Combattre la grippe
Comment le Canadien moyen a combattu la grippe
Ellen Scheinberg
La grippe espagnole qui a frappé des milliers de Canadiens de 1918 à 1920 était extrêmement virulente et ne ressemblait à aucune autre souche antérieure. Le public a été pris au dépourvu et a demandé de l’aide aux responsables de la santé publique et aux médecins. C’était avant l’assurance-maladie, alors que de nombreux Canadiens n’avaient pas les moyens de demander l’aide d’un médecin. Les personnes vivant dans des régions isolées étaient souvent incapables d’avoir accès à un médecin, car il n’y en avait pas dans leur communauté.
À l’époque, la médecine était plutôt primitive et, par conséquent, certains Canadiens considéraient les médecins avec suspicion. Par conséquent, beaucoup de gens se débrouillèrent seuls pour lutter contre la maladie. Bien qu’il y ait eu une tentative de produire un vaccin spécial pour protéger les gens contre la grippe, il s’est avéré inefficace. Les antibiotiques avaient encore à être inventés. Par conséquent, les médecins avaient des outils de traitement limités. « Face à la respiration sifflante et aux patients aux visages bleus », affirme l’historienne américaine Laura Spinney, les médecins se sont sentis obligés de faire quelque chose et « ont eu recours à l’armoire à pharmacie pour régler le problème. »

Cette annonce pour Vapo-Cresolene faisait la promotion d’un produit de guérison qui traitait supposément une variété de maux, y compris la grippe. Il a été fabriqué à Montréal et à New York et contenait de la créosote, un dérivé du goudron de houille. Le liquide noir était chauffé, et les patients inhalaient la vapeur résultante. Un blogueur archéologue a noté que la bouteille contenait un symbole qui à l’époque était utilisé pour identifier les substances toxiques.
Parmi les méthodes utilisées par les médecins du temps, citons : la saignée, les injections salines et les lavements. De petites doses de substances toxiques comme l’arsenic, le mercure et la strychnine étaient souvent recommandées et considérées comme bénéfiques pour les personnes souffrant de la grippe. D’autres médecins se sont appuyés sur des drogues puissantes et addictives comme l’héroïne, la cocaïne et la morphine pour traiter leurs patients. Ils ont également recommandé des doses régulières d’alcool pour protéger leurs patients de la grippe, ainsi qu’une quantité abondante d’aspirine pour apaiser la douleur et la fièvre. Tragiquement, certains patients sont morts d’un empoisonnement à l’aspirine.
De nombreux médicaments brevetés sont apparus sur le marché et ont été vendus en pharmacie. Ces remèdes, annoncés dans les journaux et les magazines locaux, étaient coûteux et non réglementés. Certains contenaient des stupéfiants, des substances toxiques et de l’alcool. Un individu n’avait pas besoin d’une ordonnance pour acheter ces médicaments en vente libre, mais pendant les années de prohibition, des ordonnances médicales étaient nécessaires pour acheter de l’alcool. Ces remèdes en bouteille ont parcouru toute la gamme des remèdes naturels inoffensifs aux médicaments toxiques contenant des ingrédients comme le charbon et le goudron de Ces remèdes en bouteille ont parcouru toute la gamme des remèdes naturels inoffensifs aux médicaments toxiques contenant des ingrédients comme le charbon et le goudron de.
L’une des méthodes les plus efficaces à la disposition des responsables de la santé publique et des médecins était la promotion de mesures préventives. Celles-ci incluaient : éviter les rassemblements publics, se couvrir la bouche en toussant et en éternuant, rester dans les pièces avec une bonne ventilation et porter un masque. Au plus fort de l’épidémie, certaines communautés ont fermé des écoles, des théâtres, des églises et d’autres espaces publics pour isoler la contagion et l’empêcher de se propager davantage.

Au-delà de ces préventions de bon sens, de nombreux Canadiens utilisaient des remèdes maison, souvent sous forme de recettes et de traitements transmis de génération en génération. C’était typiquement la matriarche de la famille qui prenait soin de ses parents et assumait le rôle double, mais interconnecté, de soignant et de guérisseur. Ces remèdes comportaient souvent de l’huile d’eucalyptus, des tisanes, des cataplasmes faits maison et de la graisse d’oie. Les cataplasmes étaient produits en écrasant un mélange de produits ménagers chauffés tels que la moutarde, les oignons et le saindoux, qui étaient ensuite enveloppés dans un linge et appliqués sur le cou ou la poitrine du patient pour soulager la douleur et la congestion. Un thé épicé populaire utilisé pour combattre certains des symptômes de la grippe se composait de piments, de lait chaud, de soda et de sucre. Cette concoction aurait soulagé les maux de tête et favorisé la digestion.

Exemple du type de boîte à moutarde qui serait acheté pour créer des cataplasmes, également appelés plâtres, à ce moment.
Les familles immigrantes et les Canadiens autochtones étaient particulièrement attachés aux remèdes et aux pratiques traditionnelles. Les Chinois comptaient sur un remède appelé « yin qiao san », un mélange parfumé de chèvrefeuille en poudre et de forsythia. À son tour, la communauté juive a puisé dans les vieilles recettes du pays comme la soupe au poulet — considérée comme la pénicilline juive — et le « guggle-moldu », un mélange de lait chaud, d’alcool, de jaune d’œuf et de sucre. Les familles autochtones comptaient presque exclusivement sur les remèdes traditionnels, qui comprenaient des thés imprégnés de plantes locales comme la pruche, ainsi que des traitements thérapeutiques comme les massages, les cataplasmes au charbon de bois et les huttes de sudation.
Les traitements à l’eau chaude et les saunas, originaires de la Grèce antique et de Rome, ont été salués à cette époque pour leurs propriétés curatives. Au fil du temps, d’autres cultures ont commencé à utiliser des traitements thermiques à des fins thérapeutiques et de relaxation, et ils se sont répandus dans des endroits comme la Turquie, l’Asie, l’Europe du Nord et de l’Est et l’Amérique du Nord. Un autre remède ancien embrassé par de nombreuses cultures à travers le monde recourait aux ventouses. Ce traitement consistait à placer des tasses chauffées sur la peau, créant ainsi un vide destiné à relâcher la congestion, à favoriser la circulation et la guérison et, selon certains, à retirer du corps les mauvais esprits responsables de la maladie et de la douleur du patient.
Au cours de la seconde moitié du vingtième siècle, bon nombre de ces concoctions et de ces traitements traditionnels ont été graduellement abandonnés par les Canadiens et remplacés par la médecine moderne. Cela comprend des vaccins annuels pour prévenir la grippe, le vaccin Tamiflu utilisé pour traiter la grippe, ainsi que des produits en vente libre comme du sirop contre la toux, des analgésiques et des comprimés contre le rhume pour soulager certains des symptômes. La plupart des Canadiens emploient pleinement ces options scientifiques tout en les complétant avec des remèdes maison comme la soupe au poulet, les thés médicinaux et les traitements thermiques, qui procurent souvent au patient un sentiment de réconfort et un lien profond avec le passé — principalement leurs mères bien-aimées et leurs ancetres.

Photo de Michael Phelps en compétition aux Jeux Olympiques de Rio en 2016. Les marques circulaires sur son corps ont été produites lors de sa séance de thérapie par ventouses. Il a déclaré à la presse que c’était douloureux mais bénéfique, car à son avis, cela améliorait la circulation, augmentait son niveau d’énergie et contribuait à son bien-être général.