Insuline100: La découverte et le développement
La découverte et le développement de l’insuline par une équipe de scientifiques canadiens dans le début des années 1920 a sauvé la vie à d’innombrables personnes atteintes du diabète dans le monde entier, et a encore aujourd’hui un impact sur la vie des personnes diabétiques. C’est un moment historique reconnu par l’UNESCO et commémoré à chaque 14 novembre, la Journée mondiale du Diabète (et l’anniversaire de Frederick Banting!). Cette ligne du temps raconte l’histoire de la découverte de l’insuline, de ceux qui y ont participé et de l’impact de l’insuline au Canada et au Monde entier.
Pour accéder à des articles qui explorent en plus de détails les évènements des débuts de l’insuline, cliquer sur les liens qui apparaissent dans la ligne du temps, ou commencez ici.

En 1920, à la veille de la découverte de l’insuline, le Canada émergeait à peine de quatre années de guerre tumultueuses. Les derniers mois de la Première Guerre mondiale, terminée le 11 novembre 1918, coïncidaient au pays avec les énormes souffrances causées par la pandémie de grippe mondiale de 1918-1919. Au terme de la pandémie, en 1919, le gouvernement fédéral avait mis en place un ministère national de la Santé. Par ailleurs, d’importants conflits de travail éclataient, dont le plus spectaculaire fut la grève générale de Winnipeg.
En 1920, un diagnostic de diabète était essentiellement une condamnation à mort, en particulier pour un enfant présentant la forme rapide du diabète (plus tard qualifié de « type 1 »). L’espérance de vie était généralement inférieure à un an à compter de la date d’un tel diagnostic. Le diabète se manifestant plus lentement, surtout chez les adultes et plus tard défini comme celui de « type 2 », était plus facile à contrôler, mais il restait mortel dans de nombreux cas.À l’époque, il n’existait pas de définition exacte du diabète, car les méthodes de diagnostic étaient incertaines et changeantes, tout comme les procédés statistiques. Il était donc impossible de savoir combien il y avait de diabétiques au Canada ou ailleurs. D’après la meilleure estimation, entre 0,5 et 2,0 % des habitants des pays industrialisés étaient atteints de diabète en 1920. Dans les sociétés plus prospères et bien nourries, la maladie semblait plus répandue. En fait, en 1920, le diabète était surtout présent dans les pays les plus riches, notamment aux États-Unis et en Allemagne, ainsi qu’au Canada. Pour en apprendre davantage à propos du diabète avant la découverte de l’insuline.
25 octobre 1917 – Le nouveau site et les bâtiments de la ferme des Laboratoires Connaught sont officiellement ouverts. La ferme universitaire et les laboratoires d’antitoxine Connaught ont été créés en collaboration avec l’Université de Toronto après que le Dr John G. FitzGerald eut espéré que l’Université de Toronto établisse un Institut Pasteur. Au début de 1914, FitzGerald fait une présentation au conseil d’administration de l’université qui est impressionné par ses efforts et rejoint son projet le 1er mai 1914. Pour en savoir plus sur le Dr FitzGerald et l’histoire de Connaught, cliquez ici.


La nouvelle ferme des Laboratoires Connaught, ouverte le 25 octobre 1917. Archives de Sanofi Pasteur Canada, Université de Toronto, Connaught Laboratories & The Crucible of World War I, Dr. Christopher Rutty.
31 octobre 1920
Aux petites heures du 31 octobre 1920, à London, en Ontario, le Dr Frederick G. Banting, 28 ans, s’est réveillé en sursaut. Il avait eu un éclair de génie pour une nouvelle expérience visant à isoler l’insaisissable sécrétion interne du pancréas comme moyen de traiter le diabète.
Banting, qui avait également lu des articles sur le métabolisme des glucides et le diabète, s’était endormi peu de temps après avoir lu l’article de Barron. Après quelques heures de sommeil perturbé, il s’était réveillé avec une idée fascinante, qu’il s’est empressé de noter dans un carnet :

Comment Banting s’est-il rendu ici? Découvrez l’histoire de sa vie.
7 novembre 1920
Le Dr Frederick Banting ne savait pas vraiment à quoi s’attendre de sa rencontre avec le Dr John J. R. Macleod (1876-1935), chef du département de physiologie de l’Université de Toronto, le 7 novembre 1920.

Dr Frederick Banting, c. 1922 [Université de Toronto, The Discovery and Early Development of Insulin]

Dr John J.R. Macleod, c. 1923 [Université de Toronto, The Discovery and Early Development of Insulin]
Les résumés ultérieurs de Banting et Macleod sur la découverte de l’insuline, rédigés en septembre 1922, ne fournissaient pas tous les détails de cette première discussion. Banting avait néanmoins noté que Macleod s’était assis sur sa chaise et avait fermé les yeux pendant qu’il réfléchissait quelques minutes. Il avait ensuite dit : « Cela pourrait être le moyen de se débarrasser de la sécrétion externe. » À sa connaissance, avait continué Macleod, cette méthode n’avait jamais été expérimentée auparavant. « Cela vaudrait la peine d’essayer […] Nous aurions des résultats négatifs d’une grande valeur physiologique. »
Le 8 mars 1921, Banting avait écrit à Macleod, lui suggérant qu’il pouvait demeurer à Toronto de mai à juillet, si l’offre était toujours valable. Il obtint cette réponse de Macleod le 11 mars : « Je serais heureux que vous veniez ici le 15 mai, comme vous l’avez suggéré, pour voir ce que vous pouvez faire avec le problème du diabète pancréatique, dont nous avons parlé. »

Transcription
Cher Dr Banting,
Je serais heureux de vous accueillir à Toronto le 15 mai prochain. Comme vous l’avez suggéré, j’aimerais voir ce que vous êtes en mesure de faire pour régler le problème du diabète pancréatique donc nous avons discuté. Je doute qu’il soit raisonnable de tenter toute intervention avant les fêtes de Pâques; entre Pâques et le 18 mai, il est fort probable que personne ne soit intéressé à rester ici pour superviser les animaux. Comme vous le savez, cette supervision est d’une importance primordiale dans des expériences de ce type. Entre ces dates, tout le personnel des laboratoires sera amené à se concentre sur les examens, les détails et les autres activités qui ponctuent la dernière portion de la session. Je pense qu’après le 15 mai, vous pourriez vous adonner à votre travail en toute liberté et mener vos expériences selon votre bon gré.
Veuillez agréer de l’expression de mes meilleurs sentiments
J. Macleod
Mai 1921 – Banting et Best
Bien que Macleod ait guidé Banting dans la préparation d’un plan de recherche et l’utilisation de techniques chirurgicales, il savait que le jeune chirurgien aurait besoin d’aide pour tester les taux de glycémie ainsi que ceux d’azote et de sucre dans l’urine. Il avait donc invité deux de ses meilleurs chercheurs à rencontrer Banting. Charles Best et Clark Noble étaient tous deux étudiants en quatrième année des cours de physiologie et de biochimie, avec mention d’excellence. Ils avaient travaillé pour Macleod en tant que chargés de travaux pratiques et assistants de recherche. Best et Noble étaient de bons amis et avaient besoin d’un travail d’été. Banting pouvait cependant recourir aux services d’un seul assistant, et Macleod ne pouvait se permettre d’en rémunérer qu’un, de la mi-mai à la fin juin. L’autre aurait pu être embauché en juillet et en août, s’il le fallait. Best et Noble avaient décidé de tirer au sort pour décider qui travaillerait en premier avec Banting; Best avait gagné.

La première tâche entreprise par Banting et Best à leur arrivée au bâtiment médical de l’Université de Toronto, le matin du 17 mai 1921, avait été le nettoyage de la salle d’opération pour animaux du département de physiologie.

17 mai 1921 – La première pancréatectomie, exécutée le 17 mai, avait duré environ 80 minutes et le chien s’était rétabli. C’était une opération en deux étapes qui avait laissé une petite partie du pancréas intacte. Une semaine plus tard, Banting et Best retirèrent la partie restante pour observer l’apparition du diabète chez ce chien. Le lendemain, ils opérèrent deux autres chiens, et tous deux étaient morts, le premier en raison d’une surdose d’anesthésique et le second à la suite d’une hémorragie. Deux jours plus tard, Banting et Best opéraient un troisième chien. Celui-ci survécut à l’intervention chirurgicale, mais mourut le 21 mai. À ce moment-là, le premier chien opéré était aussi mort.
28 mai 1921 – Heureusement, l’intervention suivante, sur le chien n° 387, avait été couronnée de succès. Best avait pu commencer une série de tests, suivis le 28 mai par l’ablation du segment restant du pancréas. Comme Best et Banting l’avaient prédit, l’animal avait développé des symptômes de diabète (une glycémie élevée et du sucre dans les urines), et il mourut le 1er juin – non seulement à cause du diabète, mais aussi d’une infection abdominale. Ce premier travail expérimental s’était déroulé plus ou moins comme prévu.
À la mi-juin, après quatre semaines de travail, les choses semblaient bien se dérouler. Deux chiens dont le pancréas avait été retiré guérissaient, et sept autres qui avaient subi une ligature des conduits se portaient bien. Banting et Best devaient maintenant patienter quelques semaines afin de pouvoir entreprendre la troisième partie, la plus critique, de leur travail expérimental, celle durant laquelle ils prépareraient leur premier extrait pancréatique à tester sur des chiens diabétiques. Ils devaient attendre que le pancréas ligaturé dégénère suffisamment dans chacun des chiens avant de le retirer; il fallait absolument qu’il n’y ait aucune sécrétion externe dans le tissu pancréatique endommagé.
Juillet 1921 – Au début du mois de juillet, Banting et Best s’apprêtaient à vérifier le degré de détérioration des pancréas de sept chiens dont les conduits avaient été ligaturés. En ouvrant le premier chien, Banting avait été surpris de découvrir que le pancréas semblait tout à fait normal. Il pensa que quelque chose avait dû mal tourner. Il avait ensuite ouvert tous les autres chiens ligaturés, mais constata que la ligature avait tenu seulement pour deux d’entre eux, provoquant une dégénérescence du pancréas. Banting avait d’abord utilisé du catgut (cordage en boyau) pour les ligatures, qui, de toute évidence, s’étaient desserrées. À l’aide de soie, Banting avait dû à nouveau, minutieusement, ligaturer les canaux pancréatiques de cinq chiens. Pour ajouter à la frustration, deux de ces chiens moururent dans la journée qui suivit les interventions. Deux autres, dont le pancréas avait été retiré, succombèrent aux infections aggravées par la chaleur. Ce fut, pour Banting et Best, une semaine catastrophique, qui laissait l’ensemble du projet de recherche non loin de l’échec total. Les deux avaient décidé de prendre toute la fin de semaine pour se reposer et se ressaisir.
30 juillet 1921 – Le 30 juillet, Banting avait retiré le pancréas nettement dégénéré du chien n°391 et procédé, avec Best, à la préparation d’un premier extrait pancréatique. Macleod avait laissé des instructions détaillées.
Le même jour, le chien no 410 avait été le premier à subir une injection d’extrait pancréatique. Après l’injection de quatre centimètres cubes (cm3) de l’extrait, le taux de sucre dans le sang de ce chien était passé de 0,20 à 0,12 en une heure.
1 août 1921 – Le 1er août, le chien no 406 était dans le coma et au seuil de la mort lorsque Banting lui administra 8 cm3 de l’extrait. Son taux de glycémie était de 0,50, mais il avait chuté à 0,42 dans l’heure suivante, et le chien s’était même levé pour se promener. Le taux était ensuite descendu à 0,30, mais le chien finit par retomber dans le coma avant de mourir. Banting et Best estimaient tout de même qu’il avait été plutôt impressionnant de voir le chien sortir du coma, se lever et marcher.

4 août 1921 – Le chien no 408 avait reçu une injection de 5 cm3, réduisant sa glycémie de 0,26 à 0,16 en 35 minutes. Un résultat similaire avait été obtenu lors d’une injection ultérieure, et le chien était cette fois demeuré en bonne forme.Le 4 août, constatant l’efficacité de l’extrait pour un chien diabétique en bon état, Banting et Best y faisaient référence une première fois sous le nom « isletine ».
Après avoir réussi à administrer des injections toutes les heures, Banting et Best essayèrent d’injecter une dose beaucoup plus importante, dont les résultats furent alarmants. Le chien no 408 était soudainement devenu inerte, voire mourant. Banting et Best tentèrent de le ranimer, mais il mourut après un léger regain d’énergie. La cause du décès semblait avoir été une infection généralisée. Malgré la fin abrupte du chien no 408, Banting et Best avaient beaucoup appris sur l’« isletine » et ses propriétés anti-diabétiques, et ils étaient impatients d’envoyer un rapport à Macleod.
9 août 1921 – Dans sa lettre du 9 août à Macleod, Banting rapportait avec beaucoup d’enthousiasme que l’extrait entraînait « invariablement » une réduction de la glycémie. Mais il avait aussi beaucoup de questions et tenait vraiment à poursuivre le travail dans un laboratoire mieux équipé. En particulier, Best et lui avaient besoin d’une aide accrue pour s’occuper des animaux, de même que de meilleures installations pour leurs opérations.





Transcript
Dear Prof McLeod [sic]:-
I have so much to tell you and ask you about that I scarcely know where to begin. I think you will be pleased when you see how the problem is unrolling from one end & rolling up at the other.
At present I can honestly state my opinion that 1/ the extract universally causes a decrease in the percentage of blood sugar & in the excretion of sugar in diabetic dogs. 2/ That it is active at least for four days if kept cold. 3/ That it is destroyed by boiling. 4/ That extracts of spleen & liver at least, prepared under similar conditions, have no such action. 5/ The clinical aspect of the animal is improved by the extract. Thus far is unrolled.
The number of problems that are presenting themselves is becoming greater & greater. Some of them I would wish to present for your approval.
- The securing of the most active and concentrated forms of the substances (which Best & I call « Isletin ») by testing the effect obtained from various positions of the degenerated gland & at the various periods after ligation of the ducts.
- After securing the most active product an investigation of its chemical properties. (The extract used was neutral to litmus, we are going to try acid & alkali extracts next dog)
- Is it destroyed by Typrin? (I would like to repeat Kleiner’s experiment.
- Can a dog be kept alive by the use of an extract with the pancreas removed?
- The whole problem of tissue grafting.
- Is the substance universal in the animal kingdom in regard to carbohydrate metabolism & all it act in other species.
- Its relation to fat metabolism (our animals lost weight progressively & rapidly & no fat was found at autopsy)
- Relation of diabetus [sic] & infection
- Relation to glycosurea [sic] & other forms of diabetus [sic]
- Relation of the extract to sugar infections
- Relation of the extract to its internal secretions
- Relation to thirst & huger (water metabolism) (vol of urine decreased after infections and while under the influence & after the very large doses in 408, excretion ceased)
- Embryology
- Its clinical application
- Where & in what manner does the substance act
I am very anxious that I be allowed to work in your laboratory and yet especially during the hot weather we have been so greatly hampered by infection despite our utmost care, and since we have lost so many dogs, I strongly desire more help to keep the place clean & gloves & gowns & a thorough fitting up of our operating room. I told Dr. Starr of my difficulties and he has secured the use of the surgical research operating room (for operations only) and I will take the dogs down & bring them back when the operation is over. We have only two dogs left with ducts tied. I would like to do about ten so as to have a supply of the extract for you when you return. I have told Dr. Starr all about my results and he advised me to go ahead so I will proceed slowly and if I do not hear from you I will take it that I have your permission. Please let me knoww as soon as possible your wishes. I will not proceed immediately however as I am going to London Ont. to close up my affairs and have them off my mind. And that will give this letter time to get to you.
Mr. Best has expressed the desire to work with me and I should be more than pleased to have him. His work as been excellent and he is absolutely honest, careful, and impartial, and has taken a great interest in the work. He has assisted me in all the operations and taught me the chemistry so that we work together all the time & check up each others readings.
I hope that you will be able to make out our report. Hoping to hear from you soon and eagerly awaiting your return.
Yours very sincerely,
F. G Banting.
11 août 1921 – Le 11 août, attendant toujours une réponse de Macleod, Banting avait entamé avec Best une nouvelle série d’expériences, travaillant 24 heures sur 24 pendant plusieurs jours. Le but était de retirer les pancréas de deux autres chiens, de donner de l’isletine à l’un d’eux (le chien no 92) et de comparer les effets avec l’état du chien no 409, qui, ne recevant pas l’extrait, était utilisé à des fins de contrôle expérimental. Après une première réaction lente à l’extrait, le diabète du chien no 92 était resté bien contrôlé pendant les 20 jours suivants, tandis que l’état du chien no 409 n’avait cessé de dépérir, jusqu’à la mort. Entre-temps, le chien no 92 avait reçu une surdose de l’extrait, ce qui, comme prévu, avait fait baisser son taux de sucre dans le sang à un niveau inférieur à la normale. Ce chien, un colley jaune, était en fait devenu une sorte d’animal de compagnie dans le laboratoire.
17 août 1921 – Comme le montrent clairement les notes de Banting et de Best, ainsi que leurs comptes rendus ultérieurs, ce fut un moment inoubliable pour les deux hommes – un moment à la fois intense, productif, passionnant et marqué par le resserrement de leurs liens.Le 17août, Banting et Best décidèrent de procéder à différentes expériences avec le chien n° 92, qui était très fringant et se portait bien. L’une d’entre elles consistait à retirer le pancréas entier du chien et à en préparer un extrait, plutôt que de commencer par un pancréas dégénéré. Lorsqu’ils donnèrent au chien no 92 des injections de ce type d’extrait, l’effet a semblé similaire : un graphique indiquait une réduction de la glycémie aux niveaux atteints avec l’extrait préparé à partir d’un pancréas dégénéré.
Banting et Best avaient ensuite essayé une autre technique que la ligature des conduits. Ils avaient stimulé le pancréas avec une hormone appelée la « sécrétine », produite dans le duodénum (la partie supérieure de l’intestin grêle).
20 août 1921 – Il était compliqué d’obtenir de la sécrétine brute, puis de l’injecter lentement dans le pancréas pendant quatre heures, jusqu’à ce que la production de suc pancréatique s’arrête. Mais Banting voulait tenter l’intervention chirurgicale, si bien que Best et lui avaient un extrait à tester sur le chien no 92. Lorsqu’il reçut la première injection ce samedi soir, le chien fut très malade. Toutefois, le dimanche matin, au retour de Banting et de Best au laboratoire, il sautait de sa cage avec excitation et courait partout. Ce fut une scène mémorable pour Banting, qu’il a d’ailleurs associée plus tard à l’un des plus grands jours de sa vie.
22 août 1921 – Du 22 août jusqu’à la fin du mois, Banting et Best menèrent d’autres expériences avec le chien no 92, notamment la préparation d’un extrait à partir du pancréas d’un chat en suivant le processus de stimulation de la sécrétine. Cet extrait a cependant plongé le chien dans un état de choc, ce qui mit fin à la réalisation d’expériences plus approfondies dans cette direction.

31 août 1921 – Le chien no 92 survécut et s’accrocha à la vie neuf jours de plus, son taux de sucre dans le sang augmentant lentement et son état s’aggravant jusqu’à sa mort définitive le 31août. « J’ai vu des patients mourir sans jamais verser une larme, écrivit plus tard Banting. Mais j’ai voulu être seul quand ce chien est mort. Les larmes jaillissaient et c’était plus fort que moi. »
23 septembre 1921 – La lettre de Macleod était enfin arrivée. Leurs recherches avaient tellement progressé depuis qu’il avait écrit à Macleod, le 8 août. Macleod se réjouissait certes de leurs progrès, mais il leur conseillait de faire preuve de prudence et de ne pas être trop confiants quant à leurs résultats. Il ne doit subsister « aucun risque d’erreur », avait-il souligné. « Si vous parvenez à prouver à la satisfaction de tous que de tels extraits ont vraiment le pouvoir de réduire le taux de glycémie en présence d’un diabète pancréatique, vous aurez énormément accompli. » Mais, avait-il ajouté, « il est souvent très facile dans le domaine de la science de ne considérer que son point de vue, et bien difficile d’accumuler de solides preuves que d’autres ne pourront pas faire tomber ».
1 octobre 1921 – Le 1er octobre, Dr Velyien Henderson, professeur de pharmacologie, avait obtenu pour Banting un poste de conférencier spécial au département de pharmacologie, avec un salaire de 250 $ par mois, ce qui était fort raisonnable. Pour sa part, Macleod avait trouvé une pièce assez grande pour deux cages à chiens et un bureau de laboratoire, et il avait également pris des dispositions pour que Banting (150 $) et Best (170 $) soient payés rétroactivement. En fait, Macleod avait été assez cordial et serviable après leur échange tendu. Comme Banting le nota plus tard : « Je pensais l’avoir peut-être jugé trop sévèrement. »
Au début du mois d’octobre 1921, l’excitation était à son comble. Banting, Best et Macleod étaient très confiants. Le succès des travaux réalisés avec des extraits pancréatiques avait jusqu’alors suscité beaucoup de questions nouvelles, incitant Banting et Best à explorer de nombreuses avenues différentes. Macleod tenta cependant de modérer leur enthousiasme et leur conseilla de rester concentrés sur la résolution des problèmes en suspens que posait la confirmation de l’efficacité des extraits pancréatiques dans le contrôle du diabète. En savoir plus.
4 octobre 1921 – Une possible solution de rechange apparut grâce à une connaissance de Banting : le Dr John G. FitzGerald, directeur des Connaught Laboratories, des laboratoires spécialisés dans les antitoxines, à l’Université de Toronto. Pendant la Première Guerre mondiale, cette entreprise avait pris de l’expansion et intégré un site agricole là où se trouve aujourd’hui la limite nord de Toronto. C’était à la « ferme » de Connaught qu’était préparé le vaccin contre la variole, et des veaux étaient mis à contribution pour sa production. Le canal pancréatique d’un veau pouvait sans doute être ligaturé pour isoler la sécrétion interne, estimaient les chercheurs. Le 4 octobre, Banting et Best visitaient la ferme pour tenter une ligature du canal pancréatique sur un veau. Celle-ci n’a pas réussi, car le veau est mort sous l’effet de l’anesthésie. Cette expérience, bien que frustrante, a engendré d’autres idées.
Banting et Best se sont alors lancés dans une vaste recherche à la bibliothèque de médecine, consacrant beaucoup de temps à la lecture d’articles de journaux sur le diabète et le pancréas ainsi qu’à la consignation de notes sur des fiches. Contrairement à Best, Banting ne correspondait pas au chercheur médical typique du milieu universitaire. Il avait un penchant pour la pratique, et il était donc animé par le désir de tester l’extrait sur des personnes diabétiques.
14 novembre 1921 – Jour du 30e anniversaire de Banting. Banting et Best donnaient une conférence au club de lecture (Journal Club) du département de physiologie et à un public restreint, composé d’étudiants, de professeurs et de membres du personnel. La présentation semblait bien se dérouler et fut rehaussée, au cours de la discussion, par une suggestion importante du Dr N. B. Taylor. Celui-ci pensait qu’une expérience de longévité obtenue avec un extrait donné régulièrement à un chien diabétique sur une période prolongée serait utile.
16 novembre 1921 – Vers 2 heures du matin, Banting s’éveilla après un sommeil agité avec une idée, suscitée par le souvenir d’une expérience vécue à la ferme de son père, à Alliston, en Ontario : le bétail qu’il aidait à abattre. Il avait récemment lu que les cellules des îlots pancréatiques étaient plus concentrées chez les nouveau-nés parce que les sucs digestifs comme la trypsine, une enzyme, n’avaient pas encore empoisonné la sécrétion interne. De par son expérience de l’agriculture, Banting savait également que les vaches en gestation étaient plus voraces et prenaient plus de poids, et qu’il fallait considérer cet aspect avant l’abattage. Il a donc eu l’idée de recueillir des tissus du pancréas de veaux fœtaux prélevés sur des vaches tout juste abattues, plutôt que d’essayer de provoquer des avortements chez des chiens. Dès le lendemain, Banting et Best se rendaient dans un abattoir local et revenaient à leur laboratoire avec neuf pancréas de veaux fœtaux pour en préparer un extrait sans délai. Ils ont donc administré l’extrait au chien n°27 et vu sa glycémie passer de 0,30 à 0,20 en 20 minutes. Des injections supplémentaires ont fait baisser le taux à 0,08, et des tests effectués 24 heures plus tard ont montré que l’urine du chien était exempte de sucre. Cette nouvelle approche signifiait que plus aucune ligature des conduits ne serait désormais nécessaire. De plus, on ne manquerait plus jamais d’extraits. Les abattoirs pourraient fournir tous les pancréas fœtaux dont Banting et Best auraient besoin.
17 novembre 1921 – Avec un approvisionnement constant en extraits, Banting et Best purent enfin se concentrer sur une expérience de longévité. Le chien n°33, autrement connu sous le nom de « Marjorie », était au cœur de cette expérience. Banting et Best procédèrent au retrait du pancréas de ce chien.
23 novembre 1921 – Entre-temps, Banting et Best avaient veillé à améliorer la pureté de l’extrait en ajoutant une dernière étape de filtration à partir de porcelaine non émaillée (un « filtre de Berkefeld »), qui permettait de capter les bactéries et d’assurer la stérilité. Ce procédé avait cependant pour effet de réduire la puissance. Le 23 novembre, plus confiants et un brin audacieux, Banting et Best osèrent s’injecter, l’un et l’autre, de petites doses de 1,5 c.c. (environ 1/3 de cuillère à thé) d’extrait. « Aucune réaction », indiquait la brève note de Banting et de Best.
7 décembre 1921 – Le 6 décembre, Banting et Best franchissaient une nouvelle étape importante en essayant d’utiliser de l’alcool, au lieu d’une solution saline, dans la préparation de l’extrait de veau fœtal. Ils savaient que l’alcool s’évapore à une température beaucoup plus basse que l’eau et, en outre, peut se dissoudre et éliminer certaines des impuretés contaminantes des solutions d’extraction. Le 7 décembre, l’extrait préparé avec la méthode à l’alcool fonctionna bien avec le chien n°23 et Marjorie. Quant à l’utilisation de l’alcool, Banting et Best conclurent que l’agent actif dans le pancréas fœtal devait y être soluble, car il le serait également dans le tissu pancréatique frais d’une vache adulte.
8 décembre 1921 – Banting et Best retirèrent le pancréas du chien n°35 et procédèrent à la préparation d’un extrait en utilisant la méthode d’extraction à l’alcool.
11 décembre 1921 – Le chien n°35 reçut une injection d’extrait préparé à partir de son propre pancréas entier. Le taux de glycémie de l’animal passa de 0,38 à 0,18 en quatre heures. Il était évident que l’alcool était efficace pour extraire la sécrétion interne de tout le pancréas. Plus besoin de pancréas fœtaux. La recherche pourrait progresser en utilisant des pancréas entiers frais et facilement disponibles qui proviendraient de bovins.
12 décembre 1921 – Ces récentes percées incitèrent Macleod à inviter officiellement le Dr James Bertram Collip à rejoindre l’équipe de recherche sur les extraits pancréatiques afin qu’il puisse mettre à profit ses compétences spécialisées en biochimie pour poursuivre le développement et la purification de l’extrait. Basé dans un laboratoire du bâtiment de pathologie de l’Hôpital général de Toronto, Collip amorça ses travaux sur le pancréas de bœuf entier.

Au même moment, Banting et Best tentaient également de purifier l’extrait de bœuf entier. Ils expérimentèrent la dialyse et l’utilisation du toluène, un hydrocarbure clair qui sent le diluant à peinture, après évaporation alcoolique, afin d’éliminer de l’extrait les impuretés sous forme de matières grasses. Banting et Best préparèrent une grande quantité de leur extrait, mais au moment d’effectuer des tests, ils constatèrent qu’il manquait de puissance, d’après des résultats obtenus sur des chiens diabétiques. Cependant, ils avaient encore un extrait qu’ils savaient puissant et, le 21décembre, ils décidèrent de l’essayer sur un collègue médecin, le Dr Joseph Gilchrist, qui souffrait de diabète. Ils administrèrent l’extrait par une sonde gastrique plutôt que par injection. Pour Banting et Best, cela valait la peine d’essayer en raison de la santé déclinante de Gilchrist. L’extrait n’a toutefois eu aucun effet sur Gilchrist, ni positif ni négatif.
Noël 1921 – Les frustrations de Banting et Best ne diminuèrent pas, si bien que les chercheurs décidèrent de faire une pause pour Noël. Mais Collip, de son côté, faisait des progrès importants. Il avait pu utiliser un distillateur sous vide pour faire évaporer l’alcool de la solution d’extrait, bien que partiellement seulement. Une filtration suivait ce procédé. L’extrait ainsi obtenu fut très efficace pour réduire le taux de sucre dans le sang de l’airedale-terrier. Collip avait également testé l’urine du chien et constaté que l’extrait le laissait complètement sans sucre ni cétone. Cette découverte marqua une autre étape importante.
Le jour de Noël, en 1921, le Dr George H.A. Clowes prend le train à Indianapolis, en Indiana, à destination de New Haven, au Connecticut, en passant par New York, afin d’assister à une présentation intitulée « The Beneficial Influences of Certain Pancreatic Extracts on Pancreatic Diabetes » (les bienfaits de certains extraits pancréatiques sur le diabète). Cet exposé a été présenté le 30 décembre par Banting, Best et Macleod lors de la réunion annuelle de la American Physiological Society. Le Dr Clowes est alors directeur de la recherche chez Eli Lilly and Company, une entreprise pharmaceutique d’Indianapolis. Il a récemment entendu parler de certaines recherches intéressantes menées au département de physiologie de l’Université de Toronto, dirigées par Macleod. Clowes fait entièrement confiance à Macleod, scientifique crédible, et tient à se rendre à New Haven, même si ce voyage l’empêche de fêter Noël avec sa jeune famille.

28-30 décembre 1921 – La trente-quatrième réunion annuelle de l’American Physiological Society, qui s’est tenue à New Haven. Banting espérait que la réunion de New Haven du 30 décembre serait un triomphe, mais, du moins pour lui, elle s’est avérée particulièrement désappointante. Ses nerfs se sont mis en travers de sa présentation convaincante et Macleod a senti le besoin d’intervenir pour le sauver. Les spécialistes du diabète étaient présents, dont le Dr Joslin et le Dr Frederick Allen, et ils ont posé des questions difficiles.

Transcription
The internal secretion of the pancreas. F. G. Banting, C. H. Best, and J. J. R. Macleod.
The hypothesis underlying our experiments was that the usual extracts of pancreas do not satisfactorily demonstrate the presence of an internal secretion acting on carbohydrate metabolism, because this is destroyed by the digestive enzymes also present in such extracts. To circumvent this difficulty we have taken advantage of the fact that the acinus, but not the insular cells become degenerated in seven to ten weeks after ligation of the ducts.
A neutral or faintly acid extract of the degenerated gland, kept at a low temperature, was therefore prepared and its effect on pancreatic diabetes investigated. Ten weeks after ligation of the pancreatic ducts the degenerated gland was removed was removed and extracted with ice-cold Ringer’s solution. This extract injected intravenously or subcutaneously invariably caused marked reduction of the percentage of sugar in the bloo and the amount of sugar excreted in the urine. Extracts of liver, spleen or boiled extract of degenerated pancreas have no effect.
Further investigations have shown the following: a, incubation of the extract, in alkaline reaction, for 2 hours with pancreatic juice removes its effect; b, glucose given intravenously or per os is administered; c, the clinical conditions of he animal is improved by the extract; d, hemoglobin estimations before and after administration of the extract are identical; e, neutral extract kept in cold storage retains its potency for at least seven days; f, subcutaneous injections have a less rapid but more prolonged effect. Rectal injections are not effective
The experiments have been repeated on ten animals several of which were under observation for over 2 weeks.
Macleod dût faire face à un scepticisme considérable de la part des spécialistes présents dans l’assistance, mais l’un d’entre eux, le Dr George Clowes, directeur de recherche chez Eli Lilly & Co. d’Indianapolis, en Indiana, se montra impressionné par ce qu’il entendit. Il s’était approché par la suite de Macleod, lui proposant la collaboration d’Eli Lilly pour l’aider à développer l’extrait. La proposition fit l’objet de discussions avec Banting et Macleod, mais ceux-ci déclinèrent poliment l’offre, car les travaux n’étaient pas suffisamment avancés pour envisager une préparation commerciale. Néanmoins, ils garderaient la proposition de Clowes à l’esprit.
10 janvier 1922 – Best prépara un extrait de pancréas de bœuf entier en utilisant la méthode mise au point en décembre, qui intégrait l’utilisation d’un distillateur sous vide selon le procédé développé par Collip. Les chercheurs avaient testé sa puissance sur un chien, puis s’étaient fait de petites injections pour s’assurer que l’extrait était sans danger.
11 janvier 1922 – , ils apportèrent un flacon de l’extrait de l’autre côté de la rue, à la clinique diabétique de l’hôpital et ils administra 15 c.c. de l’extrait par une injection sur chacune des fesses de Thompson, de 7,5 c.c. Les résultats du « sérum de Macleod », comme l’indiqua le graphique de Thompson, furent certes positifs, mais décevants pour Banting, Best et Macleod. Il y avait bien eu une baisse de 25 % de la glycémie ainsi qu’une réduction du sucre dans l’urine, mais l’effet modeste de l’extrait ne l’emportait pas sur la réaction à celui-ci. Un abcès stérile s’était développé à l’un des points d’injection, causé par des impuretés restées dans l’extrait, et non à cause d’un quelconque agent infectieux.
14 janvier 1922 – Le Toronto Star publiait un article sur le premier essai humain

Transcription de la « une »
Work on diabetes shows progress against disease
Des progrès sont observés dans la recherche sur le diabète
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Toronto medical men hoping that cure is close at hand
Médecins de Toronto croient qu’un remède est proche
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A boy is treated
Un garçon recoit le traitement
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Effect of first treatment was so good that injections are continued
Le succès des premières injections sont telles que les médecins poursuivent le traitement
Apprenez davantage à propos de la couverture médiatique de la découverte.
16 janvier 1922 – Collip découvrit qu’à une certaine limite de la concentration d’alcool (un peu plus de 90 %), il pouvait obtenir la sécrétion interne sous la forme la plus pure jamais vue jusqu’alors.
23 janvier 1922 – Le traitement de Leonard Thompson fut repris avec l’extrait de Collip. L’adolescent n’avait reçu que le seul traitement à l’insuline de l’extrait de Banting et Best, et il était revenu à un traitement basé sur le régime alimentaire. Cette fois, après l’injection de l’extrait de Collip, l’effet fut assez spectaculaire; le taux de glycémie (sucre dans le sang) chuta et celui de glycosurie (sucre dans l’urine) devint presque nul. Leonard fit des progrès rapides, devenant plus actif et plus fort, et ayant meilleure mine. De plus, il n’y eut pas d’abcès ni d’autres effets secondaires. Cette fois, l’extrait pancréatique avait manifestement fonctionné.
25 janvier 1922 – Pour éviter un tel dénouement, FitzGerald put officialiser par écrit un accord de recherche et développement fondamental entre Connaught et Banting, Best, Collip et Macleod. Daté du 25 janvier 1922 et signé par les quatre hommes, ainsi que par le président du comité Connaught de l’Université de Toronto, Albert E. Gooderham, l’accord était basé sur deux conditions essentielles : premièrement, les collaborateurs devaient accepter de ne pas déposer de brevet auprès d’une société pharmaceutique commerciale pendant une période de collaboration initiale avec Connaught; deuxièmement, aucune mesure qui entraînerait une modification à la politique concernant les travaux de recherche ne serait autorisée à moins d’un négociation préalable entre FitzGerald et les quatre collaborateurs.


Dès février 1922, six patients diabétiques de plus à l’HGT avaient été soignés avec l’extrait, ainsi que le Dr Gilchrist. Durant le printemps, encore d’autres patients reçoivent un traitement d’insuline. Lisez leurs histoires ici.

22 mars 1922 – Roy Greenaway a écrit un article détaillé en première page du Toronto Star, intitulé « Toronto Doctors on Track of Diabetes Cure », dont la publication a été synchronisée pour coïncider avec la publication de l’article séminal de l’équipe de Toronto dans le journal de l’Association médicale canadienne du mois de mars. L’article de Greenaway présentait des photos de Banting, Best, Macleod et Collip, et était largement cité dans l’article du JAMC. L’article de Greenaway décrit l’histoire de la découverte du point de vue de Banting et souligne un moment particulier pour Banting et Best avant qu’ils aient procédé au premier essai sur l’homme. Malgré une couverture positive, l’article du Star n’a suscité qu’un léger regain d’attention au niveau local, et très peu d’attention en dehors de Toronto.

30 mars 1922 – Dr Clowes écrit une lettre à Macleod, où il réitère l’intérêt d’Eli Lilly à développer des méthodes pour produire l’extrait à plus grande échelle. Comme il le souligne, [TRADUCTION] « l’intérêt du public pour ces travaux sera évidemment très important et la demande pour le produit sera telle que certains individus sans scrupule n’hésiteront pas à profiter des malades; il importe donc de prendre des mesures pour fabriquer le produit conformément aux procédures recommandées par le Dr Collip et de contrôler les produits au moyen des tests que vous et vos associés jugerez nécessaires. »
Printemps 1922 – Le chimiste David A. Scott « Scotty » reçoit une lettre du directeur de Connaught, le Dr J.G. FitzGerald, l’invitant à joindre l’équipe des laboratoires Connaught qui se concentrent sur la restauration de la production d’extraits pancréatiques. Pour en savoir plus sur le Dr Scott, cliquez ici.
12 avril 1922 – Tel que décrit dans une lettre par Banting, Best, Collip, Macleod et J.G. FitzGerald, directeur de Connaught, au président de l’Université de Toronto, Robert Falconer, on aurait averti le groupe de Toronto « qu’il était imprudent de ne pas avoir de brevet pour protéger la méthode de préparation de cet extrait [d’insuline] ».

Il y a eu très peu de nouvelles concernant l’extrait pancréatique en avril, mai et juin. Les articles suivants ont été publiés dans des journaux en dehors de Toronto. Le premier était un court reportage le 12 juin dans un journal de Battle Creek, Michigan, faisant la promotion d’une visite prochaine de Banting, Best et Clarke Noble pour faire une présentation dans une clinique médicale locale. Le second a fait la une du Winnipeg Tribune du 21 juin. “Canadian Doctor Discovers Cure for Diabetes”, était le titre de la bannière, avec l’article soulignant le discours de Banting à la convention de l’Association médicale canadienne.
3 mai 1922 – Macleod a appelé l’extrait « insuline » pour la première fois au cours d’une présentation particulièrement bien réussie à Washington, D.C., lors d’une réunion de l’Association des médecins Américains.
10 mai 1922 – Best a été mis en charge de tous les aspects du développement, de la purification et de la production d’insuline à Connaught. Best bénéficiait du support total de FitzGerald et du directeur adjoint de Connaught, le Dr. Robert D. Defries. À peu près à cette époque, le groupe commença à appeler l’extrait « insuline », ce qui avait été suggéré par Macleod sur la base de la racine latine du mot « île ».
25 mai 1922 – À la suite des réunions tenues avec la délégation d’Elli Lilly, Macleod, FitzGerald, Banting et Best écrivent une lettre de suivi à Falconer recommandant officiellement que le conseil des gouverneurs accepte, au nom de l’Université de Toronto, les droits afférents au brevet pour les États-Unis, comme elle l’a fait pour le Canada. La demande de brevet américain a déjà été déposée, aux noms de Best et Collip, pour répondre à l’avertissement unanime selon lequel « si rien n’est fait, des brevets risquent d’être accordés à des entreprises commerciales intéressées à produire l’extrait à des fins lucratives ».
26 mai 1922 – Jim Havens, le fils de 22 ans du vice-président d’Eastman Kodak, reçoit la première dose d’insuline administrée aux États-Unis. Un appel de son médecin à Banting a incité Connaught à expédier un paquet d’insuline le 21 mai. Banting assure le suivi le 26 mai, en livrant personnellement plus d’insuline et en consultant le médecin de Haven. Pour en savoir plus sur Jim, cliquez ici ou ici.
30 mai 1922 – La collaboration entre le conseil des gouverneurs de l’U de T et Eli Lilly a été signée et officialisée par un « contrat bilatéral ». Il doit y avoir mise en commun des connaissances entre les groupes de Toronto et d’Indianapolis et une démarche de développement de l’insuline en plusieurs étapes reposant sur des tests cliniques à grande échelle réalisés à Toronto et aux États-Unis; Eli Lilly fournirait l’insuline gratuitement lors des étapes initiales et pourrait ensuite la vendre au prix coûtant. Le groupe Lilly accepte de ne pas divulguer les détails du processus de production, même si l’entente ne prévoit pas d’exigences particulières à cet égard pour l’équipe de Toronto. L’entreprise entend publier la méthode de Connaught afin de permettre à d’autres de fabriquer de l’insuline lorsque les droits exclusifs de Lilly seront expirés, mais également pour se protéger de toute accusation potentielle de secret injustifié. Pour en savoir plus sur l’histoire d’Eli Lilly et sur le rôle crucial qu’elle a joué dans le développement et la distribution de l’insuline, cliquez ici.

28 juin 1922 – Même si Eli Lilly commence le travail de développement sur la production d’insuline le 30 mai, l’entente conclue entre l’Université de Toronto et l’entreprise n’entre en vigueur que le 28 juin 1922. Cette entente ouvre la voie à un partenariat unique et exclusif d’un an axé sur le développement de méthodes de production d’insuline à grande échelle. Elle autorise également Eli Lilly à obtenir des brevets américains pour toute amélioration apportée au processus de fabrication, mais elle devra céder les droits afférents aux brevets partout ailleurs dans le monde à l’Université de Toronto.

9 juillet 1922 – Charlotte Clarke, âgée de 57 ans, souffrant de diabète avancé et d’une grave infection dans la jambe, qui commence à se gangrener est recommandée à Banting et est admise à l’hôpital général de Toronto, mais il n’y a pas d’insuline pour elle. Cependant, Banting croit possible de sauver Clarke, et peut-être d’autres diabétiques qui ont besoin d’une chirurgie vitale, pourvu qu’on lui administre de l’insuline. Comme l’alternative est une mort certaine, Banting juge le risque acceptable. Pour en savoir plus sur l’histoire de Mme Clarke, cliquez ici.

L’usine de production d’insuline d’Eli Lilly fonctionne à plein régime au cours de l’été 1922, avec plus de 100 employés répartis sur trois quarts de travail dont l’objectif consiste essentiellement à remédier aux difficultés d’une production à grande échelle. Même si la production augmente, comme chez Connaught, Lilly peine à trouver suffisamment de tissus pancréatiques pour répondre à la demande.
15 août 1922 – Elizabeth Hughes, une diabétique de 11 ans et fille d’un secrétaire d’État américain, est arrivée à Toronto avec sa mère et son infirmière. Ils ont rencontré Banting le lendemain, qui était surpris qu’Elizabeth soit encore en vie. Elle était extrêmement émaciée et pouvait à peine marcher en raison de sa faiblesse. Banting commença immédiatement le traitement à l’insuline et très rapidement le sucre fut éliminé de son urine. Banting a également commencé à augmenter son régime nutritionnel. En deux semaines, son état s’est stabilisé et elle consommait ce qu’une fille normale de son âge aurait mangé. Pour en savoir plus sur Elizabeth, cliquez ici ou ici.

Octobre 1922 – Elsie Needham, 11 ans, de Galt (Ontario), est la première personne à voir sa « résurrection » presque littérale d’un diabétique après l’administration d’insuline – une résurrection de ce qui aurait été autrement un coma diabétique mortel. Elsie avait été diagnostiquée diabétique pendant six mois lorsqu’elle est tombée dans un coma. Alors que son médecin de famille avait peu d’espoir de la voir guérir, les parents d’Elsie l’ont emmenée à l’hôpital pour enfants malades, où elle a été examinée par le Dr Gladys Boyd, responsable du service d’endocrinologie de l’hôpital. Le Dr Boyd a consulté Banting et ensemble, ils ont donné de l’insuline à Elsie. Banting est resté avec Elsie 24 heures sur 24 pour surveiller de près ses symptômes, car le coma persistait. Comme Banting l’écrira plus tard, « j’ai vécu à l’hôpital jour et nuit pendant trois jours et toutes les quelques heures pendant une semaine ». Après un second traitement, au cours duquel elle a fait de la fièvre, des délires et de nombreuses fluctuations de son état, Elsie a finalement repris conscience. Pour en savoir plus sur le Dr Boyd, cliquez ici et pour en savoir plus sur Elsie, cliquez ici ou ici.
1 octobre 1922 – La nouvelle usine de production d’insuline à grande échelle de Lilly est en service et fait appel au processus de purification et de précipitation au point isoélectrique. Rapidement, on obtient un excédent d’insuline, ce qui donne lieu à des échanges entre Clowes et le comité de l’insuline de l’U de T sur la meilleure façon d’utiliser ces doses. Pour en savoir plus sur le deuxième volet de la fabrication de l’insuline, cliquez ici.
Automne 1922 – Le professeur August Krogh, l’un des scientifiques biomédicaux les plus connus au monde et lauréat du prix Nobel de physiologie et de médecine pour ses travaux sur les capillaires et leur rôle dans la régulation du flux sanguin pendant l’exercice, et son épouse, Marie Krogh, scientifique à part entière et diabétique depuis peu, apprennent de la découverte, le développement et la purification de l’insuline à Toronto. Les Kroghs, qui vivaient au Danemark, étaient tellement intrigués par l’efficacité clinique spectaculaire de l’insuline qu’ils ont commencé à correspondre au sein de leur cercle, ce qui a finalement débouché sur une collaboration entre Novo Nordisk et le comité de l’insuline de l’université de Toronto. Pour en savoir plus sur l’histoire de Novo Nordisk et sur la façon dont cette entreprise en est venue à produire et à distribuer de l’insuline, cliquez ici.

L’attention accrue de la presse américaine et européenne a donné lieu à un article du Toronto Star le 14 octobre, probablement par Greenaway, qui se concentrait sur la couverture médiatique intensifiée, dont une grande partie avait souligné que l’insuline était un « certain remède ». Mais, comme l’article l’a également fait remarquer, « [TRADUCTION] Alors que l’Université de Toronto reste officiellement silencieuse, des rapports déformés dans certains journaux des États-Unis donnent de fausses impressions quant à l’endroit où le mérite en revient ».

20 octobre 1922 – Le comité de l’insuline de l’Université de Toronto joue un rôle plus direct dans le contrôle de l’histoire de l’insuline dans la presse, en commençant par une déclaration officielle détaillant la demande officielle de brevets de l’université.

7 décembre 1922 – L’attention de la presse s’est détournée de la question des brevets pour se tourner vers des récits dramatiques sur la façon dont l’insuline a permis de faire revivre des patients dans des comas diabétiques. Deux cas presque simultanés sont publiés par le Toronto Star, dans lesquels des injections d’insuline ont fait revivre des diabétiques aux « portes de la mort » à Edmonton et à New York. À Edmonton, l’insuline de Collip a fait revivre une fille de huit ans, tandis qu’un garçon de 16 ans de New York est sorti d’un coma après avoir été traité. Pour en savoir plus sur ces jeunes enfants qui ont été « ressuscités », cliquez ici ou ici.
18 décembre 1922 – Banting ce dernier accepte à contrecœur d’ajouter son nom à une demande de brevet plus générale, mettant davantage l’accent sur les effets de l’extrait pancréatique de Toronto dans le traitement du diabète, sur les plans physiologiques et cliniques, plutôt que sur sa méthode de production. Pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles Banting ne voulait pas initialement que son nom figure sur le brevet, cliquez ici.
Janvier 1923 – Banting, W.R. Campbell et A.A. Fletcher rapportent dans un article du British Medical Journal qu’à la fin décembre 1922, 50 cas de diabète ont été traités avec succès à l’insuline au TGH, et dix patients sont ressuscités d’un coma complet.
Juillet 1924 – Le professeur August Krogh et Hans Christian Hagedorn fondent le Nordisk Insulin Laboratory, à titre d’institution indépendante par charte royale, et dont Hagedorn est nommé directeur. La production d’insuline a le vent dans les voiles au Danemark. De tous les laboratoires dans le monde, Nordisk est le seul, à l’exception des laboratoires Connaught à Toronto, à vendre son insuline à un aussi bon prix. Les profits découlant des ventes de Nordisk sont réinvestis dans la Nordisk Insulin Foundation, établie en décembre 1926, pour financer des études cliniques et scientifiques en physiologie, en endocrinologie et sur le métabolisme (August Krogh en est le premier président). L’avance de Nordisk en ce qui a trait à la production et la distribution d’insuline lui permet de bien s’établir partout en Scandinavie, avant même que Novo puisse lancer ses opérations. Pour en savoir plus sur l’histoire de Novo Nordisk et son rôle dans le développement de l’insuline, cliquez içi.

Hans Christian Hagedorn. Novo Nordisk.

Schack August Steenberg Krogh. The Nobel Prize.