Recherche sur l’insuline et legs en matière d’innovation : Bâtir une institution
Par Christopher J. Rutty, Ph.D
Historien principal, Moments déterminants Canada, « Insuline 100 »
La découverte de l’insuline s’est révélée un événement transformateur à de nombreux égards et a eu une incidence sur la vie de millions de diabétiques dans le monde. Au Canada, plus qu’ailleurs, cette découverte a transformé notre société de par l’influence qu’elle a exercée sur la création de nouvelles institutions et infrastructures de recherche médicale; sur le lancement rapide d’activités de recherche, l’injection de fonds publics et privés et l’innovation; et sur les réalisations dans le domaine de la biotechnologie qui font appel à l’insuline et qui servent maintenant au développement et à la production de nouveaux produits médicaux.
Les graines de cette croissance à venir avaient déjà été plantées, particulièrement à l’Université de Toronto, avant que le Dr Frederick Banting ne présente sa nouvelle idée à Toronto, en novembre 1920. Le professeur de physiologie, J.J.R. Macleod, était au fait de ces premiers balbutiements scientifiques qui se déployaient essentiellement dans le bâtiment de la faculté de médecine, conçu pour la recherche scientifique. Certains projets furent suspendus, pendant et peu après la Première Guerre mondiale, alors que d’autres, comme le travail en médecine, en santé publique et en biotechnologie des laboratoires d’antitoxines Connaught de l’Université, réalisés dans le sous-sol du bâtiment de la faculté de médecine, commençaient à prendre forme. La croissance de Connaught depuis sa fondation, en mai 1914, et son développement pendant la Première Guerre mondiale, ont été alimentés par les services publics que les laboratoires rendaient aux gouvernements provinciaux, ainsi qu’aux armées canadiennes et britanniques, afin de lutter contre de graves enjeux de santé publique, notamment la diphtérie, la rage, la variole et le tétanos.
Même si les opérations des laboratoires étaient assez modestes avant la découverte de l’insuline, Connaught jouissait d’une source de financement stable et prévisible, dont une partie était investie dans le Fonds de recherche des laboratoires Connaught, d’une valeur de plus de 110 000 $ à la fin de 1921. Vers la fin de janvier 1922, 5 000 $ de ce fonds[i], ainsi que les laboratoires du bâtiment de la faculté de médecine, sont mis à la disposition de Banting, Best, Collip et Macleod pour développer des méthodes permettant de produire l’extrait pancréatique que l’on appellera bientôt « l’insuline ».
Plus largement, le brevet original de l’insuline, détenu par l’Université de Toronto au nom de Banting, Best et Collip, nourrit le développement d’une infrastructure de recherche médicale au Canada et le financement de la recherche et des découvertes en laboratoire. Les brevets et l’octroi de licences pour l’insuline sont gérés au Canada et aux É.-U. par le comité de l’insuline de l’Université de Toronto. Les redevances découlant du brevet assurent un financement prévisible et croissant qui favorise la recherche médicale au Canada des années 1920 jusqu’aux années 1960. À cela s’ajoutent d’autres brevets en lien avec l’insuline, détenus et administrés par l’Université de Toronto, au nom des scientifiques œuvrant chez Eli Lilly et Connaught. De 1923 à 1967, les redevances générées par les ventes d’insuline ont atteint 8 millions de dollars, tel que rapporté par le comité de l’insuline à l’époque. Dans les années 1930, les redevances atteignaient plus de 180 000 $ par année, une somme qui n’était pas négligeable à l’époque de la Dépression[ii].
Les redevances générées par les brevets étaient payées par des producteurs autorisés par le comité de l’insuline, surtout des entreprises américaines, à un taux fixé à 5 % du prix de vente au détail. Le paiement de redevances sur l’insuline est cependant un sujet de discorde pour certains, mais il s’avère une source de financement fiable et raisonnable pour la recherche médicale canadienne. Banting et Macleod font partie de ceux que le paiement de ces redevances préoccupe. On observe également une certaine résistance en Grande-Bretagne et en Europe à l’idée d’un brevet et de payer des redevances à l’Université de Toronto. Rapidement, le comité de l’insuline cesse de percevoir des redevances auprès des producteurs d’insuline hors d’Amérique du Nord. Le paiement de redevances avait principalement pour but de financer les tests d’échantillons d’insuline en laboratoire fournis par les producteurs, et de couvrir les frais juridiques et administratifs du comité de l’insuline. Cependant, ces frais ne furent jamais très élevés, sauf au début, et le comité n’a jamais eu à défendre ses brevets devant les tribunaux.
Tous les surplus ainsi perçus étaient versés dans un fonds en fiducie du comité de l’insuline. La moitié des sommes était allouée à la recherche générale du département de recherche médicale de Banting et Best, à l’Université de Toronto. L’autre moitié visait à garantir les travaux de recherche médicale de Banting et Best, ainsi que la recherche de Collip à l’Université de l’Alberta (1923-1927), à l’Université McGill à Montréal (1928-1947) et à l’Université Western Ontario à London (1947-1961). En 1925, la part des redevances de Collip totalisait 8 000 $, et s’élevait à 13 648 $ en 1927. De 1930 à 1935, sa part oscillait entre 20 000 $ et 30 000 $ par année[iii]. En fait, la part des redevances de Collip a joué un rôle clé dans la création de l’institution de recherche en endocrinologie de l’Université McGill en 1941. Avant le début de la Seconde Guerre mondiale, comme Michael Bliss l’a évoqué dans The Discovery of Insulin, Banting, Best et Collip se partageaient ce qui était vraisemblablement le plus grand fonds de capital canadien consacré à la recherche médicale.
La volonté politique et publique de rendre honneur à Banting personnellement et de lui assurer un financement pour poursuivre ses recherches a également été cruciale dans l’établissement d’un institut de recherche médicale canadien. La première manifestation de cette volonté vient du gouvernement de l’Ontario qui, le 4 mai 1923, a adopté la « loi sur la recherche médicale Banting et Best », accompagnée d’une subvention provinciale annuelle de 10 000 $ à l’Université de Toronto pour promouvoir la recherche[iv]. La subvention a permis de fonder la chaire de recherche médicale Banting et Best, une chaire spéciale sans enseignement octroyée à Banting. Cette subvention payait le salaire de Banting, finançait ses frais de recherche et prévoyait également des fonds pour les recherches de Best. Toutefois, cette chaire ne relevait pas d’une faculté particulière de l’université. Le gouvernement provincial avait également prévu un paiement spécial de 10 000 $, à verser aux découvreurs de l’insuline, afin de les rembourser pour les travaux menés pendant la période menant à la découverte de l’extrait. Du point de vue de la province, ce paiement n’était destiné qu’à Banting, mais ce dernier s’empressa de remettre 2 500 $ à Best.
Un peu plus d’un mois suivant l’adoption de la loi, le 27 juin, le gouvernement fédéral approuve une rente de 7 500 $ par année à Banting, une somme qui devrait lui permettre de consacrer le reste de sa vie à la recherche médicale[v]. Malgré les objections de certains, y compris du Dr J.G. FitzGerald, directeur des laboratoires Connaught, Best en est exclu puisqu’une rente fédérale ne peut être versée qu’à une seule personne. Cependant, le 26 octobre 1923, le lendemain de l’annonce du Prix Nobel en physiologie et en médecine, accordé à Macleod et Banting, ce dernier s’engage à partager sa part du prix avec Best, ce qui leur permet à chacun de toucher la somme de 10 000 $. Peu après, Macleod partagera sa moitié du prix avec Collip, et les deux toucheront également la somme de 10 000 $ chacun.
Pour Banting, les honneurs et l’argent le gênent et deviennent un fardeau. Il se considère davantage comme un médecin et chirurgien que comme un chercheur. Il juge que Best ou Collip sont plus aptes à faire la prochaine grande découverte. En effet, le premier réflexe de Banting après avoir obtenu le Prix Nobel est de consacrer son prix au soutien de la recherche médicale effectuée par d’autres chercheurs qui n’ont pas les moyens de financer leurs expériences prometteuses. Ainsi, le 1er novembre 1923, Banting annonce que sa part du Prix Nobel, soit 10 000 $, servirait à lancer la « Fondation de recherche médicale Banting ». Au début de mars 1924, cette initiative est officialisée et devient la « Fondation de recherche Banting ». Les activités initiales de collecte de fonds et d’organisation se poursuivent, jusqu’au lancement d’une grande initiative publique, en juin 1925, visant à constituer un fonds de dotation de 500 000 $. En 1931, la somme atteint 600 000 $ et permet d’investir 30 000 $ par année dans des projets de recherche[vi]. Même si la Fondation de recherche Banting est un organisme distinct de l’Université de Toronto, le conseil des gouverneurs agit comme fiduciaire et remet l’argent à la Fondation, qui le distribue entre les candidats. Cependant, une partie est réservée au financement de la chaire de recherche médicale Banting et Best. La seule autre organisation similaire au Canada est le conseil de recherche du Canada (plus tard appelé le Conseil national de recherches du Canada), qui à l’origine s’intéressait davantage à la recherche industrielle que médicale. En 2021, la Fondation de recherche Banting bénéficie d’un fonds de dotation de plus de 4 millions de dollars.
Le Dr J.G. FitzGerald, directeur des laboratoires Connaught, joue un rôle important aux premières heures de la Fondation de recherche Banting. En 1924, le fonds de recherche des laboratoires Connaught finance en partie l’organisation initiale de la Fondation pour la recherche Banting. FitzGerald espère également que la découverte de l’insuline entraîne des investissements dans l’infrastructure de l’Université de Toronto, pour favoriser une production d’insuline accrue chez Connaught, mais également pour consolider l’enseignement en santé publique prodigué à l’université et sa mission de recherche. En effet, en 1923, FitzGerald veut atteindre ces deux objectifs dans un nouveau bâtiment qui comprendrait des installations de production d’insuline plus grandes et à la fine pointe pour Connaught, ainsi que la création d’une école d’hygiène. Ce nouveau bâtiment serait l’installation principale de Connaught pour son travail de production et de recherche sur les vaccins. Afin de concrétiser cette vision, FitzGerald approche la fondation Rockefeller, établie à New York, avec l’intention de mettre en place un troisième institut de santé publique en Amérique du Nord, en plus de ceux qui ont vu le jour à l’Université Johns Hopkins en 1918 et à l’Université Harvard en 1921. En 1920, la fondation Rockefeller finance des facultés de médecine canadiennes et en 1923, elle verse 10 000 $ pour soutenir les études cliniques de Banting sur l’insuline. Le rôle fondamental de l’Université de Toronto dans la découverte de l’insuline, et celui de Connaught dans son développement, font de Toronto le choix évident pour installer un troisième institut de santé publique en Amérique du Nord.
Le 19 octobre 1923, Wickcliffe Rose, du Rockefeller International Health Board (conseil Rockefeller international sur la santé), arrive à Toronto et rencontre FitzGerald. La première proposition pour mettre sur pied une école d’hygiène à l’Université de Toronto prend forme en 1924 avec un engagement de 400 000 $ de la Fondation Rockefeller. Les fonds sont destinés à la construction d’un nouveau bâtiment qui comprend des installations pour la production d’insuline. Un autre don de 250 000 $ permet de financer deux départements de l’école. Les nouveaux bâtiments favoriseront également l’expansion des activités de recherche et de production de vaccins de Connaught, dont les profits seront versés au Fonds de recherche Connaught qui, à son tour, allouera une somme de 250 000 $ à l’école. L’école d’hygiène ouvre officiellement ses portes le 9 juin 1927, avec une cérémonie suivie d’une visite du bâtiment menée par FitzGerald, Banting et Best. Pendant la visite, Best présente la nouvelle usine de production d’insuline, ainsi que son nouveau bureau, qu’il occupe maintenant en tant que chef du département d’hygiène physiologique, grâce à un don de la fondation Rockefeller.
Malgré tous ces honneurs et les fonds alloués à la chaire de recherche médicale Banting et Best, Banting continue de travailler dans des locaux improvisés du bâtiment de la faculté de médecine et ensuite dans le bâtiment du service de pathologie de l’hôpital général de Toronto. À peu près au moment où se terminent les travaux à l’école d’hygiène, le conseil des gouverneurs de l’Université de Toronto élabore des plans pour bâtir un autre immeuble destiné à la recherche médicale, en face de l’hôpital général de Toronto, grâce à des fonds provenant de l’hôpital, de l’université, du gouvernement provincial et de la Fondation de recherche Banting. À l’origine, l’université avait pensé à un grand institut prestigieux, où toute la recherche médicale serait concentrée, mais les autres départements s’y objectèrent. Cela n’empêcha pas les travaux de commencer, puisqu’il manquait d’espaces de bureaux et de laboratoires, surtout pour Banting, mais également pour accueillir les étudiants et autres chercheurs attirés par sa chaire de recherche médicale.
En 1930, l’étage supérieur du nouveau bâtiment accueillait « le département de recherche médicale Banting et Best ». Cependant, le nouvel institut n’avait pas encore été baptisé. Le conseil des gouverneurs de l’Université de Toronto voulait conserver le titre « d’institut », mais hésitait à lui donner le nom d’un généreux donateur. Il souhaitait plutôt rendre honneur à certains des diplômés les plus prestigieux de l’université. Bien entendu, Banting est au sommet de cette liste, en plus d’être installé au dernier étage du bâtiment. Ainsi, malgré les objections de son illustre locataire, le nouveau bâtiment sera nommé « Institut Banting ». Banting ne dirige pas l’institut, et ne dit pas grand-chose lors des festivités entourant l’inauguration officielle de l’institution, le 17 septembre 1930. Il ne se sent pas très bien cette journée-là et peu après la cérémonie d’ouverture, il est admis à l’hôpital général de Toronto, en face, pour une appendicectomie.
Au début des années 1930, l’école d’hygiène est au cœur d’une industrie en pleine croissance, croissance qui se traduit par l’agrandissement du bâtiment, un financement accru, le développement de ses départements et l’élargissement de la portée de la recherche en santé publique. Les profits découlant de la vente d’insuline et des redevances perçues par Connaught sont investis dans le Fonds de recherche Connaught, qui à son tour finance les opérations de l’école, et en particulier, l’agrandissement du bâtiment d’hygiène et de l’usine de production d’insuline de Connaught. Vers la fin des années 1930, les ventes d’insuline et les redevances connaissent une hausse significative avec le développement de nouvelles méthodes mises au point par des chercheurs de Connaught, David Scott et Albert Fisher, permettant de cristalliser l’insuline à grande échelle, mais également de produire la première forme d’insuline à action prolongée, l’insuline Protamine Zinc. Les redevances des brevets américains de Scott et Fisher pour l’insuline Protamine Zinc, perçues auprès des producteurs d’insuline américains, sont cruciales pour Connaught. En effet, dans les années 1960, les redevances générées par les brevets et les revenus découlant des ventes d’insuline au Canada sont une source de financement importante pour les laboratoires et l’école d’hygiène. Cette source de financement stable et prévisible a permis de constituer un effectif et de développer des projets de recherche faisant l’envie d’instituts similaires ailleurs dans le monde.
Après la mort tragique de Banting en février 1941, lors d’un accident d’avion, la recherche médicale et sur l’insuline et le legs de l’institut reposent sur les épaules de Charles Best. Il est nommé directeur du département de recherche médicale Banting et Best et joue un rôle de premier plan dans plusieurs projets en temps de guerre, notamment la préparation, avec Connaught et la Croix-Rouge, d’un sérum de sang séché pour l’armée canadienne. Après la guerre, Best revient à ses recherches sur le diabète et l’éducation, et contribuera à la création de l’association du diabète de l’Ontario vers la fin des années 1940. En 1953, plusieurs associations du diabète provinciales fusionnent afin de former l’Association canadienne du diabète, qui deviendra plus tard Diabète Canada.
En 1942, pour répondre à la nécessité d’agrandir les installations de recherche en médecine, et surtout pour remédier au surpeuplement à l’Institut Banting, le conseil des gouverneurs de l’Université de Toronto développe les plans d’un nouvel institut de recherche de l’école de physiologie, sous la direction de Best. Les contraintes imposées par la guerre ralentissent les progrès, mais les choses commencent à s’accélérer lorsque le gouvernement provincial libère un terrain situé tout juste à l’ouest de l’Institut Banting afin d’y établir le nouvel institut de physiologie. En 1949, le conseil des gouverneurs engage la somme de 1,5 million de dollars pour bâtir cet institut qui, comme ce fut le cas avec l’Institut Banting, devrait logiquement porter le non de Best, malgré les hésitations de ce dernier.
En mai 1950, on a déjà recueilli 75 000 $ pour financer le nouvel Institut Charles H. Best, mais les travaux ne débuteront qu’au printemps de 1952. Ce nouvel institut met l’accent sur la recherche en physiologie et l’éducation, et sera relié à l’Institut Banting par une série de tunnels et un pont. Le pont fera également office de lieu d’exposition pour présenter des artéfacts et des souvenirs sur la découverte de l’insuline. En 1952, un financement du gouvernement fédéral permet de compléter le montage financier de l’Institut Best, comme on l’appelle simplement aujourd’hui. On y effectue des recherches sur le diabète, les hormones de croissance, l’utilisation d’isotopes radioactifs, ainsi que sur la physiologie, l’histologie et la nutrition. Lorsque la première phase de l’Institut Best ouvre finalement ses portes en septembre 1953, le bâtiment est assez grand pour y accueillir le département de recherche médicale Banting et Best, souffrant d’un manque de place à l’Institut Banting. La construction de l’Institut Best de six étages, au coût de 2,5 millions de dollars, prend fin en mars 1955, et permet alors d’héberger également le département de physiologie.
Le legs institutionnel de la découverte de l’insuline reste bien vivant dans les années 1960 avec l’établissement de la Fondation du Dr Charles H. Best, en 1960. La Fondation Best est créée lorsque la Fondation W. Garfield Weston offre un don composé d’actions de Weston pour établir un fonds de recherche, que Charles Best peut utiliser à sa discrétion. Lorsque Best prend sa retraite, en 1965, ce fonds est placé sous le contrôle d’un conseil d’administration, afin de soutenir la recherche générale entreprise au département de recherche Banting et Best. En 2005, le département de recherche médicale Banting et Best est intégré, avec le fonds de recherche de la Fondation Best, au Donnelly Centre for Cellular and Biomedical Research (DCCBR) de la faculté de médecine de l’Université de Toronto. Les fonds de la Fondation Best sont alors consacrés au financement des bourses postdoctorales Charles H. Best, relevant du DCCBR.
Les années 1970 commencent par des célébrations visant à souligner le 50e anniversaire de la découverte de l’insuline et coïncident avec l’ouverture d’une nouvelle usine de production d’insuline à la division Dufferin des laboratoires de recherche médicale Connaught, sur l’avenue Steeles ouest, près de la rue Dufferin. Aujourd’hui, le site poursuit la vocation des laboratoires Connaught puisqu’on y trouve les laboratoires Sanofi Pasteur Canada. Toute la production d’insuline au Canada était auparavant concentrée dans le bâtiment de l’école d’hygiène, mais la nouvelle installation, spécifiquement conçue pour produire de l’insuline, prévoit des locaux plus grands et des équipements de recherche et de production améliorés. On y fabrique de l’insuline jusqu’au début des années 1990. Afin de créer un lien symbolique entre les anciens et les nouveaux sites de production d’insuline, quelques briques du bâtiment original de la faculté de médecine sont conservées et intégrées au mur du vestibule du nouveau bâtiment, où l’on expose des documents historiques et des flacons contenant les premiers extraits d’insuline. On nomme cette installation le bâtiment Robert D. Defries en l’honneur du second directeur de Connaught et de l’école d’hygiène, personnage qui a joué un rôle crucial dans la production d’insuline à grande échelle chez Connaught. Le 20 novembre 1970, Defries assiste à l’ouverture officielle du bâtiment baptisé en son honneur, en compagnie de plusieurs autres dignitaires, dont Charles Best.
Alors que j’écris cet article, Sanofi a annoncé que l’immeuble Defries (également appelé immeuble no 86) sera bientôt remplacé par une nouvelle installation de production de vaccins au site de Sanofi Pasteur Toronto. Cet important investissement de Sanofi et des gouvernements fédéral et provincial permettra de produire des vaccins, essentiellement contre l’influenza, mais pourrait également ouvrir la voie à d’autres vaccins, notamment contre la COVID-19.
Le legs institutionnel de la découverte de l’insuline à l’Université de Toronto, et de tout ce qui l’a entourée, comme la recherche et l’éducation sur le diabète, et les soins aux patients, a finalement été centralisé au Banting and Best Diabetes Centre (BBDC) (centre du diabète Banting et Best), établi en 1978. Le BBDC a été créé comme annexe de la faculté de médecine. Le BBDC a été inauguré suivant le décès de Charles Best, le 31 mars 1978, et a rapidement été suivi par un don visant à créer la chaire de recherche médicale Charles Herbert Best à l’Université de Toronto. Ce don d’un million de dollars de la société des loteries de l’Ontario avait également pour but de financer le travail de soutien aux patients du centre.
Pendant la durée de vie des découvreurs de l’insuline, de nombreuses institutions et organisations ont été bâties et se sont développées grâce à l’apport de l’Université de Toronto dans la production et la distribution de l’insuline. Cette croissance a été alimentée par la présence d’autres institutions, notamment les laboratoires Connaught, ainsi que par la gestion rigoureuse des redevances découlant des brevets, le désir du public d’honorer et de financer les recherches de ces découvreurs, et l’engagement personnel de ces derniers à soutenir plus largement la recherche médicale au Canada.
[i] L’outil de calcul de l’inflation de la Banque du Canada permet d’actualiser ces valeurs historiques en valeurs courantes : https://www.banqueducanada.ca/taux/renseignements-complementaires/feuille-de-calcul-de-linflation/?_ga=2.114478734.824779781.1620475099-1193849016.1620475099. Les 110 000 $ du Fonds de recherche de Connaught en 1921 auraient une valeur d’environ 1,6 million de dollars en 2020, alors que les 5 000 $ alloués au travail de développement de l’insuline vaudraient aujourd’hui environ 75 000 $.
[ii] Les 8 000 000 $ (en dollars de 1967) vaudraient environ 60 000 000 $ en 2020. Les 180 000 $ de 1935 atteindraient une valeur d’environ 3 300 000 $ en 2020.
[iii] La somme de 8 000 $ (en dollars de 1925) équivaut à environ 118 000 $ en dollars de 2020; la somme de 13 648 $ en dollars de 1927 équivaut à environ 200 000 $; la somme de 20 000 $ en dollars de 1930 équivaut à environ 300 000 $ et la somme de 30 000 $ en dollars de 1935 équivaut à 550 000 $.
[iv] La somme de 10 000 $ en dollars de 1923 équivaut à environ 150 000 $ en 2020.
[v] La somme de 7 500 $ en 1923 équivaut à environ 112 000 $ en 2020.
[vi] La somme de 500 000 $ en 1925 représenterait environ 7,4 millions de dollars en 2020; la somme de 600 000 $ en 1931 serait d’environ 10,4 millions de dollars en 2020 et la somme de 30 000 $ en 1931 serait d’environ 520 000 $ en 2020.