La lutte pour les neuf heures de Halifax, Nouvelle-Écosse
De Joseph Burton

Joseph Burton
Historien collaborateur
Joseph Burton est candidat au doctorat au département d’histoire de l’Université Simon Fraser. Sa recherche explore la transmission des idées anarchistes en Amérique du Nord au milieu et à la fin du XXe siècle, en se concentrant sur les Industrial Workers of the World et les liens entre la démocratie et la pratique révolutionnaire. Ses écrits ont été publiés dans la Canadian Historical Review et il a partagé et discuté son travail lors de conférences universitaires au Canada et aux États-Unis. En tant qu’éducateur et instructeur de session, son enseignement s’est concentré sur l’histoire du travail et de la vie professionnelle au Canada.
Le mouvement des neuf heures et la Loi sur les syndicats ouvriers de 1872 constituent pour les académiciens des moments cruciaux de l’histoire des mouvements de travailleurs du Canada. Or d’autres combats, quant à eux moins connus, ont été menés au printemps 1872 pour obtenir une journée de travail de neuf heures. Les travailleurs d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, ne sont pas affiliés au mouvement des neuf heures mais mènent néanmoins un combat similaire pour raccourcir les journées de travail pendant les semaines qui précèdent l’adoption de la loi du premier ministre John A. Macdonald.[1]
Nombreux sont les ouvrages sur le mouvement de neuf heures qui ne font qu’une courte mention de la lutte d’Halifax. Dans un même ordre d’idée, les travaux sur les mouvements de travailleurs des provinces de l’Atlantique ne font que rarement mention de la lutte d’Halifax dans le contexte du mouvement des neuf heures et ne nous renseignent pas sur ce que cette comparaison pourrait nous apprendre au sujet du travail au Canada. Les deux luttes sont rarement examinées ensemble et même les ouvrages dédiés aux enjeux des provinces maritimes où il est mention du combat de 1872 pour limiter la journée de travail à neuf heures n’y accordent que quelques phrases.
Cet article traite des travailleurs d’Halifax et du combat que les charpentiers et les calfats de navires du front de mer mènent en 1872 pour revendiquer une journée de travail de neuf heures. Passons en revue le contexte de ces travailleurs; ils œuvrent dans le domaine de la construction navale canadienne de la fin du 19e siècle, alors qu’une crise prend forme dans tous les corps de métier de front de mer. Dans les sections suivantes, nous examinerons la lutte que leur syndicat mène au mois de mai 1872 pour obtenir de meilleurs salaires et conditions de travail. Ce conflit ancré dans la montée des mouvements de syndicalisation des travailleurs marque un tournant dans l’histoire des travailleurs du Canada.
Le conflit d’Halifax ne représente qu’un bref moment de l’histoire des mouvements ouvriers puisqu’il naît et se conclut en l’espace de deux jours. Or il nous rappelle que si les mouvements des travailleurs du Canada luttent pour des objectifs similaires, il ne s’agit pas d’un mouvement homogène ou unidimensionnel. Il s’agit en fait d’un « mouvement de mouvements » où les stratégies, les tactiques et les structures organisationnelles peuvent être incompatibles et même exclusives en plus de se chevaucher et se contredire.[2]
Mouvement de mouvements
L’expression « un mouvement de mouvements » est plus souvent associée aux luttes contemporaines contre le capitalisme mondial, le néolibéralisme et le colonialisme.
Dans le cas du mouvement d’Halifax, les tactiques et la structure du syndicat local des charpentiers et des calfats de navire se distinguent de celles du mouvement des neuf heures et reflètent leur position structurelle et leurs avantages uniques dans une économie capitaliste. Grâce à ces avantages, le syndicat remporte, pendant de nombreuses années y compris en 1872, de nombreuses victoires tangibles et un succès plus concret et immédiat que celui des pionniers du mouvement des neuf heures. Or le syndicat d’Halifax n’a pas survécu aux transformations significatives de la direction et de l’impact du développement socio-économique qui ont marqué les dernières années du 19e siècle. Par conséquent, ce n’est pas l’insularité des charpentiers de navires mais bien l’emphase que le mouvement des neuf heures met sur des structures plus importantes qui permettent de fédérer de nombreux groupes qui caractérise le parcours des mouvements de travailleurs au Canada pour les décennies à venir.
Travailleurs des industries du transport, de la construction de navires et du front de mer
Entre la moitié et la fin du 19e siècle, peu d’industries économiques peuvent se vanter de posséder une flotte marchande aussi grande et active que celle de l’état canadien en devenir. Au carrefour de routes coloniales marchandes lucratives, soutenue et renforcée par une protection mercantiliste et des demandes accrues liées aux efforts de guerre du début du siècle, la marine marchande canadienne compte en 1878 plus de 7 500 navires, dont la majorité sont construits dans la région de l’Atlantique. Avec une capacité de 1,3 millions de tonnage, la flotte marchande est probablement la quatrième plus importante au monde, surpassée par les flottes de trois autres puissances coloniales, soit le Royaume-Uni, les États-Unis et la Norvège.[3]

Cette période de croissance effrénée dans la construction et l’industrie navales a souvent été décrite avec une touche de nostalgie comme l’époque des « navires de bois et des hommes de fer » par des écrivains voulant célébrer les prouesses nautiques des marins et la grandeur de la flotte atlantique. Les historiens Eric W. Sager et Gerald E. Panting ont en effet validé la vérité de ce propos. À leurs yeux, les exploits et le raffinement de l’industrie navale sont des gages significatifs qui reflètent « non pas un succès régional modeste, mais bien… un positionnement réussi dans les marchés internationaux du capitalisme du 19e siècle »[4]
En dépit de la grandeur nautique de l’industrie navale, on reconnaît les chantiers de construction de navires du Canada autant à la grande précision de leurs navires et de leurs équipes, mais aussi aux nombreux conflits et luttes qui y sévissent. Au cours de la révolution industrielle du Canada, les ouvriers qui construisent les navires de la flotte marchande peinent à maintenir leurs rigoureuses pratiques de travail lorsque confrontés à deux menaces interreliées. Premièrement, les employeurs tentent régulièrement d’outrepasser ou de saturer les programmes d’apprentissage des corps de métier; ils embauchent des charpentiers compagnons pour œuvrer aux côtés des charpentiers, des gréeurs et des autres travailleurs spécialisés et accrédités. Deuxièmement, même s’il n’est pas possible de mécaniser la construction des navires comme certaines autres industries, les corps de métier de front de mer doivent, à compter de 1850, faire face à la menace de l’arrivée des bateaux à vapeur, dont l’existence met en péril la pertinence des métiers de la construction de navires et poussent irrémédiablement les employeurs à baisser leurs coûts.[6]
Ces tendances nourrissent une hausse des efforts de syndicalisation et les conflits dans l’industrie. Un des sites importants de ces luttes est sans contredit Halifax, qui voit sa population doubler entre 1840 et 1870 et qui devient ce faisant un site d’entreposage crucial pour les pêcheries, le commerce côtier et les Antilles et un carrefour de construction de navires.[7] Au début des années 1870, la majeure partie des ouvriers des corps de métier de front de mer est syndiquée; les charpentiers et les calfats de navires sont les travailleurs les plus actifs au sein des syndicats. Tel que rapporté par Ian McKay, ces travailleurs « croient que les compétences requises pour exercer leur métier les différenciaient des autres ouvriers manuels ». Il est attendu des charpentiers de navires qu’ils maîtrisent « toutes les aptitudes requises dans le domaine de la charpenterie générale » et de « travailler avec une gamme d’angles plus vaste, de poser les planches selon des patrons complexes exigeant compétence et réflexion et d’utiliser les joints les mieux adaptés pour la construction de navires ». Les calfats s’assurent quant à eux de rendre les coques étanches et aptes à prendre la mer, en introduisant de l’étoupe, des fibres végétales provenant de vieux cordages, entre les bordés, les joints des planches, et de sceller le calfeutrage avec du goudron chaud.[8]
Comme McKay en fait mention, les charpentiers et les calfats de navires mettent sur pied leur syndicat en 1864. Les voiliers, ces fabricants des voiles de navire, fondent quant à eux le leur en 1871 et les tonneliers, en 1870.
Ces deux métiers nécessitent plusieurs années de formation rigoureuse et de supervision attentive. Pour protéger la dignité de leur métier ainsi que le bien-être des travailleurs spécialisés et de leurs familles, les deux groupes constituent l’Association des charpentiers et calfats navals d’Halifax et de Dartmouth (Shipwrights and Caulkers Association of Halifax and Dartmouth) en 1864. Selon les lois de la Nouvelle-Écosse, la nouvelle association a pour mission de soutenir ses membres « en cas de maladie ou du décès dans leur famille » et les aider « à tirer un meilleur profit de leur expertise dans les communautés mercantiles d’Halifax et de Dartmouth.[9]
Dans le monde d’aujourd’hui, l’idée que les employeurs puissent et doivent contrôler le processus d’embauche fait sens. Or, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans la deuxième moitié du 19e siècle, alors que le travail rémunéré est encore une nouveauté dans la vie de nombreux travailleurs, les ouvriers spécialisés cherchent à restreindre le pouvoir des employeurs à embaucher, former et congédier à leur seule discrétion. Pour ces travailleurs, le pouvoir des employeurs de décider qui peut ou ne peut pas pratiquer un métier met en péril la qualité et la dignité de leur métier puisqu’ils ne sont pas en position de garantir la mise en œuvre de normes et exigences de qualité. Après tout, les travailleurs tirent énormément de fierté de leur métier. Or ces pratiques d’embauche minent la valeur de leur travail et réduit par conséquent leur habileté à contrôler d’autres aspects du travail, notamment les horaires, la paie et la cadence du travail. Ils savent pertinemment qu’en manifestant contre de mauvaises conditions de travail, les employeurs vont simplement embaucher d’autres ouvriers. C’est d’ailleurs pour cette raison que les employeurs entreprennent de mécaniser et d’automatiser des tâches et des procédures de travail au cours de la révolution industrielle du Canada. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter l’efficacité, mais de retirer aux travailleurs le pouvoir de transmettre leurs connaissances et de diminuer les moyens de pression qu’ils peuvent exercer sur les conditions de travail.
Dans les faits, cette disposition implique la mise en œuvre de restrictions claires et fermes sur l’apprentissage et de délimiter les tâches incombant aux charpentiers et aux calfats de navires des tâches des autres travailleurs. Les employeurs ont dorénavant plus de difficultés à miner le contrôle des travailleurs spécialisés en embauchant et en formant qui bon leur semble.[10] Mais comme c’est le cas dans de nombreux autres centres industriels, les charpentiers de navires excluent une population croissante de travailleurs sans terre, forcés de travailler dans des situations de grande précarité, minant ainsi la solidarité entre travailleurs à une époque où les employeurs s’organisent pour devenir plus puissants que jamais auparavant. Pour des syndicats émergents comme la Noble and Holy Order of the Knights of Labor fondée à Philadelphie en 1869, la classe moyenne ne peut pas se permettre d’ériger ces barrières entre les groupes de travailleurs et encore moins se replier derrière elles et les approfondir.[11]
La bataille des neuf heures
Tout comme il en a été pour le syndicat des typographes de Toronto et d’autres syndicats de corps de métier, un des effets immédiats du pouvoir de négociation découlant des restrictions mises en œuvre par l’Association, codifiées dans ses consignes additionnelles (Supplementary Rules) en 1867, est l’augmentation lente mais sûre de ses effectifs au cours des années 1860 et 1870. Le syndicat rabroue des tentatives hâtives du magasinier du chantier, dont le mandat est de gérer les niveaux des stocks et des fournitures requises dans l’entrepôt, de rejeter tous les travailleurs membres du nouveau syndicat; cet effort se voit même soutenu par l’établissement politique local. En 1866, le comité sur le commerce et la fabrication du gouvernement provincial rejette la pétition des employeurs de limiter les activités de l’association en vertu d’une loi antisyndicale de 1864. Selon les débats et délibérations de l’assemblée législative, John Tobin, le représentant d’Halifax, a rencontré les membres du syndicat et s’est vu persuadé « que leurs transactions sont entièrement d’un caractère utile et honorable »[12]
Dans les années 1870, le syndicat a recruté suffisamment de membres parmi les travailleurs locaux pour revendiquer et obtenir des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. À compter de 1864, alors que ses effectifs ne représentent qu’une fraction de ses nombres potentiels, le syndicat revendique en vain un salaire de 2,50 $ par jour pour suivre l’augmentation du coût de la vie en ville. En 1872, le syndicat représente désormais 88 membres, donc plus des trois quarts des charpentiers et calfats d’Halifax.[13] Puisque le syndicat possède désormais le pouvoir de faire cesser toutes les activités de construction de navires de la ville, les membres de l’association se réunissent le 29 avril pour demander publiquement une augmentation des salaires. Selon les faits rapportés par le quotidien Morning Chronicle, les membres soutiennent « que leurs salaires sont les mêmes depuis les dix-huit dernières années, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter »[14]
Les preuves semblent indiquer que les employeurs sont prêts à accepter ces demandes d’augmentation de salaire et qu’ils se préparent à rencontrer les représentants du syndicat deux jours plus tard, soit le 1er mai. Or, le jour prévu de la négociation, les employeurs apprennent que le syndicat demande également « une réduction des heures de travail de dix heures à neuf heures par jour » en plus de l’augmentation à 2,50 $ par jour et que si ces deux demandes ne sont pas acceptées, les charpentiers et les calfats de navire sont prêts à déclencher une grève immédiate. Les employeurs sont « surpris d’apprendre que les ouvriers ne respectent pas les termes de leurs revendications » et ne sont pas disposés à concéder de tels avantages. Or, tel que le rapporte le quotidien Morning Chronicle le matin du 2 mai, le lendemain où les travailleurs ont exigé de meilleurs salaires et des journées de travail de neuf heures, les « nécessités forcent [les employeurs] à céder et à donner aux travailleurs tout ce qu’ils demandent »[15]
La différence entre Halifax et Toronto
Comment expliquer ce revirement aussi soudain? Qu’est-ce qui amène les employeurs d’Halifax à capituler aussi rapidement, alors que partout ailleurs au Canada et au même moment, les employeurs s’opposent pendant des semaines et des mois aux revendications pour des journées de travail moins longues? Des milliers de travailleurs de l’Ontario et du Québec luttent également pour obtenir des journées de travail de neuf heures; d’ailleurs, les membres du syndicat des typographes de Toronto mènent une grève prolongée contre George Brown, le propriétaire du quotidien Globe, sans espoir de résolution en vue. Contrairement aux charpentiers et aux calfats de navire, la majorité des travailleurs du centre du Canada vont échouer à réduire d’une heure leurs journées de travail ou vont devoir recommencer à travailler dix heures par jour lorsque le mouvement de neuf heures s’éteint en juin de la même année.[16]
Comme les propriétaires de navires des provinces atlantiques étaient aussi souvent les constructeurs de ces navires, ils investissaient des sommes importantes d’argent dans la construction des navires et se repayaient avec les tarifs de fret élevés et les passages fréquents. Ces tarifs étaient assujettis à des fluctuations annuelles et même mensuelles en fonction des biens transportés, donc manquer une occasion de transporter des biens dans une période de grande demande pouvait se traduire par des pertes substantielles de revenus, plus particulièrement si les tarifs de fret restaient bas pendant une longue période (comme cet article tente de le démontrer, les tarifs de fret remontent souvent. Les tarifs ont commencé à chuter graduellement et continuellement après 1873
Faire état de ces différentes incombe à l’histoire des mouvements de travailleurs. Un des facteurs cruciaux à considérer est sans contredit le moment propice de ces activités. Le syndicat des charpentiers et des calfats de navires est une petite organisation locale qui n’appartient à aucune grande bureaucratie syndicale et peut décider comme bon lui semble de faire la grève ou de reprendre le travail et ainsi prendre les employeurs de court. De telles tactiques se révèlent être d’une redoutable efficacité dans l’industrie du transport. Les débardeurs peuvent arrêter la totalité des activités des fronts de mer en déclarant une grève au bon moment. Une grève imprévue et soudaine a le potentiel de faire perdre aux propriétaires de navires, qui sont souvent les constructeurs de navire dans les provinces atlantiques du Canada, des tarifs de fret favorables.[17] Les imprimeurs et les ingénieurs spécialisés sont également mesure de mettre en œuvre ces tactiques visant à perturber les activités des employeurs, or les leaders du mouvement de neuf heures valorisaient la coordination des groupes disparates de travailleurs en annonçant publiquement des grèves plutôt que de prendre les patrons par surprise. Si cette tactique permet de rassembler des groupes de travailleurs, elle donne aussi aux employeurs le temps de se préparer en vue des grèves.[18]
Comme le fait remarquer Battye, le comité central de la ligue des Neuf heures de Hamilton est déterminé « à présenter des requêtes formelles pour demander une journée de travail de neuf heures à tous les employeurs de la ville. La ligue leur donne un préavis de trois mois conformément aux discussions tenues lors d’une grande réunion [le 13 février], stipulant que la journée de travail de neuf heures entrerait en vigueur le 15 mai ». James Ryan, un des leaders du mouvement, élabore un plan d’action pour permettre aux travailleurs de Hamilton et de Toronto de déclencher une grève le 15 mai et le 1er juin respectivement, si les employeurs n’agréent pas à leurs demandes. Même si le syndicat des typographes de Toronto déclenche une grève hâtive, soit le 18 mars, ses membres donnent une semaine de préavis aux employeurs.
Plus important encore que le moment propice pour déclencher une grève est le niveau inégal et variable de contrôle que les employeurs exercent sur le travail qui permet cette résolution rapide. Lorsque les constructeurs de navires refusent d’accepter la journée de travail de neuf heures revendiquée par le syndicat et provoquent ainsi une grève en mai 1872, ils ne peuvent forcer les travailleurs à retourner au travail sans risquer d’avoir à les réembaucher à des taux plus élevés ou de mettre complètement fin aux activités de production en attendant que les travailleurs ne cèdent à la famine et reviennent au travail, soumis et dociles. Tel que mentionné dans ce texte, les charpentiers et les calfats de navires acquièrent leurs compétences et aptitudes au cours de longues années de formation et il n’est pas possible de morceler ces techniques en différentes étapes, comme c’est le cas dans d’autres métiers comme la cordonnerie ou la fabrication des chaussures. Les employeurs et propriétaires de chantiers de navires ne peuvent donc pas répliquer et décliner ces métiers en tâches plus simples pour former des travailleurs non spécialisés et miner le pouvoir de négociation des charpentiers et des calfats. Ils sont les seuls travailleurs qualifiés pour pratiquer leur métier et l’enseigner à des futurs charpentiers et des calfats de navires. Par conséquent, les constructeurs de navires peuvent à leur gré renflouer leurs rangs de compagnons charpentiers, mais ils ne peuvent outrepasser les services de leurs travailleurs spécialisés sans mettre en péril l’intégrité de leurs navires et la valeur des biens qu’ils transportent.[19]
Or il n’en était pas de même pour les imprimeurs spécialisés, ou nombre d’autres travailleurs à la fin du 19e siècle au Canada. Si le domaine de l’impression et de la composition demeure pratiquement inchangé jusque dans les années 1890, l’arrivée des presses rotatives et des plieuses à vapeur donne aux employeurs énormément de pouvoir sur une grande partie du processus d’impression. Ces appareils réduisent le contrôle des travailleurs sur la cadence du travail et des programmes de formation et change drastiquement le rôle de l’imprimeur pour le diviser en tâches spécialisées, et aussi plus isolées, de compositeur qualifié et d’opérateur de presse, deux postes que George Brown avait cherché à remplacer dans le passé par des travailleurs non syndiqués, des compagnons imprimeurs et même des jeunes garçons sans formation.[20]
Les compositeurs
Comme ils l’ont toujours fait, les compositeurs « composent » le texte des documents à imprimer, dans ce cas-ci, les pages du quotidien Globe, en insérant chaque lettre dans un composteur, et en assemblant les composteurs sur une grande feuille de métal appelée galée. Au début du 18e siècle, ces mêmes travailleurs vérifient le texte avant d’opérer une presse manuelle en bois pour encrer le papier. Or dans les années 1850 et 1860, les opérateurs de presse prennent en charge la deuxième étape de ce processus, soit l’encrage et l’impression, et placent le papier dans les presses mécaniques rotatives ou à cylindres.
Or les charpentiers de navires possèdent quelque chose que George Brown et les imprimeurs n’ont pas : la flexibilité. En 1872, les constructeurs de navires sont en mesure de payer des coûts de travail légèrement plus élevés. Il leur est possible de s’approvisionner en matières premières pour construire les navires à des coûts très faibles; l’abondance locale de ces matières, comme le bois, et l’exemption des taxes d’importation négociées par les marchands capitalistes sur les écrous et les barres de fer, les gréements et le fer blanc permettent aux constructeurs de s’approvisionner à moindre coût. Plus encore, les tarifs de fret fluctuent chaque mois, or ils ne commencent pas à chuter drastiquement avant 1873; les constructeurs de navires peuvent donc récupérer leurs dépenses additionnelles en vendant les navires à prix plus élevés aux propriétaires de navires, qui récupèrent à leur tour l’augmentation de leurs dépenses en chargeant des tarifs de fret plus élevés aux transporteurs qui leur confient la charge d’acheminer des biens et des matières dans leurs navires.[21]
Les employeurs comme George Brown ne profitent aucunement d’une telle flexibilité. Contrairement aux constructeurs de navires, l’importation des matières permettant de fournir ou d’améliorer le processus d’impression, telles que de nouvelles presses plus sophistiquées, coûte très cher et fait augmenter les coûts d’exploitation déjà élevés. Il ne leur est pas possible de récupérer ces dépenses additionnelles au point de vente puisque le domaine de l’impression n’a pas d’équivalent du propriétaire de navires qu’ils peuvent faire payer plus cher et qui pourra à son tour facturer ses clients plus cher pour récupérer son argent. Brown et les employeurs peuvent uniquement récupérer ces dépenses additionnelles à court terme en augmentant le prix des journaux, ce qui mine leur compétitivité sur le marché. En bons capitalistes, ils ne sont pas prêts à mettre en péril la viabilité de leur modèle d’affaires.[22]
Battye fait remarquer que si certains imprimeurs et ingénieurs ferroviaires obtiennent en effet la journée de travail de neuf heures, l’adoption répandue de ce système est tout sauf uniforme. À compter de juin 1872, alors que le soutien pour le mouvement des neuf heures s’essouffle considérablement, la plupart des compagnies qui ont accepté les neuf heures reviennent à la journée de travail de dix heures
L’écart des tendances et de la réalité propre à chaque industrie explique la différence d’échelle et la durée de ces deux luttes pour une journée de travail de neuf heures. Disposant d’un grand pouvoir de négociation et d’un besoin réel de résister, George Brown et les autres imprimeurs sont grandement motivés et sont à bien de s’opposer aux pionniers du mouvement des neuf heures le plus longtemps possible et d’empêcher avec succès la mise en œuvre de la journée de neuf heures dans l’industrie.[23] Dans un même ordre d’idée, c’est leur grande vulnérabilité qui incite les imprimeurs de Toronto et les autres groupes de travailleurs spécialisés du mouvement des neuf heures à mobiliser leurs forces dans les villes et les provinces, alors que les charpentiers et les calfats de navire, qui profitent d’une position nettement avantageuse dans l’économie capitaliste des provinces maritimes, se satisfont de leur isolement à Halifax. En effet, les travailleurs spécialisés du front de mer ne joignent pas les rangs de l’Union ouvrière canadienne fondée en 1873 dans le sillage du mouvement des neuf heures. En fait, les calfats se séparent des charpentiers en 1882 pour former leur propre syndicat : la Caulkers Association of Halifax and Dartmouth.[24]
L’acier, la vapeur et la montée du capitalisme monopoliste
Cet isolement ne leur profite pas à long terme. Même si les charpentiers et les calfats de navires se taillent une place de choix et maintiennent leur indépendance dans les années 1870 et 1880, les fondements de leur corps de métier ne tardent pas à leur glisser en les doigts. Confrontés à la baisse des tarifs de fret et à la concurrence des bateaux à vapeur au cours des années 1880, les propriétaires de navires et les marchands capitalistes de l’Atlantique commencent à se retirer graduellement de l’industrie de la construction navale pour s’occuper d’investissements à l’intérieur des terres qui les occupent depuis plusieurs décennies.[25] À compter de 1890, s’ils trouvent encore du travail, les charpentiers et les calfats de navires ne construisent plus vraiment de nouveaux navires. Ils travaillent plutôt à réparer les vieux vaisseaux pour permettre aux propriétaires de remettre rapidement sur les voies maritimes pour faire des passages rapides et réguliers afin d’aller chercher le peu de profit qu’il reste à aller chercher. Au tout début du nouveau siècle, la majeure partie de ces activités a disparu, en même temps que le syndicat qui les rassemblait. McKay mentionne qu’il n’existe plus de preuve de l’existence d’une association ou d’un syndicat de charpentiers ou de calfats après 1912.[26]

En toute honnêteté, même s’ils avaient voulu protéger leur métier et leur indépendance et qu’ils avaient pris soin d’établir de meilleurs contacts avec la ville ou la province, il n’y a que très peu de choses que ces travailleurs auraient pu faire. Et même si les marchands capitalistes de des provinces de l’Atlantique avaient maintenu leurs intérêts dans le transport maritime, ils auraient invariablement délaissé les navires en bois et commencé à investir davantage dans les bateaux à vapeur, un mouvement qui se poursuit au début du 20e siècle.[27]
Or il n’en est pas de même pour tous les travailleurs spécialisés; nombreux sont ceux qui, vers la fin du 19e siècle, voient leurs corps de métier assiégés et amoindris par la division des tâches et la mécanisation des industries; ces assauts répétés minent leur contrôle sur leurs pratiques spécialisées de travail et sur leur vie de travailleurs. Les travailleurs canadiens vont continuer d’encaisser ses assauts; à compter de 1890, ces attaques deviennent de plus en plus fréquentes puisqu’un nombre décroissant d’entreprises prennent toujours plus de contrôle sur la fabrication des biens. Les historiens appellent capitalisme monopoliste les tendances mercantiles de cette époque.[28]
Une des solutions à ce problème est de rassembler les syndicats professionnels locaux en grandes unités fédérées et de coordonner les grèves contre les employeurs, comme les pionniers du mouvement des neuf heures l’ont imaginé. Il en a été fait mention plus haut : d’autres syndicats comme le Noble and Holy Order of the Knights of Labor commencent à mettre en place un autre modèle qui rassemble les travailleurs d’une même industrie plutôt qu’en fonction des métiers. Ce modèle a pour conséquence d’éroder les divisions qui séparent les travailleurs spécialisées des ouvriers sans formation. Le syndicat The Knights et d’autres mouvements de travailleurs à venir, notamment le Industrial Workers of the World (IWW), commencent également à s’opposer à la marginalisation des femmes, des immigrants et des travailleurs de couleur des mouvements syndicalistes, des pratiques qui coûtent très cher au mouvement des neuf heures.[29]
Vous découvrirez, dans les articles à venir que Moments déterminants Canada prévoit publier, à quel point ces conflits et ses limites intersectionnels définissent le mouvement des travailleurs au Canada et ailleurs et ce, pour les décennies à venir. Ces conflits ont engendré des mouvements différents qui sont non seulement plus inclusifs et militants, mais aussi franchement plus révolutionnaires et dévoués au développement d’un système économique plus juste et équitable que celui de l’Amérique du Nord des années 1880. Le temps étant enfin venu de changer de cap puisqu’un nombre croissant de travailleurs voient dans ce système de l’injustice. Le capitalisme s’avérait être pleinement déficient et profondément destructeur.
[1] Consulter, par exemple : John Battye, « The Nine Hour Pioneers: The Genesis of the Canadian Labour Movement », Labour/Le Travail 4 (1979) : page 40; K.G. Pyke, « Labour and Politics: Nova Scotia at Confederation », Social History 3, numéro 6 (1970) : page 38. Articles rédigés en anglais.
[2] Consulter Tom Mertes eds. « A Movement of Movements: Is Another World Really Possible? » (Londres : Verso, 2004).
[3] Eric W. Sager et Lewis R. Fischer, « Transports maritimes et construction navale dans les provinces atlantiques 1820-1914 » (Ottawa : Société historique du Canada, Brochure historique numéro 42, 1986), page 3; Eric W. Sager et Gerald E. Panting, Maritime Capital: The Shipping Industry in Atlantic Canada: 1820-1914 (Montréal et Kingston : presses universitaires McGill-Queen’s, 1990), volume 4, pages 24 à 29. Sager et Panting écrivent que « les données officielles invitent parfois le scepticisme ». En se basant sur les travaux d’observateurs du 19e siècle, notamment le député Joseph Tassé, ils expliquent que de « nombreux navires immatriculés au Canada appartiennent à des intérêts qui ne sont pas canadiens et qu’une proportion importante du tonnage enregistré repose sur des navires côtiers appartenant à des catégories qui échappent souvent aux totaux officiels des autres nations fortes de leur transport maritime ». Pour ces raisons, il n’est pas possible de confirmer que le Canada exploite la 4e plus importante marine marchande au monde. Sager et Panting, Maritime Capital, 4, 224 en. 6.
[4] Sager et Panting, Maritime Capital, page 3. Comme Sager et Panting l’indiquent, les historiens comme Frederick William Wallace offrent, tout en démontrant une vision nostalgique et idéalisée de notre histoire maritime, des chroniques d’une valeur inestimable sur l’industrie, dans lesquelles ils relatent des témoignages de première main de la vie et de l’expérience des travailleurs.
[5] Sager et Fischer précisent dans une remarque similaire que selon d’autres perspectives, « les navires doivent être considérés comme des machines, comme les unités de production de l’industrie du transport et les lieux où travaillent les hommes et les femmes ». Sager et Fischer, Shipping and Shipbuilding, page 4.
[6] Ian McKay, « Class Struggle and Merchant Capital: Craftsmen and Labourers on the Halifax Waterfront, 1850-1902 », article en anglais paru dans le The Character of Class Struggle: Essays in Working Class History, éditions Bryan D. Palmer (Toronto : McClelland and Stewart, 1988), page 23.
[7] Susan Buggey, « Building Halifax 1841-1871 », article paru dans Acadiensis 10, numéro 1 (1980) : page 90; Sager et Fischer, Shipping and Shipbuilding, page 7.
[8] McKay, « Class Struggle and Merchant Capital », pages 22 et 25. Sager et Panting font valoir, en s’appuyant sur les travaux de Richard Rice et d’Eugene Forsey, que les charpentiers de navire s’impliquent dans la création d’un syndicat et l’élaboration de conventions collectives dès 1799 et relatent « qu’il existe des preuves de syndicalisation des charpentiers de navires dans les années 1830 et 1840 ». Sager et Panting, Maritime Capital, page 273 en. 44.
[9] Les lois de la Nouvelle-Écosse (The Statutes of Nova Scotia) (Halifax : Alpin Grant, 1864), page 50.
[10]Pour une discussion accessible sur ce sujet, consulter Bryan Palmer, « The Culture of Control », dans A Culture in Conflict: Skilled Workers and Industrial Capitalism in Hamilton Ontario, 1860 – 1914 (Montréal et Kingston : presses universitaires McGill-Queen’s, 1979), pages 71 à 95.
[11] McKay, « Class Struggle and Merchant Capital », pages 23 à 26; Bryan D. Palmer et Gregory S. Kealey, « Dreaming of What Might Be: The Knights of Labor in Ontario, 1880-1900 » (Cambridge : presses universitaires de Cambridge, 1982), pages 142 et 143.
[12] Débats et délibérations de l’assemblée législative (Debates and Proceedings of the House of Assembly) (Halifax : Croskill et Bourinot, 1866), page 148; Pyke, « Labour and Politics », page 38.
[13] Pour les données sur les effectifs de l’association en 1864, consulter les lois de la Nouvelle-Écosse, citées plus haut, pour obtenir la liste des sept membres qui ont constitué l’association en société. Il est possible que d’autres membres aient contribué à la création du syndicat, or la meilleure explication justifiant l’échec du syndicat à faire adopter une rémunération de 2,50 $ par jour sur presque dix années de revendication, entre sa création et le conflit qui a lieu en mai 1872 est la suivante : le nombre de charpentiers et de calfats de navires qui s’organisent en syndicat est trop bas. Pour en connaître davantage sur les effectifs du syndicat en 1872, consulter McKay, « Class Struggle and Merchant Capital », page 28. Mon estimation que le syndicat a regroupé plus du trois quart de tous les charpentiers et calfats de navires est basée sur les archives de recensement du Canada. Un an à peine avant le conflit, le recensement de 1871 indique 142 « charpentiers de navires » à Halifax. Le recensement met de l’avant des catégories distinctes pour les voiliers, les arrimeurs et les tonneliers, mais ne fait aucune distinction pour les gréeurs, les charpentiers ou les calfats, alors que McKay différencie à la page 20 de son ouvrage ces trois corps de métier dans le contexte du front de mer d’Halifax. Il faut assumer que ces trois métiers sont recensés sous la même catégorie, soit « charpentier de navires ». Parce que la différence entre le nombre de travailleurs membres du syndicat (88) et le nombre total de charpentiers de navire (142 en 1871) s’explique en partie par le nombre de gréeurs, il est plus que raisonnable d’estimer que le syndicat rassemblait plus des trois quarts de tous les charpentiers et des calfats de navires en 1872, Consulter le Recensement du Canada, 1871 : Volume II (Ottawa : I.B. Taylor, 1873), page 343 de la version anglaise.
[14] Quotidien Morning Chronicle, 1er mai 1872.
[15] Quotidien Morning Chronicle, 2 mai 1872.
[16] Pour obtenir des informations sur le mouvement des neuf heures, consulter la série illustrée de Matthew Barrett créée pour Moments déterminants Canada. Matthew Barrett, parties 1 à 5, « Tous pour 9 et 9 pour tous », Moments déterminants Canada : Tous pour 9 et 9 pour tous : https://definingmomentscanada.ca/fr/tous-pour-9/serie-illustree/
[17] L’historien Keith Matthews a démontré la volatilité de ces tarifs. Voici un exemple : dans une analyse des variations des tarifs de fret pour les passages entre Saint John et Liverpool, Matthews montre qu’en 1858, les tarifs étaient bien plus élevés entre janvier et juin qu’entre juin et septembre. Par contre, les tarifs ont grimpé en flèche au mois d’août 1860 pour donner la moyenne des tarifs annuels la plus élevée jusqu’en juillet 1873. Consulter Keith Matthews, « The Canadian Deep Sea Merchant Marine and the American Export Trade, 1850 – 1890 », dans Volumes Not Values: Canadian Sailing Ships and World Trades, éditions David Alexander et Rosemary Ommer (St. John’s: Maritime History Group, 1979), page 241. Consulter également Sager et Panting, Maritime Capital, 48, pages 110 et 111, qui indiquent que « dans les provinces maritimes, ceux qui ont besoin de navires et qui en sont propriétaires en sont également les constructeurs ».
[18] Battye, « The Nine Hour Pioneers », pages 35, 41, 43 et 44.
[19] Comme Sager et Panting le font remarquer, l’industrie de la construction navale « dépend étroitement du travail des ouvriers spécialisés et aucun investissement en capital ne peut y remédier ». Sager et Panting, Maritime Capital, page 187. Consulter également McKay, « Class Struggle and Merchant Capital », pages 22 et 23, qui explique que « les petits producteurs, souvent précairement marginaux, continuent de dominer ces domaines d’affaires, sans jamais se transformer en industrie. Les travailleurs spécialisés n’ont pas eu à faire face à une révolution des méthodes de production qui auraient eu un impact négatif sur leur statut ».
[20] Gregory S. Kealey, « Work Control, The Labour Process, and Nineteenth-Century Canadian Printers », publié dans On the Job, Confronting the Labour Process in Canada, éditeurs Craig Heron et Robert H. Storey (Montréal et Kingston : presses universitaires McGill-Queen’s, 1986), pages 76 à 79, 80 et 81.
[21] Sager et Panting, Maritime Capital, pages 97 et 120; Sager et Panting fournissent de nombreuses preuves pour démontrer les possibilités substantielles pour les propriétaires de navires de faire des profits avant 1873. Consulter par exemple la page 128 pour y lire une citation de John Dickie, homme d’affaires et investisseur de la Nouvelle-Écosse, qui va jusqu’à dire qu’il était « difficile de perdre de l’argent » pour un propriétaire de navire.
[22] Kealey, « Work Control », page 78.
[23] Battye fait remarquer que si certains imprimeurs et ingénieurs ferroviaires obtiennent en effet la journée de travail de neuf heures, l’adoption répandue de ce système est tout sauf uniforme. À compter de juin 1872, alors que le soutien pour le mouvement des neuf heures s’essouffle considérablement, la plupart des compagnies qui ont accepté les neuf heures reviennent à la journée de travail de dix heures. Battye, « The Nine Hour Pioneers », page 49.
[24] Comme McKay le propose, les charpentiers, les calfats et les autres travailleurs de front de mer forment une « ʺaristocratie de travailleursʺ visant à défendre leurs intérêts immédiats mais structurellement incapable de s’arrimer à des idéaux de classes inclusifs ». McKay, « Class Struggle and Merchant Capital », page 19. Consulter également la page 25 pour en apprendre davantage sur la séparation des syndicats des charpentiers et des calfats de navires.
[25] Consulter Sager et Fischer, Shipping and Shipbuilding, pages 15 à 18, pour explorer une discussion accessible sur le déclin de l’industrie du transport maritime des provinces atlantiques du Canada.
[26] McKay, « Class Struggle and Merchant Capital », pages 20 et 29.
[27] Pour une discussion sur la montée de la fabrication des bateaux à vapeur à Halifax et la lutte des classes qui en ont été témoins, consulter Suzanne Morton, « Labourism and Economic Action: The Halifax Shipyards Strike of 1920 », magazine Labour/Le Travail 22 (1988) : pages 67 à 98.
[28] Pour Craig Heron, l’exemple de la « consolidation du capitalisme monopoliste » commence en 1890. Craig Heron, Working Lives: Essays in Canadian Working Class History (Toronto : presses universitaires de l’Université de Toronto, 2018), page 13.
[29] Palmer et Kealey, Dreaming of What Might Be, pages 142 à 144. Pour un récit récent et instructif sur le rôle des femmes dans le syndicat Industrial Workers of the World, consulter Heather Mayer, Beyond the Rebel Girl: Women and the Industrial Workers of the World in the Pacific Northwest, 1905-1924 (Corvallis : presses universitaires de l’Université de l’Oregon : 2018); Matthew Barrett, partie 4, « Tous pour 9 et 9 pour tous », Moments déterminants Canada : Tous pour 9 et 9 pour tous : https://definingmomentscanada.ca/fr/tous-pour-9/serie-illustree/