Charles Byce

Né dans le Nord
Charles « Charlie » Henry Byce est né le 9 mars 1916 à Chapleau, en Ontario. Il était le cinquième enfant de Louisa Saylors, membre des Première Nations cries de Moose Factory (Ontario), et de Henry Byce, un Canadien non autochtone de Westmeath (Ontario), qui avait joint le Corps expéditionnaire canadien lors de la Première Guerre mondiale (1914-1918) et mérité la Médaille de conduite distinguée et la Médaille militaire française.
Une enfance marquée par l’adversité
À un jeune âge, Charles Byce a été placé au pensionnat St. John, qui faisait partie du système des pensionnats indiens. Au cours de son enfance dans ce pensionnat à Chapleau, en Ontario, il a subi de la discrimination et l’éradication de son identité autochtone. Il a été l’un des quelque 150 000 enfants issus des communautés inuites, métisses et des Premières Nations qui ont été isolés dans des pensionnats, où ils ont été persécutés en raison de leur héritage culturel.
Le départ au combat pour intégrer le Lake Superior Regiment
À l’adolescence, Charles quitte Chapleau, sa ville natale, pour Port Arthur, l’actuelle ville de Thunder Bay, en Ontario. Alors que la Seconde Guerre mondiale s’intensifie en Europe, il décide de suivre les traces de son père. En juillet 1944, à 24 ans, il s’enrôle dans le Lake Superior Regiment.
De la Normandie à la Hollande
Le caporal Charles Byce débarque en Normandie, en France, au sein du Lake Superior Regiment (LSR) à la fin de juillet 1944. Son unité a servi comme bataillon motorisé d’infanterie de la 4e brigade blindée canadienne, apportant un soutien d’infanterie rapproché aux régiments blindés de la formation. Pour suivre les chars d’assaut, Charles et ses camarades se déplacent dans des camions et des véhicules chenillés, légèrement blindés, connus sous le nom de « Universal Carriers » (porteurs universels). Ils assistent à leurs premiers combats sur la route Caen-Falaise en août 1944. Ils prennent part à la fermeture de la poche de Falaise, un couloir d’évacuation pour les troupes allemandes encerclées en Normandie.
Charles et le LSR traversent rapidement le nord-est de la France, puis la Belgique et la Hollande. En janvier 1945, ils se trouvent le long de la Meuse, un secteur relativement calme du front. Les Canadiens ont pour instruction de mener activement des patrouilles qui visent le plus souvent la capture d’un prisonnier allemand.
La traversée de la Meuse donne lieu à un acte d’héroïsme
Le 20 janvier, une heure après minuit, le caporal Charles Byce et deux dizaines de Canadiens traversent silencieusement la Meuse pour pénétrer en territoire ennemi. Un groupe de 15 hommes se replie sur des positions défensives pour sécuriser les bateaux de la patrouille et le passage vers la rivière. Byce rejoint le lieutenant G.U. Murray et sept autres hommes pour sonder le terrain et faire un prisonnier. La patrouille remonte une digue (un talus surélevé construit pour empêcher les inondations), l’utilisant comme bouclier contre les tirs des mitrailleuses et des fusils allemands pour ne pas compromettre leur mission de reconnaissance.
Le caporal Byce attaque alors une paire de soldats allemands le long de la digue. Constatant le raté de son fusil Sten (long feu), il lance une grenade; les Allemands battent aussitôt en retraite dans le brouillard. Le bruit attire l’attention d’un autre Allemand caché dans une tranchée à proximité. Il tire des coups de feu sur Byce, le manquant de peu; le caporal se met alors à ramper en direction du lieutenant Murray sous un tir de protection. Byce menace l’Allemand avec une grenade et lui ordonne de se rendre. Comme il n’obéit pas sur-le-champ, Byce parvient à le plaquer et à le maîtriser. La patrouille tient son prisonnier.
Regagner les positions alliées est tout aussi dangereux. Au moment où Byce et son prisonnier sortent de la tranchée, des Allemands tapis dans une tranchée-abri non loin ouvrent le feu, blessant le prisonnier. Byce et le lieutenant Murray traînent le blessé hors de la ligne de feu. Alors que les coups de feu éclatent, nombreux comme une rafale, Byce fouille le prisonnier et trouve son livret de solde. Pendant que le peloton fait face aux tirs nourris des mortiers et des mitrailleuses des Allemands, un des soldats canadiens tire sur le prisonnier et le groupe bat en retraite sans leur compatriote.
Deux soldats allemands lancent d’une tranchée des grenades sur la patrouille qui tente de regagner leurs embarcations. Sous le feu, Byce charge l’abri allemand et y lance une grenade, tuant du coup ses assaillants. Sa bravoure a permis à sa patrouille de regagner leurs bateaux sans heurts. Le quartier général de la Brigade a ensuite étudié le livre de solde ramassé par Byce et découvert l’unité allemande à laquelle appartenait le prisonnier décédé. Cette information a permis de dresser un portrait des troupes allemandes postées de l’autre côté de la Meuse. Byce a reçu la Médaille militaire (MM) pour sa bravoure lors de la mission de patrouille.
L’opération Churchill ou le moment de vérité
La guerre à laquelle prend part Charles Byce est loin d’être terminée. Le 2 mars, Byce et le Lake Superior Regiment pénètrent en territoire allemand, après avoir traversé la forêt de Hochwald, pour attaquer la fameuse « brèche de la Hochwald ». Désormais en territoire ennemi, ils doivent affronter des soldats qui, devant l’inéluctable défaite qui se profile, sont prêts à tout pour défendre leur patrie ou survivre.
Malgré les estomacs criant famine et les muscles endoloris, Byce et ses camarades montent à bord de leurs chars blindés Kangaroo dans le crépuscule du matin. Les hommes avaient combattu sans relâche depuis le 26 février et leur dernier repas remontait à il y a deux jours. Les renforts ne sont pas encore arrivés et les compagnies ne sont plus qu’au tiers de leurs effectifs. Il n’est donc pas étonnant que les Canadiens aient baptisé l’opération d’avancée « Churchill ». Ce surnom fait allusion à la célèbre phrase prononcée par le premier ministre britannique lors de son discours radio pendant la bataille d’Angleterre, en août 1940 : « Jamais tant de personnes n’ont dû autant à si peu de gens. »
Les compagnies « A » et « B » ayant sécurisé leurs positions, la compagnie « C » de Byce peut avancer avec les chars Sherman des Canadian Grenadier Guards et le soutien d’artillerie du 23e régiment de campagne (motorisé). Cinq des six transports de troupes blindés Kangaroo se perdent dans l’obscurité et le sol boueux, mais un parvient à atteindre la cible. Ils prennent possession du quartier général d’une compagnie allemande et font 20 prisonniers pendant l’opération.
Les cinq Kangaroo restants finissent par arriver. L’infanterie et leurs chars de combat stoppent trois contre-attaques. Les trois officiers de la compagnie sont blessés pendant les combats, laissant le commandement aux soldats expérimentés, comme Byce. Une quatrième contre-attaque, dévastatrice, anéantit les Sherman canadiens. L’artillerie canadienne continue tant bien que mal à tirer, mais les Allemands envahissent les positions de la compagnie « C ».
Byce ordonne à ses hommes de se retirer en traversant une étroite voie d’évacuation ignorée par les tireurs expérimentés ennemis. Pour les aider à s’échapper, le caporal s’empare d’un fusil de tireur d’élite allemand et protège ses amis contre le feu nourri des Allemands. Ses actions ont permis à huit hommes de retourner vers les lignes alliées. Seuls cinq membres de la compagnie « C » en sortent indemnes. Byce a reçu la Médaille de conduite distinguée (DCM), pour avoir fait preuve d’héroïsme ce jour-là. Il s’agit de la deuxième plus haute distinction canadienne reconnaissant la bravoure.
Un retour au bercail empli d’humilité
Byce arrive en Angleterre après le jour de la Victoire en Europe, en juin 1945. Il rentrera au Canada trois mois plus tard. À son retour, il s’installe à Espanola, en Ontario, avec son épouse de guerre, Frances De Grasse. Ils ont élevé sept enfants. Byce a travaillé comme monteur, puis comme verseur de plomb dans une usine de pâtes et papiers jusqu’à sa retraite en 1975. Il parlait rarement de ce qu’il avait vécu pendant la guerre. L’on se souvient de lui comme d’un homme humble et paisible.
Comme des milliers d’autres Canadiens autochtones, Byce a été persécuté en raison de son identité culturelle. Malheureusement, même lorsqu’il est revenu d’Europe en héros de guerre décoré, les préjugés n’ont pas cessé pour autant. Les vétérans canadiens autochtones n’ont pas toujours eu droit à l’égalité de traitement, disposant de moins de ressources (conseils, formulaires de demande et programmes) que beaucoup d’autres soldats de retour au pays. Byce a également dû surmonter une difficulté, à la fois singulière et courante, liée à son identité moitié crie, moitié non autochtone : il ne se sentait pas pleinement accepté par l’une ou l’autre communauté. Et pourtant, malgré les sévices endurés pendant son enfance dans un pensionnat et la discrimination qu’il a subie en tant qu’autochtone, Byce s’est battu pour sa nation avec courage et héroïsme.
Le 30 novembre 1994, Charles Henry Byce rend l’âme à 78 ans. En 2008, Charles Byce et son père Henry ont été intronisés au Temple du courage du Canada. Plusieurs monuments et mémoriaux ont depuis été construits pour commémorer leurs sacrifices et mettre en avant l’identité autochtone de Charles. L’un des soldats autochtones les plus décorés de la Seconde Guerre mondiale, Charles Henry Byce est sans contredit une figure marquante de l’histoire canadienne.
Ressources additionnelles
- Biographie de « Charles Henry Byce » par l’Encyclopédie canadienne.
- Article « Décoré par le destin » d’Anciens Combattants Canada.
- Une histoire des Canadiens autochtones dans les guerres mondiales par le gouvernement du Canada.
- Le site officiel du Hall d’honneur des anciens combattants du Canada.
- Une histoire de « Henry et Charles Byce : Armée canadienne » du Musée canadien de la guerre.
- Entrevue avec Gordon Byce, le frère de Charles Byce, par l’Ontario Native Education Counselling Association (Youtube).
Notes de bas de page
Universal carriers (porteurs universels)

Une digue

Chars blindés Kangaroo
