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Profils, avant et après l’insuline: John James Rickard Macleod (1876-1935)

Par Christopher J. Rutty, Ph.D

Historien principal, Moments déterminants Canada, « Insuline 100 »Lead Historian, Defining Moments Canada, “Insulin 100”.


Le 7 novembre 1923, lorsque le professeur J.J.R. Macleod annonce qu’il entend partager sa part du Prix Nobel pour la découverte de l’insuline avec J.B. Collip, il souligne à quel point il a été difficile de départager les contributions de chacun et précise qu’il s’agissait d’un réel travail d’équipe à l’Université de Toronto. Onze ans plus tôt,  Frederick Banting avait annoncé qu’il partagerait sa part du Prix avec Charles Best. Cependant, comme le mentionne un journaliste du Toronto Star dans une entrevue avec Macleod, [TRADUCTION] « Vous n’avez encore rien dit sur votre propre contribution à ces travaux, Dr Macleod. » Ce dernier répondra au journaliste en riant, [TRADUCTION]  « Oh, je n’étais que l’impresario – le gérant en quelque sorte. »

Macleod ne fait pas que présenter une image trop modeste de son rôle dans la découverte. Il décrit assez exactement le rôle central de gestionnaire qu’il a joué pour faciliter les débuts et les progrès de la découverte, et maintenir le cap face aux immenses difficultés scientifiques, médicales, techniques, éthiques et biologiques, mais également pour gérer les médias et la diversité des personnalités concernées. Il décrit en partie ce fardeau et les « pressions extraordinaires » qu’il doit subir dans son rôle de « gérant » dans une lettre qu’il écrit en tant que secrétaire du comité de l’insuline de l’Université de Toronto au Dr J.G. FitzGerald, directeur des laboratoires Connaught, le 18 janvier 1923. La production d’insuline chez Connaught était limitée, mais en croissance, et la demande pour une distribution élargie était forte; cependant, il restait encore beaucoup à apprendre sur une utilisation sécuritaire de l’insuline.

[TRADUCTION] « Nous faisons de notre mieux pour tenir le coup face aux immenses pressions exercées pour distribuer l’insuline dès qu’elle est disponible. Nombreux sont ceux qui jugent que nous devrions la distribuer plus libéralement, mais la principale raison qui explique notre réserve a trait non seulement à la difficulté de fabriquer la substance, mais aux complications dont nous avons été témoins et qui peuvent survenir si la substance tombe entre les mains de personnes incompétentes. Jusqu’à présent, aucun décès n’a encore été directement attribué à une surdose d’insuline et nous voulons évidemment éviter un tel scénario. La question du dosage demeure très incertaine, même si toutes nos ressources s’efforcent de trouver les posologies exactes. Je suis déchiré entre le désir de faire tout mon possible pour le comité de l’insuline et de poursuivre les fascinants travaux de recherche auxquels cette découverte a ouvert la voie. »

Historiquement, le rôle de Macleod dans la découverte a été grandement sous-estimé, même s’il partage son Prix Nobel avec Banting. Dans l’histoire marquante de ce grand exploit canadien, Macleod est le non-Canadien de l’équipe, celui qui quittera bientôt le Canada pour fuir des tensions persistantes à Toronto, surtout dans le cadre de sa relation (ou de son absence de relation) avec Banting. De retour dans son Écosse natale, on aurait très bien pu oublier Macleod. Même après que l’historien Michael Bliss ait rétabli la contribution de Macleod dans The Discovery of Insulin et des articles subséquents, son nom arrive toujours après Banting, Best et Collip. En effet, comme le souligne Bliss lors d’une conférence sur Macleod, [TRADUCTION] « On en est venu à croire que le nom de Macleod ne méritait pas vraiment de se retrouver parmi celui de chercheurs aux noms à résonnance si canadienne, comme Banting et Best. »

Le rôle crucial de Macleod dans l’histoire de l’insuline découle de son grand conservatisme scientifique, que l’on peut retracer à sa petite enfance et à son éducation en Écosse. Il est né sous le nom de John James Rickard Macleod le 6 septembre 1876 dans le village de Cluny au nord-est de l’Écosse. Il est le premier fils d’un ministre du culte, le révérend Robert Macleod et de Jane (McWalter) Macleod. La famille s’installera plus tard à Aberdeen où J.J.R. passe une partie de ses jeunes années et où son père doit officier. J.J.R. fréquente la Aberdeen Grammar School et y poursuit ses études, pour être ensuite admis au Marischal College à l’Université d’Aberdeen en tant qu’étudiant en médecine. 

En 1898, Macleod obtient son diplôme en médecine avec brio, ce qui lui donne droit à une bourse Anderson pour étudier un an en Allemagne à l’institut de physiologie de l’Université de Leipzig, où il se concentre sur la chimie physiologique. En 1899, Macleod quitte l’Allemagne pour Londres, en Angleterre, afin de devenir démonstrateur en physiologie au London Hospital Medical School; en 1902, il est nommé chargé de cours en biochimie. Également en 1902, Macleod reçoit la bourse de stagiaire de recherche Kinnon de la Royal Society tout en poursuivant ses études en vue d’obtenir un diplôme en santé publique de l’Université Cambridge. Il est très productif pendant cette période : en effet, il publie une série d’articles sur l’influence de l’air comprimé et de l’oxygène sur les gaz du sang, tout en se bâtissant une solide réputation en tant que chargé de cours précis et brillant. Sa réputation attire l’attention de l’autre côté de l’Atlantique, notamment à l’Université Case Western Reserve à Cleveland, en Ohio, et au printemps de 1903, Macleod se voit offrir le poste de directeur de son département de physiologie. En août 1903, après avoir épousé Mary McWalter, J.J.R. Macleod, âgé de 27 ans, s’embarque à bord d’un navire à destination de l’Amérique du Nord. 

C’est à Cleveland que Macleod manifeste son intérêt pour la recherche sur la métabolisation des glucides, soit le processus biochimique du corps pour transformer les glucides en énergie. En 1907, ses recherches donnent lieu à un grand nombre d’articles publiés sous le titre de « Studies in Experimental Glycosuria » (études sur la glycosurie expérimentale) dans le Journal of Physiology. Ces articles forment la base de son livre publié en 1913, Diabetes: Its Pathological Physiology. À cette époque, Macleod explique le diabète en parlant du rôle du foie dans la métabolisation des glucides et leur régulation à partir du cerveau par le truchement du système nerveux. Son éducation et sa formation en physiologie vers la fin des années 1880 sont antérieures aux travaux de chercheurs comme Joseph von Mering et Oskar Minkowsky, qui découvrent que le pancréas joue un rôle clé dans l’apparition du diabète. 

Malgré ces découvertes, Macleod demeure convaincu que le foie est à l’origine du diabète. Cette maladie serait déclenchée par un trouble de la production et du stockage de glycogène par le foie, la cause principale de ce trouble étant une stimulation nerveuse excessive. Comme il l’écrit dans un article de 1914, [TRADUCTION] « Le diabète est fréquent chez les conducteurs de locomotives et les capitaines de navires, soit chez des hommes dont le travail quotidien les expose à une forte stimulation nerveuse. La maladie est aussi de plus en plus observable chez les hommes qui occupent un travail exigeant une grande concentration et un effort soutenu, comme les professionnels et les hommes d’affaires. » 

Cette vision du diabète reflète l’intérêt clinique limité de Macleod, ou son manque d’expérience avec des patients diabétiques, surtout ceux atteints de la forme grave de la maladie, que l’on appellera plus tard le diabète de type 1. Malgré ses propres recherches et sa vaste compréhension de la métabolisation des glucides et du diabète dans sa forme expérimentale, il est déconcerté par les nouvelles idées sur l’action hormonale, notamment celle exercée par les sécrétions internes du pancréas. Ces idées font de plus en plus leur chemin vers les modèles familiers et connus sur le diabète, qu’on pensait attribuable au système nerveux et à un trouble du foie. Pour Macleod, l’existence de ces sécrétions internes demeure hypothétique et leur mode d’action pour contrôler la métabolisation des glucides reste mystérieuse. 

En 1914, les travaux de Macleod sur la glycosurie en font un des plus grands experts dans le domaine, même si ce champ de recherche semble mener à une impasse en raison de sa complexité et des techniques d’expérimentation limitées à cette époque. Il s’intéresse donc davantage à la métabolisation des glucides et écrit ce qui deviendra son fameux manuel, Physiology and Biochemistry in Modern Medicine, publié en 1918. Cependant, entre 1914 et 1916, Macleod est distrait par les nouvelles de la Première Guerre mondiale et, en tant que citoyen britannique, il est très contrarié par l’insouciance des États-Unis (qui n’entreront en guerre que le 6 avril 1917); sa position à l’Université Case Western devient intenable. Il est au courant de l’effort de guerre déployé par le Canada en raison de ses voyages occasionnels effectués de l’autre côté de la frontière. En 1916, Macleod passe une partie de la session d’hiver à Montréal comme professeur de physiologie à l’Université McGill pour offrir son aide après le décès soudain de l’ancien directeur. À la fin de cette même année,  Macleod reçoit une offre intéressante de l’Université de Toronto pour devenir le directeur du département de physiologie. 

Dans sa lettre du 16 décembre 1916 à Macleod, le recteur de l’Université de Toronto, Robert Falconer, écrit [TRADUCTION] « Peut-être est-il temps d’arriver à la conclusion que vous seriez plus utile au sein de l’Empire britannique qu’aux États-Unis. Il ajoute : Vous connaissez sans doute le poste au sein de notre faculté de médecine, ainsi que la qualité des laboratoires où travaillait le professeur Brodie et de la vie à Toronto. » (Thomas Brodie était un physiologiste britannique qui est devenu professeur de physiologie à l’Université de Toronto en 1908 et qui, comme Falconer le mentionnait dans sa lettre, venait de quitter l’université). Le directeur du département de physiologie de l’époque, A.B. MacCallum, était également sur le point de partir afin d’accepter le poste de président de la commission du Dominion sur la recherche scientifique et industrielle. Comme le souligne Falconer, [TRADUCTION] « Au Canada, après la guerre, nous nous attendons à entrer dans une nouvelle ère et à occuper une place que nous n’avons jamais occupée sur la scène internationale. » Macleod est tenté, mais en raison de ses engagements à Cleveland, il doit refuser. Cependant, Falconer est tellement impressionné par les qualifications de Macleod, qu’il est prêt à garder le poste ouvert jusqu’à l’automne 1918. 

Au moment où Macleod arrive à Toronto, il a publié six livres et de nombreux articles sur divers aspects de la métabolisation des glucides. Il est également membre du comité éditorial de plusieurs revues médicales, dont Physiological Abstracts, Journal of Biological Chemistry, Journal of Laboratory and Clinical Medicine, et il est membre des grandes associations professionnelles spécialisées en physiologie et en biochimie. En outre, avant même qu’il ne soit installé dans ses fonctions à l’Université de Toronto, Macleod reçoit des offres de plusieurs autres grandes facultés de médecine américaines et britanniques, mais il est heureux de rester à Toronto. Ses recherches portent sur les centres de la respiration dans le corps humain, qu’il interprète toujours en fonction d’un trouble des échanges entre le système nerveux et des facteurs chimiques. Mais il porte également une grande attention aux nouveaux développements dans le domaine de la métabolisation des glucides. Il est notamment frappé par l’idée du Dr Frederick Banting, que ce dernier lui présente avec hésitation le 7 novembre 1920. 

Pendant que Macleod écoute Banting, il sait que l’expérience que ce dernier lui propose, et qui consiste à ligaturer les conduits pancréatiques dans l’espoir que les cellules des îlots pancréatiques demeurent intactes pour que leurs sécrétions survivent à la dégénérescence du pancréas, a déjà été menée. Mais comme ses recherches sur le diabète portaient davantage sur le foie, Macleod ne sait pas exactement à quel point la recherche liée à l’atrophie du pancréas après une ligature des conduits est avancée. Il sait cependant que personne n’a réussi à faire ce que propose Banting. Macleod trouve cependant logique de lui offrir cette occasion de faire l’expérience, et sait que même des résultats négatifs sont utiles. À l’époque, les laboratoires de physiologie de la faculté de médecine de l’Université de Toronto sont sous-utilisés et Macleod peut encourager divers projets de recherche médicale. Il reconnaît également que Banting aura besoin de beaucoup d’encadrement car il est assez ignorant du domaine de recherche qu’il entend poursuivre, et connaît mal les méthodes à suivre et les procédures de test indispensables. 

Les attentes de Macleod quant aux travaux de Banting sont en fait assez faibles, tout comme l’idée qu’il se fait de Banting en tant que scientifique et en tant qu’homme. Banting et lui sont très différents à de nombreux égards et leur relation ne peut qu’être tumultueuse, surtout lorsqu’il constate que les premières étapes des travaux de Banting avec Best se révèlent concluantes et qu’il doit déployer tous ses talents de gestionnaire de recherche, ainsi que son expertise et sa connaissance scientifiques pour que les travaux puissent se poursuivre. En outre, Macleod doit établir la preuve que la sécrétion interne du pancréas a en effet été isolée, et qu’elle est reconnue comme tel, mais également qu’elle permet de réduire de façon observable les symptômes cardinaux du diabète chez les chiens de laboratoire. D’autres scientifiques ont déjà réussi à se rendre aussi loin que Banting et Best, il revient donc à Macleod de convaincre des chercheurs sceptiques que ses jeunes collègues sont allés encore plus loin. 

L’intégration de Collip au groupe de recherche sur l’extrait pancréatique en décembre 1921 accélère les progrès vers un extrait purifié. Le travail de Collip permet également de mieux comprendre les effets de l’extrait sur le stockage de glycogène dans le foie et sur l’élimination de l’acidocétose. La présence de Collip accentue cependant les difficultés de Macleod en ce qui a trait à la recherche et à la gestion de personnel, et c’est essentiellement à lui que revient la tâche de convaincre ses collègues scientifiques de la véracité des résultats de Toronto au moyen d’une abondante correspondance, de conférences scientifiques et de ses relations avec divers journaux médicaux. Après les premiers essais de l’extrait sur  Leonard Thompson en janvier 1922, comme le dit succinctement l’historien Michael Bliss, [TRADUCTION] « Macleod était responsable d’un dossier excessivement important, il était soumis à de fortes pressions, mais également à un enthousiasme et à un potentiel formidables. L’équipe de recherche avait trouvé le chemin menant au Saint Graal et maintenant, elle devait présenter son travail au reste de l’humanité et à une communauté scientifique encore sceptique. La formulation et la présentation de cette découverte exigeront un doigté exceptionnel. » 

Mais il est également urgent d’en apprendre davantage sur la substance extraite par l’équipe de Toronto. Quel est son effet sur le corps? Quelle est sa composition chimique? Quelle est son origine dans le pancréas? Macleod s’attache personnellement à répondre à ces questions clés et coordonne également la recherche sur l’effet clinique de l’extrait sur les diabétiques, tout en préparant les publications du groupe de Toronto afin que la découverte puisse être présentée au reste du monde. Pendant ce temps, Collip et Best se penchent sur les défis complexes de produire l’extrait à plus grande échelle aux laboratoires Connaught. Macleod supervise de son côté la collaboration avec Eli Lilly pour trouver des méthodes de production à grande échelle. Tout cela se déroule pendant qu’il négocie le brevet de l’insuline, qui se révèle une tâche délicate et complexe, et qu’il octroie des permis de production au-delà de l’Amérique du Nord, tout en veillant à ce que le groupe de Toronto garde entièrement le contrôle sur l’extrait. Au milieu de tout cela, comme le souligne Bliss, [TRADUCTION] « Macleod devait maintenir une équipe de chercheurs qui se livrent des guerres intestines, tout en se protégeant contre les attaques amères et sournoises de Banting contre son intégrité en tant qu’homme et en tant que scientifique. » 

Néanmoins, selon Bliss, Macleod est alors à son meilleur. Il déploie toutes les facettes de son expérience et de ses compétences comme scientifique, comme administrateur et comme être humain pour maintenir le couvercle sur une situation extrêmement volatile, faire progresser les travaux, organiser la production d’insuline et la recherche et encadrer les diverses étapes de cette découverte de façon à ce que le monde de la science et du diabète reconnaisse rapidement que le laboratoire de Macleod à Toronto est sur le point de lui faire un cadeau inestimable. Selon sa propre évaluation, qu’il décrit dans son manuscrit intitulé « History of the Researches Leading to the Discovery of Insulin » de septembre 1922, Macleod conclut [TRADUCTION] « Grâce à un effort concerté, que j’ai moi-même coordonné, nous avons donné à la science, en un peu plus d’un an, un corpus de recherche pratiquement complet – nous avons prouvé la valeur de l’insuline. » 

Pendant les années qui suivent immédiatement la découverte de l’insuline, et ensuite, après la remise du Prix Nobel à Banting, Macleod revient à un sujet qui, selon lui, est une question physiologique clé : comment l’insuline fonctionne-t-elle pour faciliter la métabolisation du sucre? Et pour ces travaux, il se concentre sur le foie, même si en 1925, il constate que l’action principale de l’insuline est de faciliter le transfert du sucre dans les cellules. Cependant, comme il l’écrit dans son allocution entourant la remise de Prix Nobel, [TRADUCTION] « Nous ne savons rien du sort du glucose qui disparaît dans la cellule. » Il y a encore beaucoup à apprendre sur ce mystère, mais le rôle que joue Macleod pour le résoudre est de plus en plus limité. Par contre, il exercera des pressions cruciales auprès des Nations Unies afin d’instaurer une norme biologique internationale pour l’insuline ayant pour but d’harmoniser la définition d’une unité d’insuline. 

En 1927, Macleod est invité à revenir en Écosse afin de devenir directeur de la faculté de physiologie à l’Université d’Aberdeen. Pour Macleod, l’atmosphère à l’Université de Toronto est de plus en plus lourde, surtout depuis sa dispute avec Banting. Même s’ils tentent de s’éviter, Macleod et Banting partagent un intérêt commun pour les arts et la peinture. Ils sont tous deux membres du club des arts et des lettres de Toronto, mais à des époques différentes. C’est au sein de ce club que s’est formé le fameux « Groupe des sept ». Macleod en est membre de mars 1921 jusqu’au printemps de 1923. Il est un des premiers clients d’A.Y. Jackson : il lui achètera certains de ses croquis et l’invitera à manger chez lui. Banting sera nommé au sein du club des arts et des lettres en avril 1925 par Lawren Harris, un autre membre du Groupe des sept. Banting deviendra un bon ami d’A.Y. Jackson et ils feront ensemble plusieurs excursions pour croquer des paysages sur le vif. En 1926 ou 1926, Banting et Macleod offrent tous deux des œuvres pour monter une exposition de peintures réalisées par des médecins à la Hart House de l’Université de Toronto. Cependant, comme Bliss le souligne dans son ouvrage Banting: A Biography, c’est le « canadianisme viril » de Banting qui l’emporte sur le « traditionalisme contraint » de Macleod.

À l’été de 1928, Macleod et sa femme Mary sont de retour en Écosse. Alors qu’il prend place pour la dernière fois à bord d’un wagon à Toronto, Macleod s’essuie les pieds. Un ami qui les accompagne à la gare en demande la raison à Macleod. [TRADUCTION] « Je me débarrasse de toute la saleté de cette ville. » À l’automne 1928, Macleod entre en poste en tant que professeur regius de la faculté de physiologie, même si l’Université d’Aberdeen n’a pas d’installations de recherche comparables à ce qu’il a connu à Toronto. Cependant, il est très heureux de revenir à la maison, où il peut poursuivre ses recherches médicales à l’université et améliorer ses installations de recherche avec l’aide d’étudiants qui ont été attirés à Aberdeen par sa réputation. Il est un des enfants d’Aberdeen les plus prestigieux à avoir été honoré par son Écosse natale pour sa carrière exceptionnelle en physiologie. Il paraît également peu affecté par la campagne détestable que mène Banting contre lui dans les années 1930 et dont il entend parfois les échos outre-Atlantique par des lettres que lui envoient ses amis à l’occasion.

Macleod reste un chercheur et un expérimentateur actif, il donne de nombreuses conférences et publie plusieurs articles qui visent à localiser la zone du cerveau d’où origine la métabolisation des glucides dans le système nerveux. Cependant, comme le conclut Bliss dans une conférence spéciale sur Macleod, le « codécouvreur de l’insuline ne sera jamais à l’aise avec le système endocrinien. » 

Pour Macleod, le climat humide de la mer du Nord à Aberdeen aggrave les premiers symptômes de ce qui se révélera une forme d’arthrite invalidante et qui limite considérablement ses mouvements. Mentalement, toutefois, il demeure plus vif que jamais et conserve ses fonctions éditoriales. La santé de Macleod décline irrémédiablement au début des années 1930 : il est atteint de pleurésie et d’une péricardite qui l’oblige à demeurer dans un foyer de soins pendant deux mois au début de 1935. Macleod revient finalement à la maison, mais le 16 mars 1935, il meurt à l’âge de 58 ans. Sa femme, Mary, le suivra cinq ans plus tard. Ils n’ont jamais eu d’enfants. 


Best et Collip ont chacun écrit un article nécrologique pour Macleod, celui de Collip étant le plus sensible des deux.  [TRADUCTION] « Macleod, conclut-il, se distinguait par sa joie de vivre, sa gentillesse et sa patience; il était toujours prêt à discuter des problèmes éprouvés par ses chercheurs novices sans manifester la moindre condescendance. Il ne laissait jamais un collègue ou un assistant enthousiaste entreprendre un travail de recherche sans lui faire part de toutes les difficultés techniques ou théoriques de son projet, mais il ne manquait pas de l’encourager et de lui fournir toute l’aide pratique dont il disposait. » En effet, dans l’histoire de l’insuline et de sa courte carrière en tant que physiologiste, J.J.R. Macleod, comme il le mentionnera à un journaliste en novembre 1923, était en vérité « le gérant », sinon « l’impresario ».