Un souper avec Banting
Par: Amanda Coschi
Amanda Coschi vit avec le diabète depuis 2002. Elle est présente dans diverses communautés où elle vient en aide aux personnes qui sont atteintes de diabète de type 1, dont Diabète Canada, Connected in Motion et la Diabetes Hope Foundation. Amanda est une infirmière autorisée et une éducatrice certifiée sur le diabète qui se passionne pour l’enseignement et la sensibilisation. Amanda aime aussi beaucoup le plein air et héberger des chiens.
The Discovery

La découverte de l’insuline, pour moi, suscite une émotion plus profonde qu’un simple sentiment patriotique. Bien sûr, je suis fière que ce soit un compatriote canadien qui ait découvert l’insuline, mais étant atteinte de diabète de type 1, ce centenaire que l’on souligne me fait encore plus apprécier le legs de Banting. Je ne serais même pas ici aujourd’hui si ce n’était de l’idée initiale de Sir Frederick Banting. Le fait d’être éternellement reconnaissant envers une personne que l’on n’a jamais rencontrée permet de répondre très facilement à des questions brise-glace du type : « Si vous pouviez partager un repas avec un personnage historique, lequel choisiriez-vous? » Pour moi, la réponse est évidente, ce serait Banting, simplement pour le remercier, lui et ses collègues, Macleod, Best et Collip. Il est difficile d’imaginer les traitements imposés aux malades avant la découverte de l’insuline. Ils devaient se priver de manger pour survivre, subir des diètes très strictes et s’adonner à divers exercices pour prolonger leur vie. J’aime l’idée de projeter Banting dans le temps, à notre époque, où je l’inviterais à tous mes anniversaires. Je m’imagine l’entendre lancer : « Qu’ils mangent de la brioche! »
Et qu’est‑ce que j’aimerais aussi dire à Banting? Je voudrais lui parler de l’insuline, c’est un élément de taille puisque j’en ai besoin pour survivre. Mais ma vie ne se limite pas à cela! Je prends mon insuline et après? C’est de cet aprèsque j’aimerais discuter avec Banting, de ce que j’ai réussi à accomplir, des gens que j’ai rencontrés, des technologies qui ont été mises au point depuis cette invention, de l’éducation et du financement qu’il faut encore développer. J’aimerais qu’il puisse voir tout ce qui a été accompli depuis la découverte de l’insuline.
Je prends mon insuline et ensuite…
Diagnostic
À l’été 2002, je présentais tous les symptômes classiques : soif accrue, mixions plus fréquentes, perte de poids, fatigue… tout y était, mais je ne savais pas ce qu’était le diabète. Sans antécédents familiaux ou connaissances sur la maladie, je n’ai reçu mon diagnostic de diabète de type 1 qu’après quelques visites chez le médecin, à l’âge de 10 ans. Mais j’étais davantage déçue de rater mon premier entraînement de hockey que de savoir que j’étais atteinte du diabète. J’ai eu la chance de recevoir un diagnostic relativement simple, car encore aujourd’hui, les signes et symptômes du diabète sont mal compris et il faut parfois plusieurs intervenants pour diagnostiquer la maladie, une situation qui peut avoir une issue fatale*. Tout comme la découverte de l’insuline a été un moment déterminant pour le Canada, mon diagnostic s’est révélé un moment déterminant pour moi. Depuis ce temps, le diabète continue d’avoir une incidence sur ma vie et d’orienter ma trajectoire. Cependant, la maladie ne me définit pas comme être humain et m’a permis de vivre des choses que je n’aurais jamais vécues si l’insuline n’avait pas été découverte.
Expériences
Ma première expérience a été mon passage au Camp Huronda, un camp pour les enfants atteints de diabète de type 1. C’était la première fois depuis mon diagnostic que je pouvais participer à des activités sans que le diabète prenne toute la place. Le fardeau et la responsabilité de gérer sa propre maladie chronique s’effacent peu à peu lorsque tous ceux qui vous entourent vivent la même chose que vous. Pendant mes étés au camp, j’ai appris à bâtir ma confiance en moi : je ne suis pas qu’une personne qui vit avec le diabète. J’ai acquis de nouvelles compétences et découvert des activités qui font maintenant partie intégrante de ma vie, comme le camping sauvage. J’ai trouvé des amis fidèles, comme c’est souvent le cas dans les camps d’été, mais ces amis sont aussi devenus mon réseau de soutien tout au long de l’année, lorsque je me retrouvais seule à faire face aux défis que présente le diabète. Diabète Canada offre un séjour en camps d’été à des milliers d’enfants pour les aider à gérer leur diagnostic, à développer leur confiance en soi et à découvrir qui ils sont, au-delà de la maladie. J’aimerais peindre une scène, que je destinerais à Banting, où des centaines d’enfants chantent autour du feu après une journée passée à faire du vélo de montagne, de l’escalade, de la natation et du canot, tout cela grâce à l’insuline.
J’aimerais aussi parler à Banting d’une autre possibilité que m’a fait découvrir le diabète au cours de ma vie de jeune adulte. En effet, je fais maintenant partie d’une autre communauté exceptionnelle : Connected in Motion. Cette organisation qui s’adresse aux adultes atteints de diabète de type 1 m’a permis de continuer à bâtir ma confiance en moi et de découvrir qui je suis au-delà du diabète grâce à sa communauté d’aventuriers. C’est grâce à cette organisation que j’ai été choisie pour me joindre à un petit groupe de randonneurs pour parcourir le sentier de la côte nord en Colombie-Britannique. Je m’imagine décrire ce voyage à Banting : voici un groupe d’adultes diabétiques en train de remplir leurs sacs à dos d’aliments séchés, de tentes et de toutes les fournitures indispensables aux diabétiques pour prendre part à une expédition de six jours dans la nature. C’est une des réalisations dont je suis la plus fière et une expérience que je n’aurais jamais vécue si je n’avais pas eu le diabète!

Éducation
Le fait d’être exposée au monde de la médecine dès ma tendre enfance m’a également ouvert d’autres portes. Je ne peux pas dire avec certitude que c’est le diabète qui m’a incitée à poursuivre une carrière en soins infirmiers, mais cette condition a certainement contribué à influencer ma trajectoire professionnelle. Après avoir obtenu mon diplôme de l’Université McMaster en soins infirmiers, j’ai poursuivi ma formation pour devenir éducatrice certifiée spécialiste du diabète. L’été, c’est avec plaisir que je reviens au camp Huronda au sein de l’équipe médicale. Il y a quelques années, j’ai agi comme infirmière responsable lors d’une expédition en canot dans le parc Algonquin. J’ai toujours apprécié la possibilité de combiner mon travail d’infirmière avec l’une de mes passions, tout en aidant les enfants à remettre en question leur zone de confort et à découvrir leur potentiel! J’ai également eu le privilège d’encourager et d’aider de nombreux campeurs à s’injecter eux-mêmes leur insuline, pour la première fois. La fierté et l’enthousiasme de ces campeurs qui se manifestent par leur nouvelle indépendance et leur sentiment d’accomplissement suscitent toute une vague d’émotions. Je peux difficilement m’imaginer ce que j’aurais ressenti, il y a cent ans, si j’avais assisté à la première injection d’insuline de l’histoire.
J’ai continué à travailler comme infirmière pédiatrique à l’unité des soins intensifs en néonatalogie, mais c’est toujours avec les enfants arrivant à l’hôpital avec un diagnostic de diabète que je tisse le lien le plus étroit. Je les aide à comprendre toute la complexité de la gestion du diabète, mais surtout, je les aide à comprendre qu’un diagnostic de diabète ne signifie pas qu’ils doivent abandonner leurs rêves pour l’avenir. Je travaille actuellement pour une entreprise fabriquant des pompes à insuline, Tandem Diabetics Care, en tant qu’éducatrice spécialiste du diabète. Je suis fière d’avoir cette possibilité de participer à cette aventure technologique, dont l’objectif ultime est d’assurer aux gens une meilleure qualité de vie.

Technologie et financement
Je suis toujours impressionnée lorsque je repense aux nombreuses avancées médicales et technologiques réalisées depuis la découverte de l’insuline. La technologie entourant le diabète a progressé très rapidement au fil des ans. J’ai eu le plaisir de travailler avec des gens qui ne pouvaient à l’origine mesurer leur glucose qu’avec un test d’urine. Aujourd’hui, je les équipe d’une technologie qui mesure automatiquement le glucose dans le liquide interstitiel toutes les cinq minutes; un message est ensuite envoyé à leur pompe à insuline, qui peut moduler leur apport en insuline en fonction de la lecture effectuée. Cela fait maintenant 18 ans que je vis avec le diabète : les avancées que j’ai vues et les nouvelles technologies dont je peux aujourd’hui bénéficier ne cessent de m’émerveiller. Et tout cela découle de la découverte de Banting. J’aimerais tellement les lui raconter, lui décrire les possibilités qu’elles ouvrent pour les diabétiques, lui parler des gens qui peuvent maintenant vivre une vie saine et indépendante. J’aimerais présenter à Banting la personne qui a escaladé le mont Everest, non pas en dépit de son diabète, mais grâce à son diabète, tout comme les gens qui ont éliminé les obstacles et les restrictions auxquels nous, diabétiques, sommes confrontés, pour ainsi nous permettre de piloter un avion, de devenir pompier ou agent de police.

Mais je voudrais aussi parler des difficultés qu’éprouvent parfois les diabétiques à accéder à l’insuline. La technologie existe et peut faire toute une différence, mais dans certains cas, les politiques provinciales ou l’absence d’assurances ne permettent pas à tous d’en bénéficier. Même si nous avons réalisé des percées énormes depuis la découverte de l’insuline, il y a cent ans, il reste encore beaucoup à faire pour s’assurer que chacun profite des mêmes possibilités et des meilleures thérapies possible.
Souper et dessert
J’aimerais bien proposer à Banting de partager avec moi une part de gâteau!