L’approche à double perspective : parcours et nouveau regard
Par Scott Smalley

Scott Smalley
Consultant en éducation
Scott Smalley est chercheur et enseignant certifié par l’OCT auprès du Thames Valley District School Board. Il est titulaire d’un baccalauréat en histoire et en études françaises de l’Université Huron et d’un baccalauréat en éducation de l’Université Western (2023). Scott a travaillé au projet Insulin 100 de Moments Déterminants Canada en tant que chercheur et conservateur de l’exposition Sir Frederick Banting (2020). À l’Université Huron, il a travaillé comme chercheur sous la direction du Dr Tom Peace et comme assistant de recherche sous la direction du Dr Amy Bell. Il a reçu le Huron Community History Centre’s Prize for Public History (2020) et le Gary Owens Prize in British History (2022).
Entrée #1: énormément de responsabilités
Qu’est-ce que l’approche à double perspective? De quelle façon est-elle pertinente et utile pour les élèves et les enseignants? Voilà quelques-unes des questions que je me posais lorsque j’ai commencé à travailler à titre de consultant pédagogique en 2022 pour le projet d’écriture d’été de Moments déterminants Canada, un volet du grand projet de commémoration du 100e anniversaire de la publication du pamphlet L’histoire d’un crime national du docteur Peter Henderson Bryce. Ce pamphlet autoédité met en lumière les conditions de santé et de vie lamentables des enfants autochtones dans les pensionnats du Canada, ces écoles administrées par le gouvernement canadien et les églises chrétiennes; ce rapport continue d’influencer notre compréhension du génocide culturel et physique des autochtones par les représentants du gouvernement du Canada, les églises impliquées et l’idéologie colonialiste. Les traumatismes intergénérationnels et les injustices infligés aux autochtones persistent encore aujourd’hui; ils sont confrontés à de nombreux obstacles législatifs et systémiques, ainsi qu’à des stéréotypes et des idéologies problématiques, typiques des sociétés colonisatrices. Même si le dernier pensionnat du Canada a été fermé en 1997, ce qui est beaucoup plus récent que nombreux d’entre nous le réalisent, il est crucial pour les enseignants d’identifier les obstacles qui persistent toujours dans le système d’éducation, de confronter les raisons qui expliquent pourquoi seulement 40 % des jeunes autochtones obtiennent leur diplôme d’études secondaires et pourquoi les élèves des communautés autochtones, noires et de couleur continuent à éprouver des difficultés à être vus, entendus et représentés. N’est-il pas temps à notre époque de comprendre l’importance de la communauté, de la famille, de la socialisation, de l’acceptation, de la diversité et de l’accessibilité, de la richesse de s’abreuver aux sources traditionnelles, de la visibilité, de l’authenticité pour les individus et du lien que la communauté mondiale entretient avec notre Terre mère? Il est grand temps d’explorer et d’accepter les diverses manières d’apprendre, de comprendre et d’être qui ont été longtemps réprimées, n’est-ce pas? C’est pourquoi je vous parle aujourd’hui de l’etuaptmumk, l’approche à double perspective.
Avant de poursuivre, je désire me présenter. Je m’appelle Scott Smalley. Je suis un colon et un nouvel enseignant en Ontario. Au moment d’écrire ces mots, j’ai 39 ans, je termine mon baccalauréat en éducation à l’université Western. Je suis enthousiaste d’avoir réorienté ma carrière et de me lancer dans une nouvelle aventure. Après plusieurs années à travailler dans des industries qui ne rémunèrent pas adéquatement et n’apprécient pas les travailleurs à leur juste mesure, j’ai décidé de mieux mettre à profit mes compétences et d’explorer une carrière qui va non seulement me permettre de toucher un salaire décent mais aussi de contribuer à la croissance et au succès d’autrui. Je comprends pleinement le rôle que je joue pour façonner les points de vue de mes élèves et mes collègues et je le prends au sérieux. J’ai eu la chance de collaborer avec Moments déterminants Canada en 2020 à titre de chercheur pendant mes études de premier cycle à l’université Huron et j’ai pris en charge le rôle de commissaire de l’exposition du parcours historique de Frederick Banting pour le projet Insuline 100. Si vous n’avez pas encore eu la chance d’explorer ce projet sur le site de Moments déterminants Canada, je vous le recommande fortement!
Notre rôle d’enseignants et d’éducateurs implique énormément de responsabilités pour des raisons évidentes telles que celles décrites au collège des enseignants : le cadre légal et éthique dans lequel nous travaillons, le développement professionnel continu, la gestion des salles de classe, etc. Une attention significative est portée à l’inclusion, l’accessibilité, l’acceptation et l’autochtonéité à la faculté de l’éducation de l’université Western. D’après ce que j’en comprends et que j’ai pu observer jusqu’à présent, le domaine de l’éducation du Canada penche, dans son ensemble, vers des méthodes diversifiées pour comprendre et soutenir le succès des étudiants. Puisque je suis fermement convaincu que la diversité, l’accessibilité et l’acceptation sont des forces qui meuvent les sociétés, j’ai su qu’il n’y avait pas de meilleur moment pour devenir enseignant.
Entrée #2: ce processus pleinement collaboratif
J’explore, dans ce billet de blogue, mon expérience dans le projet d’écriture d’été, mon apprentissage de l’approche à double perspective et mes réflexions sur l’intégration de cette approche dans ma pratique professionnelle. Je souhaite partager, en rédigeant les billets de ce blogue, une meilleure compréhension de tout ce qui a servi à créer les plans de leçon et le matériel éducatif du projet, comment l’approche à double perspective peut guider nos choix et nos philosophies pédagogiques et nous permettre d’établir contact avec ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’y participer activement. Il me plaît de penser que vous, lecteurs et lectrices, qui parcourez le site de Moments déterminants Canada et qui parcourez ce texte et les autres pages portant sur le docteur Bryce et l’approche à double perspective, souhaitez au minimum vous positionner de façon à faire partie de la solution, soit de soutenir le succès des étudiants en confrontant simultanément les pratiques du passé tout en fonçant vers l’avenir avec un élan constructif dans un monde postpandémie en constante évolution.
Le projet d’écriture d’été est arrivé à point pour moi. Je venais tout juste de terminer ma première année au collège des enseignants de l’université Western. Cette faculté met fortement l’accent sur des sujets comme la gestion des salles de classe, la diversité, l’autochtonéité ainsi que d’autres aspects du développement professionnel. Sur le plan personnel, j’accordais déjà une grande importance à la force de la diversité et au droit de chaque personne de vivre dans l’authenticité. C’est mon expérience de vie qui m’a amené à adopter cette perspective; queer depuis ma plus tendre enfance, j’ai grandi dans une famille métisse qui n’avait pas beaucoup d’argent. Ma famille a toujours été aimante et chaleureuse, or j’ai éprouvé des difficultés avec mon identité et des problèmes de santé mentale tout en occupant des emplois à la fois sans avenir et peu payants une fois arrivé à l’âge adulte. Un côté de ma famille a été élevée dans la foi chrétienne alors que l’autre est athée, ce qui a nourri en moi une pensée critique sur l’univers qui m’entoure et la diversité des perspectives existentielles. Les difficultés que j’éprouve au niveau de ma santé mentale m’ont amené à jeter un regard critique sur les habilités et les handicaps et comment nous pouvons faciliter l’accessibilité. Mon dédain pour le capitalisme a nourri des réflexions critiques sur différentes manières de vivre et d’être. Enfin, j’ai longuement réfléchi sur le poids des perspectives et des pratiques sociales, systémiques et institutionnelles qui pèse sur certaines populations, notamment les populations exilées, déplacées, immigrantes, etc. J’en ai conclu que l’ampleur des expériences et du vécu dépasse l’imagination et que notre collectivité mondiale gagne à comprendre et accueillir un vaste éventail de perspectives, une multitude de façons de connaître et d’évoluer et à permettre à diverses communautés de nourrir les contacts, les moments de partage et ainsi de prospérer.
J’ai entrepris mon parcours au collège des enseignants en 2021, à l’âge de 38 ans. S’il m’est difficile de me replonger dans mon expérience d’étudiant à l’école secondaire il y a de ça plus de 20 ans, j’ai rapidement compris que j’allais trouver à l’université Western de nouvelles façons de penser l’école pour mes futurs élèves. J’y ai appris l’importance du design universel dans l’élaboration des cours afin de permettre aux étudiants de démontrer leurs apprentissages de diverses manières. J’ai également appris que les étudiants ont parfois besoin d’échéances plus souples pour remettre leurs travaux et, lorsque j’ai été affecté à des classes dans le cadre de mes études, j’ai appris ces méthodes d’enseignants qui permettent à leurs étudiants de répondre à des examens sur une période pouvant aller jusqu’à plusieurs jours, si le besoin s’en fait ressentir. Ces approches m’ont franchement épaté! Quand j’étudiais à l’école secondaire, je me voyais remettre un zéro ou une pénalité proportionnelle au retard lorsque je remettais un travail après la date de remise prévue. Il n’avait jamais été question de prendre deux ou trois jours pour répondre à un examen. Heureusement, le monde dans lequel nous vivons à présent offre plus de soutien aux étudiants et les accueille avec compassion, une approche que je soutiens avec ferveur.
Nous exerçons de plusieurs façons problématiques de la pression inutile sur les étudiants. Par exemple, demander à un étudiant de répondre à un examen avec des attentes de qualité élevées dans un court laps de temps est problématique et irréaliste; ces attentes sont fondées sur l’idée que chaque étudiant est en mesure de réussir ce type de tâche et, soyons honnête, ce type d’exercice sert plutôt à valider leurs aptitudes à répondre à un examen qu’à valider la compréhension de la matière étudiée et les aptitudes à argumenter et présenter un sujet. En effet, je suis quelqu’un qui n’excelle pas bien lorsque soumis à de telles pressions; mon cerveau semble me trahir et les résultats ne reflètent pas bien ma compréhension du contenu à l’examen. Les étudiants ont besoin d’un espace sécuritaire et confortable dans lequel ils sont appelés à communiquer leur compréhension du contenu d’un cours; l’enseignement et les méthodes d’évaluation doivent donc refléter ces conditions. Pour certains, cette approche implique des efforts supplémentaires pour l’enseignant, or si nous élaborons nos cours en y intégrant des principes de choix et de diversité, soit des principes de design universels, nous gérons plus adéquatement notre charge de travail tout en offrant aux étudiants des occasions améliorées de démontrer leurs apprentissages. De plus, l’enseignement est un métier et la charge de travail qui en découle doit s’articuler autour de l’apprentissage et du bien-être des étudiants. À la faculté de l’éducation, j’ai entendu parler de concepts tels que l’apprentissage centré sur l’étudiant, l’apprentissage en échafaudage et la diversification des contenus des cours pour répondre aux besoins spécifiques des individus et j’ai été grandement soulagé de développer les compétences pour intégrer ces concepts dans mes salles de classe.
Au moment où j’ai découvert l’approche à double perspective, j’ai compris comment elle allait s’imbriquer et prolonger ces concepts; en fait, cette approche y a contribué, mais grâce à elle, j’ai pu en faire davantage. Lorsque j’ai joint les rangs de l’équipe de Moments déterminants Canada et le groupe du projet d’écriture d’été, j’ai eu la chance de travailler aux côtés d’enseignants, de spécialistes et de leaders, autochtones et allochtones, provenant d’une variété de places et aux expériences diverses dans la partie de l’Île de la Tortue que nous nommons Canada. J’ai côtoyé des éducateurs et éducatrices œuvrant à différentes étapes de leur carrière, des personnes avec des antécédents professionnels en justice sociale et aussi des artistes comme des écrivains, des interprètes et des musiciens. Tout au long du processus d’écriture, nous avons bénéficié du soutien de Randy Fred, un sage et leader autochtone. Nous étions tous avides d’acquérir une meilleure compréhension de l’approche à double perspective et d’élaborer collectivement le cadre de travail du projet d’écriture; ce processus pleinement collaboratif nous a vus imaginer et discuter ensemble la possibilité de développer des plans de leçons et des questions pour aider les enseignants à introduire et intégrer l’approche à double perspective dans leurs pratiques et leurs salles de classe.
Entrée #3: avec la force des deux points de vue
Pour Moments déterminants Canada, le projet d’écriture d’été est axé sur l’approche à double perspective tout en s’inscrivant dans un projet à plus grande échelle : Bryce à 100 ans. Le projet Bryce à 100 ans a pour objectif de souligner et de célébrer le travail du docteur Peter Henderson Bryce, médecin-chef du ministère fédéral des Affaires indiennes au début du 20e siècle. En 1922, il autopublie et distribue un pamphlet intitulé The Story of a National Crime (L’histoire d’un crime national). Dans ce texte, il relate les conditions de vie lamentables des pensionnats pour autochtones, des conditions qu’il a déjà dénoncées dans un rapport présenté à son ministère et au gouvernement du Canada. Ce rapport n’avait en revanche engendré aucune amélioration ou intervention.
Étant donné le désir de Moments déterminants Canada de fournir des ressources éducatives réfléchies et fondées sur des principes de justice et de promouvoir la pensée curatoriale dans le cadre de ses projets commémoratifs, l’élaboration d’un cadre de travail pédagogique inspiré par l’approche à double perspective s’est imposée comme un lien naturel et significatif au projet Bryce à 100 ans.
La commémoration du travail du docteur Bryce et sa contribution à la conversation sur l’injustice systémique faite aux peoples autochtones n’est qu’un des volets de cet enjeu; Bryce, un allotochne colonisateur, a fait retentir sa voix contre l’injustice de la situation. Il m’a semblé crucial que cette collaboration d’éducateurs autochtones et non-autochtones articulée autour de l’approche à double perspective et qui bénéficie du soutien empreint de sagesse de Randy Fred ancre le projet Bryce à 100 ans dans une conversation encore plus large sur le rôle des écoles, les pratiques équitables d’éducation et les manières d’honorer les méthodes autochtones d’apprendre, de comprendre et d’être de façon significative, positive et exempte d’appropriation.
Le projet d’écriture d’été s’est déroulé sur deux semaines au mois de juillet 2022 et parmi les activités proposées, nous avons eu des sessions présentées par des conférenciers et des animateurs allotochnes et autochtones, tels que Randy Fred, Shy-Anne Bartlett, Rob Bell, Garfield Gini-Newman, Laura Gini-Newman, la docteure Gail Lafleur, Sandra Lamouche, Miles Morrisseau, la docteure Carmen Rodriguez de France et le docteur Christopher J. Rutty. À cette équipe se sont joints 10 enseignants allotochnes et autochtones au vécu et aux expériences pédagogiques diverses provenant de toutes les régions du pays. L’objectif de rassembler ces personnes était de permettre aux enseignants d’apprendre, de discuter et finalement d’élaborer une trousse de ressources d’apprentissage visant à faire connaître et présenter le projet Bryce à 100 ans et l’approche à double perspective dans les salles de classe. Nous avons pu participer à divers formats de présentations, notamment des webinaires plus formels, des discussions ouvertes conviviales et des sessions de partage et de rétroactions en petits groupes.
Si vous n’êtes pas familier avec l’etuaptmumk, ce terme micmac qui signifie « approche à double perspective », sachez que c’est le sage micmac Albert Marshall qui l’a transposée en théorie et l’a mise en pratique pour la partager avec les peuples de toutes les régions de l’île de la Tortue. Selon Marshall, l’approche à double perspective permet de concevoir et de comprendre le monde à l’aide de nos deux yeux : un œil pour percevoir et comprendre les avantages des méthodes autochtones d’apprendre, de comprendre et d’être et l’autre pour percevoir et comprendre les avantages des méthodes allochtones d’apprendre, de comprendre et d’être. Lorsque ces deux visions convergent, nous voyons le monde avec la force des deux points de vue. Idéalement, nous faisons appel au meilleur des diverses méthodes d’apprentissage afin de vivre nos vies et de les penser de façon holistique tout en faisant de notre environnement un monde meilleur pour les générations à venir.
Entrée #4: leurs racines sont emmêlées
De manière générale, dans des conditions d’éducation allochtones jugées comme bonnes ou fortes, les étudiants reçoivent de leurs enseignants du contenu, des énoncés et des questions choisies, ils se familiarisent avec le contenu individuellement ou en groupes, effectuent leurs propres recherches et explorent des questions sur le contenu et démontrent leur compréhension en produisant des travaux en classe. Parmi les sources d’information fiables pour effectuer des recherches, on trouve les thèses de recherche, les articles académiques, les ouvrages de la bibliothèque, les sites Web du gouvernement, les bases de données scolaires, les quotidiens, etc. Il peut être avantageux de donner aux étudiants le choix du type de travaux qu’ils veulent produire en fonction de leurs intérêts et de leurs habiletés.
L’approche à double perspective nous permet de voir que le modèle traditionnel décrit plus haut sert à planifier l’apprentissage des étudiants en n’impliquant qu’un seul œil. L’approche à double perspective nous donne la chance de demander : et l’autre œil, l’autre approche? Pour élargir sa pratique sans s’approprier ou brimer la culture, un enseignant allochtone pourrait envisager d’incorporer certains éléments des méthodes autochtones de connaître, d’apprendre et d’être. Par exemple, l’enseignant pourrait inviter ses étudiants à sélectionner leurs propres sources, notamment fédérer les élèves de la classe en communauté pour collaborer; ces sources pourraient être orales et faire appel aux familles, aux communautés ou aux générations d’anciens. Il serait également intéressant d’encourager les étudiants à explorer et agrandir la portée de ce qu’ils considèrent être des sources valides, fiables et pertinentes. Pourquoi ne pas repenser la manière que fournir le contenu et la forme des cours dans la perspective de la narration et des récits? Les étudiants pourraient alors apprendre à raconter des histoires à l’aide des méthodes qui les interpellent. Les enseignants joueraient alors le rôle de guides pour leur classe, tout en sachant que les étudiants, leurs familles, leurs communautés et leur environnement naturel constituent également des guides d’apprentissage. Imaginez pouvoir répondre aux exigences du programme d’enseignement à l’aide de diverses méthodes et de mettre l’accent sur l’interconnectivité des éléments.
Au cours d’un des ateliers du projet d’écriture d’été, Carmen Rodriguez de France a présenté une diapo pour nous inviter à réfléchir aux forêts : en nous baladant en forêt, nous observons probablement des espèces d’arbres différentes les unes des autres. Mais en plongeant notre regard sous la terre, nous verrions que tous les arbres se touchent, que leurs racines sont emmêlées et qu’elles se tiennent en quelque sorte par la main. Mme Rodriguez de France nous a fait remarquer comment l’approche à double perspective peut inspirer nos recherches et nos efforts d’apprentissage :
- Pour percevoir nos élèves et nous-mêmes comme des agents créatifs et aptes et dont les réflexions font mutuellement évoluer notre compréhension;
- Pour comprendre qu’il existe des terrains d’entente entre les porteurs et praticiens des diverses connaissances et façons de connaître allochtones et autochtones;
- Pour nourrir un respect et une compréhension approfondis de nos différences;
- Pour reconnaître notre besoin de cheminer et de travailler ensemble pendant la durée de notre parcours sur la Terre mère; et
- Pour faire émerger une variété d’images, d’objets, de vidéos, d’extraits audio, de sources et de récits pour aider les élèves à construire leur compréhension du monde.
Je suis de l’avis que ces points sont tous pertinents puisque nous sommes les architectes de notre propre apprentissage et de nos vies. Ces perspectives me semblent proposer de bonnes bases pour acquérir une compréhension non seulement meilleure mais aussi étendue du monde qui nous entoure et des individus qui l’habitent avec nous. Nous vivons dans une communauté mondiale et c’est lorsque nous synthétisons, coopérons avec ou travaillons avec diverses méthodes de connaître et d’être que nous pouvons trianguler et en arriver à des conclusions efficaces et utiles sur notre place dans le monde et comment nous nous permettons d’interagir avec le monde de façons qui sont accessibles et en harmonie avec qui nous sommes comme individus et en tant que communauté mondiale. L’idée des racines qui se tiennent par la main comme les divers membres d’une communauté diversifiée décrite par Carmen Rodriguez de France m’a profondément touché, comme elle a ému d’autres collaborateurs et collaboratrices. Un de nos collaborateurs se promenait dans un centre d’achats avec son fils pendant la semaine du projet d’écriture et il y a vu une installation artistique représentant la connexion autochtone à la terre; plutôt que l’observer passivement et de poursuivre ses courses, il a été en mesure de communiquer à son fils l’importance de l’œuvre et son message. C’est l’apprentissage de l’approche à double perspective qui l’a motivé à s’arrêter et à réfléchir; lorsque nos deux yeux sont ouverts, de nouvelles opportunités s’offrent à nous de discuter et d’explorer des manières de connaître et d’être qu’auparavant nous n’aurions pas saisies.
Entrée #5: validés et appréciés
Je pense que j’entreprends ma nouvelle carrière au bon moment. Comme je l’ai énoncé précédemment, un tournant s’est amorcé dans le secteur de l’éducation et nous voyons la place importante qui est faite pour l’équité, la diversité, l’inclusion, l’accessibilité et l’autochtonéité. L’approche à double perspective concorde avec une vision anti-oppressive de l’éducation et je suis reconnaissant d’en avoir fait l’apprentissage et de continuer à en apprendre sur son importance. Dans le quotidien d’un enseignant, il peut être facile de glisser dans une sorte de « mode de survie » et de prendre l’habitude de chercher des ressources provenant de sources familières telles que les collègues ou les sites Web et les ouvrages connus et d’oublier ou de perdre la motivation d’interagir avec le monde qui existe au-delà de ce que nous faisons et connaissons. Cette réalité est particulièrement forte chez mes collègues enseignants blancs allochtones. Je crois que l’approche à double perspective offre énormément de valeur aux enseignants et aux élèves et nous devons nous assurer que notre compréhension de cette approche se fait de concert avec les peuples et les communautés autochtones si nous ne sommes pas nous-mêmes autochtones.
Je peux affirmer avec confiance que je laisserai l’approche à double perspective guider ma pratique professionnelle parce que je souhaite que mes élèves entendent et racontent des histoires, fassent preuve de pensée critique et empreinte de compassion, puissent vivre leur authenticité et se sentir validés et appréciés dans leur expérience d’éducation et d’apprentissage. J’espère qu’ils continueront de se sentir ainsi au-delà de leur parcours scolaire, dans leurs familles et leurs communautés et dans leur cheminement d’adultes. Je crois que lorsque nous concevons notre développement personnel et professionnel dans un esprit de croissance nourri par l’approche à double perspective, nous construisons les bases philosophiques et dynamiques nécessaires à la pensée critique et équitable. Nous façonnons nos perspectives de manière à alimenter sainement notre connexion à notre moi, aux diverses communautés qui nous entourent, à notre Terre mère et aux diverses méthodes de connaître et d’être.
Ressources additionnelles
Pour en savoir davantage sur le sage Albert Marshall :
- Two-Eyed Seeing: 2019 Global Symposium (vidéo en anglais)
- TES in the Classroom Environment… (article de recherche en anglais)
Pour en savoir davantage sur l’approche à double perspective :
- Bringing together Indigenous ways of knowing and Western scientific knowledge (article en anglais)
- Two-Eyed Seeing and other lessons learned within a co-learning journey… (article en anglais)
- Using Two-Eyed Seeing in Research With Indigenous People… (article en anglais)
- How is Etuaptmumk/Two-Eyed Seeing characterized in Indigenous health research? A scoping review (article en anglais)
- “Two-Eyed Seeing”: An Indigenous framework to transform fisheries research and management (article en anglais)
- How two-eyed seeing mixes Indigenous knowledge and Western science in N.S… (article en anglais)
- Learning First Peoples Classroom Resources (site Web en anglais)