis et du genre.
Objectifs
Le Mouvement des neuf heures et l’adoption de la Loi du 1872 sur les syndicats ouvriers servent de cadre pour examiner les événements liés au travail dans l’histoire canadienne.
Dans cette étude de cas, les élèves exploreront l’histoire de l’entreprise de confection Great Western à Edmonton, en Alberta, et sa main-d’œuvre essentiellement féminine. Les élèves réfléchiront à l’expérience des femmes sur le marché du travail, aux différences de perception des femmes par rapport aux hommes en ce qui a trait au travail et au rôle qu’ont joué les syndicats dans ces environnements de travail genrés.
Niveau
4e à 8e année (sec. 2)
Thèmes
- La nature changeante du travail et de l’autonomie des travailleurs
- Définir le capitalisme
Aperçu de l’étude de cas
L’entreprise de confection Great Western (GWG) a été fondée à Edmonton, en Alberta, en 1911 par Alexander C. Rutherford (premier ministre de l’Alberta), Alfred E. Jackson (conseiller municipal et propriétaire du Alberta Hotel) et Charles A. Graham (ancien acheteur et vendeur chez Revillon Dry Goods). Les travailleuses de GWG, qui à l’origine n’étaient que sept, se sont syndiquées seulement trois mois après l’ouverture de l’entreprise, représentées par la United Garment Workers of America (UGWA), section locale 120. La section locale 120 était unique du fait qu’elle était essentiellement composée de femmes. Les syndicats étaient une façon pour les femmes d’améliorer leur statut économique inférieur, un immense obstacle au début du 20e siècle.
Le travail des femmes était considéré par les employeurs comme un travail non qualifié, ce qui signifiait que les femmes pouvaient être facilement remplacées si elles perturbaient la production (en se joignant à un syndicat, par exemple). Globalement, le but principal des femmes ouvrières était de subvenir aux besoins de leur famille. La plupart des ouvrières étaient célibataires, avec ou sans enfant – les femmes mariées de devaient pas travailler à l’extérieur de la maison. Elles travaillaient souvent seules, comme domestiques ou dans de petites équipes (comme dans l’industrie textile), ce qui rendait leur syndicalisation plus difficile. On le constate notamment dans les lois sur les syndicats (qui visaient à améliorer les conditions de travail), comme la Alberta Factory Act of 1917, qui s’adresse aux travailleurs d’usine et de bureaux, essentiellement des hommes. D’où la nature unique de la section locale 120 du UGWA, réputé être le premier syndicat de l’industrie de la confection en Amérique du Nord à obtenir une journée de huit heures et la semaine de travail de quarante heures. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la GWG produit 25 000 pièces de vêtements et d’uniformes destinés aux militaires et aux prisonniers de guerre. Au début des années 1940, les deux tiers de la production de l’usine sont consacrés à des contrats du gouvernement pour soutenir l’effort de guerre. En 1942, l’entreprise achève la construction d’un deuxième étage à l’usine située au 10305, 97e rue, un projet d’une valeur de 125 000 $. Cent vingt-cinq travailleuses supplémentaires sont engagées, portant l’effectif total à 500, surtout des jeunes femmes. Il s’agit d’une augmentation massive du nombre de membres pour le syndicat qui permettra à de nombreuses jeunes femmes de toucher un salaire dans un environnement de travail syndiqué. L’entreprise poursuivra ses activités jusqu’en 2004, année où elle fermera ses portes après avoir été rachetée par Levi Strauss.
Questions d’enquête
Avec l’ensemble des élèves, répondez aux questions suivantes :
Comment les syndicats aident-ils les travailleuses?
Quelles sont les conséquences pour les travailleuses (ou d’autres groupes marginalisés) de ne pas être représentées par un syndicat? Qu’arrive-t-il lorsque certains groupes ne sont pas représentés par un syndicat?
Qu’arrive-t-il lorsque des lieux de travail à majorité féminine (comme GWG) ferment leurs portes?
Vous voulez en savoir plus?
Consultez ces articles par Howard Akler :
L’étude de l’histoire orale
“L’histoire orale est un champ d’étude et une méthode pour recueillir, préserver et interpréter les voix et les souvenirs des gens, des communautés et des participants à des événements du passé. L’histoire orale est la forme la plus ancienne d’enquête historique, préalable aux écrits, mais également la plus moderne, depuis l’invention des enregistreuses dans les années 1940. Aujourd’hui, on fait appel aux technologies numériques du 21e siècle”
Oral History: Defined, Oral History Association
L’histoire orale et les entrevues constituent d’excellentes sources primaires. Le Alberta Labour History Institute a entrepris le projet de consigner les expériences d’anciennes travailleuses de la GWG.
Qu’est-ce qu’une source primaire?
“Une source primaire est un récit de première main ou contemporain sur un événement ou un sujet donné. Il s’agit du récit le plus direct sur une époque ou un événement, parce qu’il est raconté par des gens ou illustré par des objets existants à cette époque ou lors de cet événement. Ces sources n’ont pas été modifiées par l’interprétation et proposent une réflexion originale ou une information nouvelle. Les sources primaires sont des documents originaux, peu importe leur format. Les lettres, journaux, procès-verbaux, artéfacts, entrevues ou enregistrements audio ou vidéo sont des formes de sources primaires créées au moment où se produit un événement donné ou à une époque particulière. Les histoires orales, les articles de journaux et les mémoires ou biographies sont des exemples de sources primaires créées après l’événement ou l’époque en question, mais qui proposent des récits de première main.”
Primary Sources: An Introductory Guide, Seton Hall University Libraries
Regardez chacune de ces courtes vidéos de moins de quatre minutes en classe.
(en anglais seulement)
Répondez à ces questions avec l’ensemble des élèves
Est-ce que les histoires de ces anciennes travailleuses vous étonnent?
Imaginez que vous avez une famille et que vous devez travailler, mais que le travail d’usine est tout ce qui s’offre à vous. Comment réagissez-vous à cette situation?
Quelles seraient les conséquences de s’organiser ou de joindre un syndicat dans ces conditions?
Lien avec l’actualité
- Lisez cet article (en anglais seulement)
- En groupes, discutez de ces questions et réfléchissez à vos réponses dans votre journal :
- Quelles sont les conséquences des importations chinoises sur le travail des femmes par rapport à celui des hommes?
- Que se produit-il lorsque les femmes ont moins de débouchés ou perdent leur capacité de travailler et de toucher un salaire?
- Quelle est l’incidence de la relation commerciale de la Chine avec des pays africains, comme l’Éthiopie?
Et quel est le lien avec le Mouvement des neuf heures?
L’expérience des femmes dans l’histoire du travail est très différente de celle des hommes, mais elle n’en est pas moins importante. La vie et l’œuvre de Kate McVicar en est un bon exemple. Née en 1856 dans l’Ouest du Canada, Kate McVicar est une ouvrière d’usine à Hamilton à l’époque du Mouvement des neuf heures de 1872. Elle est célibataire et cherche à aider ses parents, ainsi que ses deux sœurs plus âgées, en travaillant dans l’industrie de la chaussure. Au fil de sa carrière, elle deviendra un des grands leaders des Chevaliers du Travail, une fédération syndicale américaine fondée à Philadelphie en 1869 qui prendra de l’expansion au Canada. Les Chevaliers proposent une vision unique au sein du mouvement syndical puisqu’ils veulent syndiquer tous les travailleurs, sans égard à leur genre, leur race ou leurs compétences – il va sans dire que les femmes représentent un grand nombre de membres potentiels. En avril 1882, des sections locales voient le jour à Hamilton, et en décembre de cette même année, des lettres écrites par « A Canadian Girl » (une jeune fille canadienne) (sans doute le nom de plume de Kate McVicar) appellent les entreprises à majorité féminine à s’organiser (notamment le personnel de maison et les travailleuses d’usines). Elle comprend la difficulté d’atteindre ces catégories de travailleuses et Gregory S. Kealey, dans sa biographie de Kate McVicar, décrit ainsi la suite des événements :
Un membre des Chevaliers du Travail répondra à cet appel dans le Palladium, et propose que les travailleuses d’usine discutent discrètement de leur organisation avec leurs camarades, jusqu’à ce qu’elles en trouvent dix qui soient prêtes à former une assemblée. Elles devront alors communiquer avec lui par le truchement du Palladium. Il se chargera ensuite d’organiser une réunion secrète pour leur expliquer les principes des Chevaliers et pour les regrouper au sein d’une section locale. Le fait qu’il s’agisse d’une société secrète est particulièrement utile pour les femmes, puisque cela protège leur réputation dans la sphère publique et préserve leur modestie.
En janvier 1884, la section locale 3040 voit le jour, formée de travailleuses et de travailleurs de l’industrie du textile et de la chaussure de Hamilton. En avril, les travailleuses et travailleurs de la chaussure créent leur propre section locale (3179), la première à être presque entièrement constituée de femmes et dont Kate McVicar prendra la tête. Cette percée permet aux Chevaliers de fonder au moins huit autres sections locales féminines en Ontario. En 1866, le Congrès des métiers et du travail du Canada embauche ses premières représentantes, qui proviennent toutes des Chevaliers du Travail.
Kate McVicar meurt à l’âge de 30 ans, le 18 juin 1886. Son décès laissera un grand vide au sein de la direction des sections locales de l’industrie de la chaussure de Hamilton pendant de nombreuses années
Référence: Kate (Katie) McVicar, Dictionary of Canadian Biography
Projet Capstone de la leçon
Rédigez une brochure sur votre programme d’enjeux
Pour s’organiser en syndicat, l’une des premières étapes consiste à déterminer les problèmes que vous souhaitez régler. Dans le cadre de ce projet, vous rédigerez une brochure, produirez une vidéo ou créerez une autre forme de campagne médiatique afin de faire connaître les problèmes auxquels vous souhaitez vous attaquer.
Répartissez les élèves en groupes de 4 ou 5.
- Déterminez: À qui s’adressera la brochure produite par votre groupe? Il peut s’agir de travailleurs d’usine, comme les travailleuses de la GWG, ou des élèves de votre école!
- Identifiez: Faites une recherche sur les problèmes à régler. Il peut s’agir des heures de travail, des conditions de travail, des avantages sociaux, de la sécurité.
- Rédigez: Rédigez une brochure en utilisant des termes faciles à comprendre et un ton décisif, pour que le lecteur soit motivé par votre message
- Faites la promotion: Éléments visuels, codes QR, vidéos – tous ces éléments et bien plus peuvent susciter un intérêt pour votre campagne. Une fois la dernière étape achevée, posez-vous la question suivante : « Est-ce que cette campagne me motive à me joindre à un syndicat? »
À titre de référence, voici un exemple de la façon d’intégrer un programme d’enjeux au processus de syndicalisation:
The Five Basic Steps to Organizing a Union, United Electrical
Vous avez besoin d’une grille d’évaluation?
Consultez cette grille du Gresham-Barlow School District (en Oregon).
Références
Cole, Catherine. « Clothing the Armed Forces: The Great Western Garment Company during WWII« . World War II: The Homefront in Alberta. 2005: Alberta Online Encyclopedia. http://wayback.archive-it.org/2217/20101208161521/http://www.albertasource.ca/homefront/feature_articles/gwg_factory.html
Cole, Catherine. « History of GWG: Edmonton’s Great Western Garment Company« . Piece by Piece: The GWG Story. 2010: Royal Alberta Museum & Alberta Labour History Institute. http://gwgpiecebypiece.ca/en/history/edmonton.html
Finkel, Alvin. Working People in Alberta: A History. 2012: Athabasca University Press.
Kealy, Gregory. « Kate (Katie) McVicar« . The Dictionary of Canadian Biography. 2003: University of Toronto/Université Laval. http://www.biographi.ca/en/bio/mcvicar_kate_11E.html
Zacharewski, Natalie. « Mind the Gap: Working Women in Edmonton’s history« . Edmonton City as Museum Project. 2016. https://citymuseumedmonton.ca/2016/03/08/mind-the-gap-working-women-in-edmontons-history/
« Great Western Garment Company (GWG) in Edmonton« . Alberta Labour History Institute. 2012. https://albertalabourhistory.org/gwg/