La réussite a plusieurs parents : le role de J.B. Collip dans la découverte de l’insuline
Par Alison Li
Alison Li est une historienne des sciences et de la médecine. Établie à Toronto, elle est l’auteure de J.B. Collip and the Development of Medical Research in Canada (McGill-Queen’s University Press, 2003). Elle travaille actuellement à l’écriture de Wondrous Transformations: A Maverick Physician, the Science of Hormones, and the Birth of the Transgender Revolution, qui sera publié chez University of North Carolina Press.

Prologue par John Lorinc
Comment circonscrire le moment de découverte, le catalyseur qui change le cours de l’histoire? En sciences, celui-ci est presque impossible à définir clairement : les connaissances, les observations et l’expérience s’accumulent et alimentent le feu intellectuel dont jaillira l’étincelle de l’invention. L’histoire scientifique regorge d’histoires individuelles de personnes innovantes qui ont vu leurs travaux leur être proprement attribués : Albert Einstein et la théorie de la relativité, Ada Lovelace et le premier ordinateur, etc.
Dès les débuts de l’histoire de la découverte de l’insuline, le conflit entourant l’attribution a alimenté le récit qui en était fait dans la presse, puis se sont ajoutés la controverse du prix Nobel et les efforts de relations publiques de l’Université de Toronto.
Dans The Discovery of Insulin, l’historien Michael Bliss a cherché à démêler toute l’histoire puis à la rapiécer. Il a donc cherché à comprendre comment deux des quatre chercheurs impliqués dans la découverte de l’insuline, Frederick Banting et Charles Best, ont intégré si aisément la trame narrative alors que les deux autres, J. J. R. Macleod et J. B. Collip, ont pratiquement sombré dans l’oubli, malgré leur brillante carrière scientifique et universitaire.
À peu près la même question peut se poser par rapport à la science même : quel est le moment précis, dans la longue série d’expériences qui ont été menées, où l’insuline se matérialise? Dans la sphère de la théorie de l’innovation, des étapes précises dans une série d’avancées (p. ex., dans l’ingénierie, dans la forme) s’avèrent être les catalyseurs. Un bon exemple est celui de Steve Jobs, qui a complètement réorienté l’informatique mobile lorsqu’il a transformé les lecteurs MP3 en iPod.
Dans l’article qui suit, l’historienne Alison Li, biographe de J. B. Collip, suggère que le catalyseur ne se situe pas là où Banting expérimente, tard le soir, avec des ligatures des canaux pancréatiques, ou à la première expérience réussie, sur le chien 92, mais plutôt au moment où Collip, dans son laboratoire, concocte la formule chimique idéale permettant l’isolement et le dépôt de l’insuline dans une éprouvette.
Le récit offert par Li va à l’encontre de l’histoire connue – et hautement mythologisée – de la découverte de l’insuline. Mais sa contribution est importante, parce que ce chapitre nous rappelle que dans la découverte de l’insuline, comme dans de nombreuses autres grandes réalisations, le succès ne s’atteint pas seul; il est la somme des efforts de chacun.
Le moment où les chercheurs torontois ont découvert l’insuline, au sens propre, serait tard en soirée le 19 janvier 1922, quand le biochimiste J. B. Collip observe une substance blanche, pour ainsi dire pure, s’isoler de la solution. Comme l’a décrit un collègue plusieurs années plus tard : « C’est à ce moment que Collip a vraiment vu l’insuline[1]. »
Lorsque Frederick Banting commence ses travaux en mai 1921, il n’est pas le premier à tenter d’atteindre son objectif. Avant lui, environ 400 chercheurs ont, au fil des décennies, entrepris d’extraire un composé antidiabétique du pancréas, et plusieurs d’entre eux ont presque réussi. Des substances préparées avaient pu réduire le taux de sucre dans le sang et l’urine d’animaux de laboratoire et soulager les symptômes du diabète, mais aucune n’était assez pure pour être administrée à des humains. Les essais de telles substances sur des humains avaient causé de douloureuses infections et des abcès aux sites d’injection, rendant impossible la poursuite du traitement.
L’été et l’automne 1921 passent, et Frederick Banting et Charles Best, un étudiant que Banting emploie comme assistant, n’ont toujours pas fait de percée. Le moment déterminant, celui où l’équipe torontoise surpasse les résultats de ses prédécesseurs – George Zuelzer, E. L. Scott, Nicolas Paulescu, John Murlin et Israel Kleiner –, vient en ce soir de janvier, quand Collip réussit à produire une substance plus pure que les précédentes. Même s’il ne s’agit pas encore d’insuline purifiée, elle fonctionne et est suffisamment propre pour être administrée à un patient humain. Quelques jours plus tard, le matin du 23 janvier 1922, le Dr Walter Campbell donne la première des doses préparées à Leonard Thompson, un garçon de 13 ans atteint du diabète[2]. Les résultats sont sans équivoque : la glycémie du garçon a considérablement baissé, et il n’y a plus aucune trace de sucre ou de cétones dans son urine. Le retour de sa glycémie dans les cibles normales et l’absence de sucre ou de cétones (résultant de la décomposition du gras) dans l’urine montrent que son corps métabolise maintenant le sucre. Leonard, garçon affaibli, amaigri à 30 kg (66 lb) et se trouvant à deux doigts de la mort, reprend des couleurs et des forces, et retrouve de l’énergie. Sa transformation donne le premier signe tangible que cet extrait pancréatique peut constituer un traitement efficace contre le diabète[3].
L’histoire associera la découverte de l’insuline aux noms de Banting et de Best. De fait, Frederick Banting et J. J. R. Macleod, professeur de physiologie à l’Université de Toronto, se sont vu remettre le prix Nobel, en 1923, pour la découverte de l’insuline. Étrangement peut-être, Banting ne tarde pas à annoncer qu’il va partager la somme remise avec Best, et Macleod, quant à lui, s’engage à la partager avec Collip.
Qui était Collip? Pourquoi Macleod a-t-il tenu à partager son prix avec lui? Quel rôle a-t-il joué dans la découverte? Il convient de se demander pourquoi son nom n’est pas plus connu.

James Bertram Collip voit le jour à Belleville, en Ontario, le 20 novembre 1892. Son père, James Dennis Collip, était fleuriste et sa mère, Mahala Frances Vance, enseignante. Dans sa vie professionnelle, il utilisera ses initiales (J. B.) plutôt que son prénom (James), mais dans sa vie privée, on l’appelle Bert. Il fréquente une petite école de campagne et vend les choux de l’exploitation maraîchère familiale. À l’âge de 15 ans, il entre au Trinity College de l’Université de Toronto dans le but d’étudier la médecine. Trop jeune pour être admis à la faculté de médecine, il se tourne vers le programme spécialisé de physiologie et biochimie, dans lequel il s’illustre brillamment, reçoit une formation rigoureuse en sciences biomédicales et acquiert un intérêt pour la recherche originale.
En 1912, baccalauréat ès arts en poches, il décide d’entrer à la maîtrise en biochimie au laboratoire d’Archibald Byron Macallum, figure éminente de la biochimie. Il décroche sa maîtrise l’année suivante, et son doctorat en 1916, avec ses travaux de recherche sur la formation d’acide chlorhydrique dans l’estomac des vertébrés. Cet adepte de la quiétude de la nuit pour mener ses travaux a acquis cette habitude alors qu’il s’affairait de longues heures au laboratoire pour faire bonne impression à Macallum.
À St. Hilda’s, établissement homologue à Trinity, Collip fait la connaissance de la vibrante Ray Vivian Ralph, une étudiante en arts qu’il épouse en 1915. Le couple devient inséparable, Ray tâchant même de garder sa valise prête en tout temps pour les excursions improvisées que son mari affectionne. Ray et James ont trois enfants : Margaret, Barbara et John.
La même année, Collip accepte un poste de chargé de cours en biochimie au département de physiologie de l’Université de l’Alberta. Pendant la Première Guerre mondiale, il continue d’enseigner et poursuit ses recherches, malgré le manque de temps et de ressources. L’été, il visite avec sa famille la Station biologique du Pacifique, à Nanaimo, où il étudie la pigmentation du saumon et la luminescence du ver marin. Collip étudie ensuite les effets de la respiration rapide sur la concentration de dioxyde de carbone dans le sang avec ses étudiants en médecine.
Après la guerre, Collip se voit remettre une bourse de recherche Rockefeller Travelling Fellowship, et prévoit passer son année sabbatique à Toronto, à New York et en Angleterre en compagnie de sa famille. C’est en avril 1921 qu’il met ses plans à exécution et se rend à l’Université de Toronto, où il travaille avec Macleod, expert de renom dans l’étude du métabolisme des glucides. Un mois plus tard, il assiste à une réunion avec Macleod et Banting, qui comptent consacrer les prochains mois à la préparation d’un extrait pancréatique pour traiter les patients diabétiques. Collip offre son aide, et laisse aux deux chercheurs les coordonnées pour le joindre pendant qu’il visite avec sa famille le laboratoire de biologie marine à Woods Hole, au Massachusetts, et la Station biologique de St. Andrews, au Nouveau-Brunswick. La famille regagne Toronto à l’automne.
Collip est un biochimiste de grand talent, reconnu pour son énergie et son flair dans l’élaboration d’extraits. En même temps qu’il mène ses propres travaux, il continue de suivre les progrès de Banting et de Best, qui travaillent sous la supervision de Macleod. Il leur offre de nouveau son aide, et leur fait même possiblement part d’une nouvelle technique d’analyse de la glycémie qu’il avait observée à Woods Hole . Banting veut que Collip se joigne à l’équipe, mais Macleod trouve que les travaux ne sont pas assez avancés pour agrandir l’équipe.
Ce dernier change d’avis en décembre, après que Banting et Best eurent mené des expériences prouvant que des extraits pancréatiques d’origine animale pouvaient réduire les taux de sucre dans le sang et l’urine de chiens artificiellement diabétiques. Le 12 décembre 1921, Collip attaque déjà le problème de front. Après que le nouveau membre de l’équipe eut commis un faux pas homonymique en commandant à l’abattoir municipal des sweetbreads (terme culinaire désignant à la fois le ris et le tissu pancréatique, en anglais) et qu’il eut reçu une livraison (erronée) de ris, Banting se plaît à ressasser l’épisode embarrassant, au grand dam de Collip. Plus sérieusement, Collip mène une série d’expériences et établit des méthodes d’analyse qui lui permettent de faire progresser rapidement et systématiquement le processus de purification.
Il détermine d’abord que l’efficacité de l’extrait peut être testée sur des lapins, même s’ils ne sont pas diabétiques. Banting et Best avaient précédemment testé l’extrait sur quelques chiens rendus diabétiques par l’ablation du pancréas, un processus qui demande beaucoup de temps, d’efforts et d’argent. Les lapins communs représentent une solution beaucoup plus rapide et économique.
Ensuite, grâce à la nouvelle méthode d’analyse de la glycémie amenée par Collip, l’équipe peut mesurer rapidement l’efficacité de chaque injection, cette méthode exigeant une quantité de sang bien moindre que celles utilisées par les chercheurs précédents. Collip peut en effet prélever plusieurs petits échantillons sur l’oreille du lapin, sans porter préjudice à l’animal, pour tester rapidement plusieurs itérations de l’extrait et voir s’ils contiennent l’agent qui pourrait être utilisé dans un traitement contre le diabète.
À l’aide de ces méthodes, les travaux avancent rondement. Banting et Best insistent bientôt pour commencer des essais cliniques avec l’extrait préparé. Le 11 janvier 1922, la préparation est administrée à Leonard Thompson au Toronto General Hospital. À l’exception d’une légère baisse de glycémie, l’injection ne semble pas avoir d’effet sur les indicateurs de diabète tels que les cétones dans l’urine. Par ailleurs, un abcès se forme au site d’injection, ce qui indique que l’extrait n’est pas propre à l’utilisation chez les humains.
Huit jours plus tard, Collip travaille tard au laboratoire et essaie différentes techniques d’isolement de protéines pour isoler l’insuline, ce qu’il réussit à faire en augmentant graduellement la concentration d’alcool de la solution dans laquelle le tissu pancréatique avait été dissous.
À une teneur d’environ 80 % d’alcool éthylique, la majorité des impuretés s’isolent de la solution et peuvent en être retirées. Lorsque Collip fait un essai à 95 %, une substance blanche émerge de la solution. Il écrit : [traduction] « Le problème semblait presque impossible à résoudre. Vous pouvez imaginer mon euphorie quand j’ai trouvé, autour de minuit… une façon de libérer la substance active de toutes les impuretés qui en paraissaient indélogeables[4]. » En quelques semaines à peine, Collip avait réussi là où les autres chercheurs avaient échoué[5].
Dans les jours qui suivent, Collip teste la pureté de la substance sur des lapins. Puis, à 10 h, le lundi 23 janvier 1922, cette nouvelle itération est administrée à Leonard Thompson. Les résultats manifestement excellents de ce deuxième essai clinique constituent une première confirmation irréfutable que l’extrait pancréatique peut être utilisé dans le traitement du diabète humain.
Au cours de ce mois de travaux intense, Collip fait plusieurs observations d’ordre physiologique qui s’avéreront déterminantes dans le succès de l’équipe. C’est lui qui note pour la première fois l’hypoglycémie aiguë (baisse excessive et dangereuse du taux de sucre) causée par l’administration d’une dose trop élevée d’insuline. Cette découverte permet à Collip de faire connaître rapidement à la communauté médicale, dans les premiers articles publiés par l’équipe, les dangers associés à une surdose d’insuline. Il constate ensuite que le sucre dans le sang est converti en glycogène dans le foie, et que les cétones dans le sang et l’urine s’éliminent grâce à l’administration de l’extrait.
Ces informations sont d’une importance cruciale. Banting et Best avaient, au mieux, démontré que leur extrait réduisait le taux de sucre dans le sang et l’urine, mais d’autres chercheurs étaient arrivés à la même conclusion avant eux sans toutefois produire de résultats probants. Les expériences menées par Collip établissent clairement que l’extrait pancréatique remplit des fonctions métaboliques qui ne s’exécutent pas chez le patient diabétique, ce qui achève de convaincre la communauté scientifique que l’insuline est bel et bien une hormone du pancréas et qu’elle est nécessaire pour traiter les personnes diabétiques.
Collip décrit ainsi cette période fascinante de sa vie : [traduction] « Je n’avais jamais rien vécu d’aussi satisfaisant. Je veux dire, aller d’un point à l’autre, guidé par la logique, en terrain complètement inconnu, pour ériger au fur et à mesure une structure en tous points solide[6]. »
À l’inverse, la relation entre Collip et Banting est de plus en plus tendue. Ce dernier craint de se faire dérober le mérite par Macleod et Collip. Lorsque Collip annonce à Banting et à Best que Macleod lui a demandé de ne pas révéler sa méthode d’extraction avant qu’elle ne soit entièrement testée, une dispute éclate entre les deux hommes[7]. Dans les jours qui suivent, la frustration monte au sein de l’équipe. Loin d’améliorer la situation, Collip se voit pendant quelques mois angoissants incapable de produire l’extrait. Il n’avait peut-être pas ses notes détaillées, mais la raison la plus probable est le changement de pression d’eau dans les pompes à vide du laboratoire. En mai, les efforts conjoints de toute l’équipe portent leurs fruits : le problème est résolu.
En 1922, les bureaux des brevets canadien, américain et britannique délivrent un brevet d’exploitation de l’insuline aux noms de Banting, Best et Collip, qui le cèdent sans tarder au conseil d’administration de l’Université de Toronto afin d’éviter que des fabricants tentent d’obtenir leur propre brevet. C’est le conseil qui encadre l’octroi des licences de fabrication. La moitié des redevances est remise au fonds de recherche de l’Université, et Banting, Best et Collip se partagent l’autre moitié, qu’ils utilisent pour financer leurs travaux scientifiques. À une époque où le milieu scientifique n’est pas systématiquement subventionné par le gouvernement, ces fonds donnent à Collip l’accès à ce qui se trouve alors à être le plus grand financement de la recherche médicale au Canada.
Au fil des années, Banting et Best, soutenus par leurs fidèles alliés, ont exagéré le rôle qu’ils ont joué dans la découverte de l’insuline – et, par le fait même, minimisé les contributions de Macleod et de Collip. À l’Université de Toronto, des départements, des chaires et des bâtiments ont été nommés en l’honneur de Banting et de Best. À chaque célébration marquant l’anniversaire de la découverte, les noms de Banting et de Best sont mis au premier plan, alors que ceux de Macleod et de Collip sont à peine prononcés. Il a fallu attendre en 1990 pour que l’Université de Toronto nomme le plus grand auditorium de sa faculté de médecine en l’honneur de Macleod, l’un de ses deux premiers lauréats du prix Nobel[8].
Son année sabbatique terminée, Collip retourne à l’Université de l’Alberta, où il occupe un nouveau poste, à la tête du département de biochimie[9]. En 1928, il accepte une nomination au département de biochimie de l’Université McGill, où il dirige une équipe de recherche prometteuse. Après la découverte de l’insuline, ses travaux portent exclusivement sur les hormones. Il connaîtra une carrière fructueuse comme scientifique de renom en endocrinologie dans les années 1920 et 1930. Prolifique et visionnaire, Collip parlait, bougeait et se décidait rapidement. On lui attribue l’isolement de l’hormone parathyroïde, la préparation d’un extrait d’hormone adrénocorticotrope (ACTH) et l’identification de plusieurs hormones sécrétées par l’hypophyse antérieure. Il a collaboré avec le fabricant pharmaceutique montréalais Ayerst, McKenna, and Harrison dans les travaux sur les hormones placentaires qui ont débouché sur le développement du Premarin, qui est utilisé dans le traitement hormonal substitutif. À la fin du 20e siècle, le Premarin figurait parmi les produits pharmaceutiques les plus vendus au monde.
En 1948, Collip est nommé doyen de la faculté de médecine de l’Université Western Ontario, qu’il aura le plaisir de façonner et de propulser pendant 14 années, à une époque où elle connaît un essor fulgurant. Sur la scène canadienne, il contribue à la mise en place et à l’organisation d’un système fédéral de financement de la recherche médicale. Au terme de sa carrière, il aura reçu une multitude de distinctions et de prix, et il aura été reconnu pour le rôle d’envergure qu’il aura joué dans le développement de la recherche médicale au Canada. Collip a été un pionnier de la transformation de la médecine, contribuant à la faire passer d’une discipline peu accessible à une grande entreprise systémique au sein de laquelle évoluent des équipes de spécialistes dans plusieurs dizaines de laboratoires universitaires, gouvernementaux et industriels. Il est décédé d’un accident vasculaire cérébral le 19 juin 1965, à l’âge de 72 ans.
Discret et modeste, Collip n’aimait pas le conflit entourant la découverte de l’insuline. Plusieurs années plus tard, Banting et Collip se lient d’amitié, et Banting dit que la contribution de Collip à la découverte avait été beaucoup plus importante que celle de Best[10]. En février 1941, les deux hommes passent une soirée ensemble, et avant que Banting ne quitte pour attraper son vol vers la Grande-Bretagne pour une mission militaire, Collip lui fait cadeau de ses gants en peau de mouton. Banting ne se rendra jamais à destination : il meurt lorsque son avion s’écrase à Terre-Neuve[11]. Ces dernières années, les historiens ont reconnu le rôle majeur de Collip dans la découverte de l’insuline et établi qu’il aurait probablement dû recevoir le prix Nobel avec Banting et Macleod[12]. Collip, pour sa part, refusait généralement de parler de cet épisode, se contentant de dire : [traduction] « J’ai plutôt bien réussi, au fil des années, à éviter les confrontations et les discussions animées avec mes anciens collègues… et je ne vois pas pourquoi on voudrait me mêler à ça maintenant… Bien franchement, je suis heureux de laisser le soin aux publications de l’équipe qui a participé aux travaux… en 1921-1922, de raconter l’histoire de l’insuline[13]. »
[1] R. F. Farquharson, professeur de médecine à l’Université de Toronto, citait selon ses souvenirs les propos du Dr Walter Campbell. J.B. Collip Papers, Faculté de médecine, Université Western Ontario, transcription des propos de Farquharson au gala du CNRC à Ottawa, le 14 novembre 1957. Cité dans Bliss, M. (1982). The Discovery of Insulin. University of Toronto Press.
[2] Leonard Thompson (17 juillet 1908 – 20 avril 1935) avait 13 ans lorsqu’il a reçu cette première injection, mais son âge est souvent (erronément) établi à 14 ans.
[3] Bliss, M. (1982). The Discovery of Insulin. University of Toronto Press. Ce livre de Michael Bliss est l’ultime témoignage de l’histoire de la découverte de l’insuline. Voir également son texte « J.B. Collip: A Forgotten Member of the Insulin Team », dans le recueil Essays in the History of Canadian Medicine, dirigé par Wendy Mitchenson et Janice Dickin McGinnis et publié chez McClelland and Stewart en 1988.
[4] H.M. Tory Papers. J. B. Collip à H. M. Tory, 25 janvier 1922. Archives de l’Université de l’Alberta.
[5] Pratt, J. H. (1954). A Reappraisal of Researches Leading to the Discovery of Insulin. Journal of the History of Medicine and Allied Sciences, 9(3), 281-289.
[6] H.M. Tory Papers. J. B. Collip à H. M. Tory, 8 janvier 1922. Archives de l’Université de l’Alberta.
[7] Bliss, M. (1982). The Discovery of Insulin. University of Toronto Press. Ces anecdotes proviennent des versions écrites par Banting en 1940 et Best en 1954 et pourraient donc ne pas être absolument fiables.
[8] Bliss, M. (2013). The Eclipse and Rehabilitation of JJR Macleod, Scotland’s Insulin Laureate. Journal of the Royal College of Edinburgh, 43(4), 366-373.
[9] Lorsque Collip participe aux travaux sur l’insuline, le département de physiologie devient le département de physiologie et biochimie. En 1922, le département est divisé en deux sections.
[10] Bliss, M. (2013). The Eclipse and Rehabilitation of JJR Macleod, Scotland’s Insulin Laureate. Journal of the Royal College of Edinburgh, 43(4), 369.
[11] Bliss, M. (1984). Banting: A Biography. McClelland and Stewart.
[12] Préface à l’édition 25e anniversaire de The Discovery of Insulin, de Michael Bliss (2007). Pour en savoir plus sur J. B. Collip, voir Li, A. (2003). J.B. Collip and the Development of Medical Research in Canada. McGill-Queens University Press.
[13] Bliss, M. (1982). The Discovery of Insulin. University of Toronto Press; J.B. Collip Papers. J. B. Collip à John F. Fulton, 4 mars 1957, Université Western Ontario.