Citez

Vos histoires

Bienvenue sur la page de vos histoires de Moments Déterminants Canada, où nous commencerons sous peu de partager VOS histoires de Juno75 ! Vous avez un récit à partager ? Dirigez-vous sur la page Partager vos histoires et partagez-le.

6 août 2019 – Nicolas Paquin

Nicolas Paquin est un écrivain québécois de Saint-Roch-des-Aulnaies. Tatiana, responsable de projet chez Moments Déterminants Canada, a eu la chance de parler avec lui à propos des histoires de vétérans, comment s’inspirer et trouver des histoires à raconter, et la différence entre l’histoire et des histoires.

Son histoire

T : Bonjour Nicolas ! Donc, pour commencer : pourquoi l’histoire en général t’intéresse ?

N : En fait l’histoire … c’est assez difficile de dire que l’Histoire nous intéresse parce qu’on a pas le choix de vivre avec l’Histoire. Tant qu’elle soit là, on est aussi bien de s’y intéresser, du moins d’aller chercher ce qui nous permet de comprendre ce qui s’est passé avant nous. Un peu pour savoir où on en est, où est-ce qu’on s’en va mais aussi pour se comprendre soi-même avec tout ce qui a été vécu. Parce-que tout ce qui a été vécu avant est très très riche d’enseignement pour être capable nous-mêmes de nous améliorer, de faire mieux, de donner le meilleur de soi.

T : Est-ce que tu te rappelles de la première histoire que tu as racontée ?

N : La première histoire que j’ai racontée … en fait, je l’ai reçu avant même de savoir je raconterais un jour des histoires. C’est un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale qui s’appelait Maurice Bouchard, que j’avais rencontré il y a une vingtaine d’années, par hasard. Je lui avais demander de me parler de la guerre, et l’histoire qui m’avait frappé c’était qu’il était en Hollande, probablement au début de 1945, puis il y a un journaliste qui avait pris une photo. C’était un groupe de soldats dont lui, il sortait d’une vieille caravane abandonnée, il était en camisole en train de se raser la barbe. Puis cette photo-là s’est retrouvée sur la première page du journal La Patrie, de Montréal, et c’est comme ça que sa mère avait pu voir son fils vivant, en santé et heureux, en allant acheter un journal un beau matin. C’est une histoire qui m’avait énormément touché, sachant que Maurice Bouchard s’est enrôlé entre autre parce que son père était disparu pendant la crise et qu’il avait laissé une grosse famille sans soutien. Donc, c’est lui qui envoyait l’argent à sa mère pour nourrir ses frères et sœurs.

T : Et c’était cette histoire-là qui t’a inspiré de raconter des histoires de vétérans ?

N : J’avais depuis cette époque-là, ou même un peu avant, eu envie d’écrire sur la Deuxième Guerre mondiale, mais je ne savais pas par où attaquer le sujet, parce que je pensais que tout avait été dit… jusqu’à ce que je m’aperçoive que, non c’est pas vrai que tout a été dit. D’abord, le côté canadien et particulièrement le côté québécois ont été mal racontés, ou été mis de côté trop longtemps par trop de monde. Et on avait particulièrement oublié de s’adresser aux jeunes, aux adolescents. C’est à ce moment-là, quand j’ai pris conscience de ça, que j’ai dit qu’il faut que je raconte des histoires à l’écrit puis après oralement aussi. J’en ai vraiment pris conscience grâce à Gilbert Boulanger, qui était mitrailleur durant la Deuxième Guerre mondiale avec l’escadron 425. C’est un homme à qui je dois beaucoup pour ce que je fais aujourd’hui.

T : Alors c’est pour ça que tu as décidé d’écrire des histoires pour des jeunes, au lieu des textes plus « académiques » ?

N : Oui, mais c’est un concours de circonstances. D’un côté je voyais qu’il n’y avait personne qui adressait aux jeunes. Et d’un autre côté j’avais une éditrice qui était enthousiaste de ces projets-là, donc avec les Éditions du Phoenix et avec ce besoin-là, je pense que j’étais la personne qui a eu le bon réflexe à ce moment-là. Et, de fil en aiguille, j’ai fait des romans inspirés des véritables histoires. Maintenant je raconte aussi et j’ai commencé à écrire les véritables histoires pour un public général. C’est que je peux toucher le cœur de tout le monde avec ça.

T : Et comment tu fais pour trouver ces histoires ?

N : Je ne les recherche pas. Ce sont les histoires qui viennent à moi. Les gens savent de plus en plus que je m’intéresse au sujet donc souvent les gens vont venir me raconter l’histoire de leur famille, de leur père, de leur oncle, la plupart du temps. Parfois, c’est des purs hasards : je me trouve dans un ville et je commence à raconter un peu mon histoire, ce que je fais, et puis on me dit « il y a un vétéran qui habite près d’ici. » Puis je dis, « si je pouvais avoir le numéro de téléphone … ». Je vais rencontrer le vétéran, et je finis par avoir plus d’histoires dans mon sac à histoires. C’est important de le faire – pas juste moi, mais n’importe qui, parce que si on ne les ramasse pas maintenant, ces histoires-là, on va les perdre. Chacune des histoires c’est un peu comme un livre en un exemplaire, et s’il n’y a personne pour ramasser ça, le livre disparait et l’histoire disparait aussi.

T : Justement. Et on se trouve maintenant au moment où nous commençons à perdre ces personnes et leurs histoires.

N : Oui, et pourtant il y a beaucoup d’histoires qui existent, qui sont écrites, même dans des documents officiels, des dossiers militaires, des explications de certains historiens ou de certains civils qui ont vécu la guerre, et quand on recoupe les informations, on découvre l’histoire d’un soldat. On découvre un personnage qui n’a pas survécu à la guerre, qui était tout jeune, qui n’a pas eu de famille, qui aurait dû tomber dans l’oubli. Moi, je vais sortir bientôt un recueil de textes qui va raconter quelques courtes d’histoires, pour rendre hommage à certains soldats du Régiment de la Chaudière, qui sont morts très jeunes, orphelins, et je crois qu’on n’a même pas des photos des visages à mettre sur ces noms-là, mais grâce à leur dossier et grâce à un peu plus d’information, je connais maintenant comment ils sont morts, comment ils sont enterrés, c’est quoi leur couleur de cheveux, d’yeux, pourquoi des fois ils n’ont pas eu de père ou de mère. Donc on redécouvre les histoires qui sont très touchantes.

T : C’est important de savoir utiliser ces sources extérieures, et savoir sortir les histoires de là. Comment décides-tu quelles histoires raconter lorsque tu les as trouvés ?

N : La façon avec laquelle je choisis de raconter une histoire est un peu liée aux circonstances. Par exemple, il y a une fois que je me suis retrouvé en Edmundston, en spectacle cette fois-ci. J’ai l’histoire d’un jeune qui a fait le raid de Dieppe, qui est mort là-bas, donc j’ai son histoire, et je vais la raconter au gens d’Edmundston, je ramène l’histoire d’Edmundston sur place. J’ai même fait ça dans un conférence –, c’était beaucoup plus sérieux, devant une société d’histoire à Westmount – je parlais d’un jeune qui est mort pendant la guerre. Les gens de la bibliothèque m’ont dit « ça me vraiment touché, » ils m’ont dit « merci, vous ramenez à Westmount notre propre histoire ». C’est formidable. Je crois que j’ai vraiment touché le cœur des gens.

T : Oui, je pense que parler de l’histoire qui est vivante et locale a beaucoup de valeur pour des gens, parce que ça nous donne des liens non seulement à notre histoire, mais si on n’est pas d’ici, à une histoire qui fait partie de là où nous sommes. Je ne m’exprime pas très bien, mais ça nous donne des liens concrètes à l’histoire récente et surtout au gens qui ont vécu cette histoire. Donc ça fait du sens de partager ces histoires en fonction du contexte dans lequel tu te trouves.

N : Parfois ça peut être l’âge aussi du public. Si je rencontre des jeunes dans une école, des jeunes de 14 ans, c’est difficile de ne pas raconter l’histoire de Gérard Doré, qui s’est enrôlé à 14 ou 15 ans puis qui est mort à 16 ans. Les jeunes s’identifient à lui, et ça, ce n’est même plus faire de l’histoire, comme tel, c’est de se donner une chance d’être un peu plus humain, en comprenant c’est quoi la valeur d’une vie perdue. Je me suis retrouvé quand j’avais 39 ans devant la pierre tombale d’un soldat mort à Dieppe 75 ans plus tôt, et qui avait 39 ans lorsqu’il est mort. C’est impressionnant, on s’identifie, puis là on se dit « OK, lui, sa vie s’est interrompue il y a 75 ans jour pour jour, moi je suis encore là – qu’est ce que je fais du reste de ma vie ? » Humainement, c’est très enrichissant de recueillir ces histoires et de les transmettre ensuite. Souvent, les gens peuvent recueillir ces histoires dans leur famille, dans leur milieu, mais ils n’ont pas nécessairement le goût ou le talent pour les raconter. il y a des gens comme moi pour les raconter. L’idée c’est vraiment de recueillir ces histoires – ce que fait Moments Déterminants aussi.

T : Oui, justement. C’est vraiment une partie importante de notre projet, d’assurer que ces histoires soient partagées d’une façon engageante, qui montre vraiment la valeur de l’individu, même dans le contexte d’une guerre qui est très difficile à comprendre sur une échelle si énorme. Ça montre que cette guerre a été faite par des personnes, comme moi et toi, et ça aide à mettre en contexte quelque chose qui pourrait être très difficile à comprendre sans l’élément humain.

N : Il faut vraiment prendre soin de cette mémoire-là, oui, pour des raisons historiques, mais aussi pour se donner une chance à nous autres.

T : J’allais aussi demander s’il y avait une histoire de soldat, soit qui te touche plus que des autres, soit qui est ta préférée ?

N : Parmi les histoires que je raconte très souvent, je peux difficilement passer à côté de celle de Jacques Nadeau, qui a été fait prisonnier durant le raid sur Dieppe. Jacques Nadeau était un garçon qui avait menti sur son âge pour devenir soldat, et il s’est lié d’amitié avec le plus jeune soldat des Fusiliers Mont-Royal, qui s’appelait Robert Boulanger. Robert n’a pas survécu au raid sur Dieppe. Jacques a promis que jusqu’à la fin de sa vie, il n’oublierait jamais Robert Boulanger. Et c’est une promesse qui a été tenue contre vents et marées, parce que Jacques est mort d’Alzheimer – une maladie qui touche la mémoire – donc pour quelqu’un qui a fait une promesse de mémoire, c’est incroyable. La dernière fois que j’ai vu Jacques, il était encore capable de dire « Robert Boulanger, c’était mon meilleur ami. » Il ne pouvait plus dire autre chose que ça, et ça montre une volonté incroyable. Ce n’est pas les dates historiques, ni des évènements historiques, c’est juste un homme devant son destin, puis devant le destin d’un ami qu’il n’a pas oublié – c’est une preuve de courage extraordinaire.

T : C’est vraiment incroyable.

N : Et c’est ça qui va toucher les gens. Parfois mes histoires sont drôles, parfois elles sont tristes, parfois elles sont touchantes, mais c’est toujours très humain, la façon avec laquelle je les raconte. Donc souvent ce que je dis aux gens qui ont des bouts d’histoires mais qui disent « on n’a pas d’anecdotes comme ça », je dis que ce n’est pas grave, donnez-moi les informations que vous avez, on ne sait jamais ce qu’on peut trouver là-dedans. Ça vaut la peine de raconter, de livrer ces histoires-là avant qu’on les oublie.

T : Bien sûr. Quel rôle jouent les émotions, alors, dans la raconte de ces histoires de vétérans ? Est-ce que c’est la partie plus importante, ou un corollaire à la narration de l’histoire?

N : Moi, je ne suis pas historien : je suis écrivain, je suis romantique, ce qui fait que pour moi les faits historiques sont extrêmement importants, mais je ne peux pas m’en tenir uniquement à eux. Parce que sinon, j’ai mis de côté tout ce qui va piquer la curiosité des gens qui n’aiment pas l’histoire. Les émotions, c’est le ciment autour de la construction. Si je ne suis pas capable de préciser, de transmettre l’émotion que j’ai reçue quand j’ai appris l’histoire, je ne suis pas prêt à raconter cette histoire. Je suis très exigeant quand je raconte mes histoires parce que je veux que les gens qui les reçoivent ressentent exactement la sensation que j’ai eue en la découvrant.

T : Ça fait du sens. Si on ne sait pas comment réagir, ça le rend plus difficile de raconter l’histoire ou de savoir quoi sortir de l’histoire pour faire sentir aux autres les émotions souhaitées. Je vois comment les sentiments seraient si importants dans le type d’histoire que tu choisisses de raconter.

N : Il y a des thèmes aussi : des thèmes comme la mémoire, le hasard, l’amour, le deuil, l’amitié. Il faut que je prenne des décisions pour pouvoir jongler avec tout ça, et ça c’est mon défi à chaque fois.

T : Et est-ce que tu aimes faire ça ?

N : Je pense que ce que j’aime le plus du travail que je fais, c’est de les ressentir, de les vivre, ces émotions-là, et de voir que je ne suis pas seul à les ressentir. Je l’ai vécu au Centre Juno Beach l’an passé : voir des guides parmi les spectateurs qui s’essuient les yeux, qui pleurent et sont touchées, je me dis « OK, je les ressens encore, donc je suis encore capable de les transmettre à quelqu’un d’autre ». C’est ça que j’aime le plus. On a besoin dans notre société de croire que ce qu’on fait est important, et je le sens que ce que je fais est important.

T : Que dirais-tu aux gens qui ne s’intéressent pas aux histoires de soldat ?

N : Ce que je dirais c’est que ce ne sont pas d’abord réellement des histoires de soldats ; ce sont des histoires de gens qui étaient jeunes pendant qu’il y avait une guerre. C’était pas des soldats, c’était des civils qui ont dû être des soldats pendant un petit bout de temps.

T : Et pour ça, c’est moins une histoire de la guerre, et plutôt une histoire de personnes ayant vécu quelque chose d’énorme et dur à comprendre ?

N : C’est essentiellement ça. C’est pas autre chose que des êtres humains qui se retrouvent au mauvais endroit, au mauvais moment. Il y a un texte qui a été écrit par Raymond Lévesque, une chanson qui s’appelle « Quand les hommes vivront d’amour ». On écoute cette chanson-là, pis on aperçoit que ce que je dis, ce que j’explique, c’est un peu ce qu’on retrouve dans cette chanson. Peut-être qu’un jour, pour que les gens vivent en paix, il va avoir fallu que d’autres se sacrifient et l’important c’est de se souvenir de ces gens-là. Donc ce n’est pas de parler de la guerre, c’est pas de magnifier la violence, c’est pas de rendre hommage à des militaires, c’est de se dire « bon, ben oui, il y a des hommes et des femmes qui ont dû passer par là. Qu’est-ce qu’on peut retenir de leur sacrifice ? »

T : Alors, pour finir, tu travailles sur quoi actuellement ?

N : Je travaille sur trois projets en même temps. Je travaille beaucoup sur le raid de Dieppe, pour recueillir les destins de ceux qui ont vécu le raid, surtout avec les Fusiliers Mont-Royal, parce que je travaille beaucoup du côté québécois. Je travaille sur un spectacle que je vais tester à Edmundston au mois d’août, au Nouveau-Brunswick. Et en même temps, je vais sortir un recueil de quelques courtes histoires et l’objectif de cet album-là, c’est de récolter des fonds pour faire un monument dédié à un soldat mort durant la guerre : un pilote pour qui aucun monument n’a été fait, et aucun hommage n’a été rendu. Donc c’est trois projets que je mène de front en même temps.

T : C’est pas simple, ça !

N : Mais c’est le fun!

Créations

Bienvenue dans la section Créations. Ici vous trouverez quelques projets d’étudiants exemplaires créés avec les ressources fournies sur notre site.

Projets généraux :

Site web commémorant les sacrifices canadiens lors du débarquement.

Projets de vétérans spécifiques :

Un projet commémorant Gilbert Boulanger :

Un projet commémorant Dorothy Mulholland.

Un projet commémorant Dave Arksey.

Pour des informations à propos de comment soumettre vos projets étudiants, veuillez consulter la page « Impliquez-vous ».