Citez

Un petit endroit bien spécial au bord du lac

Par Kate « Milkshake » Morrison

Morrison fréquente le Camp Huronda depuis 2014 et ce qu’elle préfère par-dessus tout sont les patates rissolées pour le lunch et les journées où il y a du fromage feta au bar à salades. Depuis plusieurs années, Kate participe activement dans la communauté Huronda et elle adore partager sa passion et sa motivation pour le camp à qui veut bien l’entendre! Elle espère un jour devenir directrice du Camp Huronda et a hâte de retourner au camp tous les étés pour y vivre des moments mémorables. 

Il y a huit ans, vous n’auriez probablement rien remarqué de spécial si vous m’aviez vue. Vous auriez vu une fille de 10 ans souriante, habillée dans les vêtements un peu trop grands de son frère et dont les cheveux en bataille méritaient l’attention d’un coiffeur. Mais en regardant de plus près, vous auriez remarqué à quel point je flottais dans mes vêtements trop grands, que mon corps était en réalité maigrichon à faire peur, que les cheveux en bataille camouflaient des cernes et le sourire, des maux de ventre. Et des maux de tête. Cette sensation que quelque chose ne va pas. Et, j’allais le découvrir, quelque chose n’allait pas. Du tout.

Mon aventure avec le diabète de type 1 a commencé en 2013, un soir de juillet, lorsque mes parents m’ont réveillée en pleine nuit pour m’amener à l’hôpital et que nous devions y aller immédiatement, sans attendre au matin. J’espérais que cette visite allait être courte puisque nous devions partir en vacances le lendemain. Mais lorsque mon père et moi sommes arrivés à l’hôpital, tout s’est passé tellement vite. Je ne me souviens pas bien de ce qui est arrivé cette nuit-là. Je me rappelle avoir entendu le terme diabète de jeunesse. J’ai vu mon père fondre en larme. Je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait, mais mon père pleurait. Quelque chose n’allait donc vraiment pas. Après ce moment, je me rappelle un tourbillon de piqûres aux doigts, d’intraveineuses, de tests sanguins… nous ne sommes pas partis en vacances le lendemain. Je me souviens m’être demandée ce que mes amis allaient penser de tout ça, s’ils allaient me trouver bizarre et si j’allais de nouveau redevenir « normale ». Le diabète a rapidement pris le contrôle de ma vie. Ce qui m’apparaît comme spécial, en revanche, c’est que j’ai été en mesure de reprendre le contrôle.

« Le camp avec le logo de l’ours »

Lors de ma première année avec le diabète de type 1, il y a eu d’innombrables visites à l’hôpital et aussi beaucoup de colère. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais tombée malade. Pourquoi moi? J’étais frustrée avec le monde entier. Quelques mois après mon diagnostic, une connaissance de ma mère et mon équipe de soin de diabète m’ont parlé des Camps D. Je me rappelle ce moment où ma mère et moi étions devant l’ordinateur pour qu’elle m’inscrive à un camp de deux semaines. J’ai insisté pour aller au Camp Huronda parce que je trouvais que le logo de l’ours était de loin le plus sympa. Je ne savais pas à cet instant que le camp avec le logo de l’ours allait devenir le lieu le plus important de ma vie. 

J’avais onze ans lors de mon premier été au camp. À première vue, le Camp Huronda ressemblait à toutes les autres colonies de vacances, avec de la natation, des feux de camp et des questions rigolotes comme « si tu pouvais te transformer en animal, lequel choisirais-tu? ». Mais ce qui m’a étonnée, c’est que dès le premier jour, j’ai entendu d’autres enfants de mon dortoir parler de taux de sucre. De changement de sites d’injection. Et de la pire saveur de Glucerna que le personnel infirmier pouvait administrer le soir (vanille, bien entendu). Je ne m’attendais pas à ces conversations. Le camp est alors devenu l’endroit le plus extraordinaire que j’ai jamais fréquenté. Lorsque j’étais au camp, je n’étais pas bizarre. Je n’avais pas à cacher mon diabète; en fait, je pouvais même l’accepter et le célébrer. Le diabète faisait tellement partie de la vie de tous les campeurs que c’était comme si personne n’était en fait atteint de la maladie. 

Le  camp nous permet de bien vivre avec notre diabète et nous met en contact avec des personnes qui nous encouragent, nous soutiennent et nous aident à réussir à vivre une belle vie. C’est au Camp Huronda que j’ai effectué mon premier changement de site pour ma pompe à insuline. Une de mes amies m’avait dit qu’elle n’allait pas me laisser quitter l’Insul-inn (le centre médical du camp) tant que je n’avais pas appris comment le faire moi-même. Être entourée d’enfants de mon âge qui vivent la même chose que moi dans cet environnement sécurisant m’a profondément touchée. Tous les campeurs et le personnel sont des preuves vivantes que le diabète ne nous définit pas comme personnes. En fait, le diabète nous habilite à être en contrôle de nos vies. Au camp, nous ne passons pas nos journées à parler de taux de sucre et d’insuline. Il arrive que je parle à des personnes qui ne sont jamais allées au Camp Huronda et elles s’imaginent un groupe de diabétiques qui partagent des trucs et apprennent à bien manger. Oui, nous parlons de la gestion de la maladie et j’étais toujours à l’affût de trucs et astuces qui permettent de mieux vivre avec le diabète, mais puisque le diabète est l’élément central du Camp Huronda, on n’a pas vraiment besoin d’y penser. Vérifier son taux de sucre avec de partir en canot ou pouvoir quitter une partie de « Capture le drapeau » sans se faire poser mille questions lorsque tu te sens faible ou avoir un compagnon avec qui passer du temps pour parler lorsque tu en as besoin font en sorte que le diabète est moins un ennui qu’une des facettes de nos vies. Il y a cette magie qui opère au camp où nous apprenons à dompter notre diabète, à démystifier la malédiction du diabète pour en faire un superpouvoir dont nous pouvons tous être fiers. Être entourée des campeurs et du personnel du camp m’a permis de comprendre que le diabète n’est pas le maître de ma vie. Et juste parce qu’il me faut gérer quelque chose que peu d’autres élèves à mon école comprennent, il y a une grande famille qui m’attend dans ce petit endroit bien spécial au bord du lac. 

Avant d’aller au Camp Huronda, je ne voulais pas vraiment que les gens sachent que j’avais le diabète. J’avais honte, même si je n’avais rien fait de mal. Peut-être que si je fermais mes yeux assez fort et que j’arrêtais d’y penser, le diabète allait s’envoler, comme par magie. Peut-être que si je ne vérifiais pas mon taux de sucre à l’école ou que je ne prenais pas de collation, je pourrais prétendre ne pas avoir le diabète et être normale comme tout le monde. C’est la réalité pour de nombreux enfants atteints du DT1. Au Camp Huronda, les choses ont radicalement changé pour moi. Maintenant, je ne ressens plus le besoin de cacher les tubes de ma pompe ou de couvrir mon Dexcom. Si quelqu’un me pose une question, je ne suis pas gênée. Je n’ai plus besoin de cacher mon diabète. Les personnes au camp m’ont appris que je n’ai rien à cacher.

Communauté

Je pense que la partie la plus magique du Camp Huronda est cette flamme que tous les campeurs portent en eux et qui persiste bien après la fin de l’été. J’ai rencontré mes meilleur.es ami.es au camp et même si je ne les vois pas souvent en dehors du camp, il s’agit sans contredit des personnes qui me sont le plus chères. Peu importe la distance qui nous sépare de nos ami.es de camp, que ce soit une, trois ou seize heures de route, c’est bon de savoir que nous allons nous retrouver l’été suivant. C’est l’esprit de communauté qui nous habite et qui nous motive à nous retrouver l’été suivant pour chanter des chansons autour du feu de camp, manger des grilled cheese pour le lunch, chanter notre cri de ralliement, faire des siestes l’après-midi et passer du temps ensemble. C’est également génial de pouvoir appeler et rires avec des personnes avec qui j’ai vécu des moments mémorables au camp et qui m’aident à garder les idées claires lorsque j’ai de la difficulté à gérer mon diabète. Le camp, c’est bien qu’un endroit, c’est un état d’âme.

Le Camp Huronda a contribué à changer la vie de très nombreuses personnes atteintes de diabète de type 1 et continue de le faire. C’est grâce au soutien et au travail de médecins fantastiques que nous pouvons arriver à vivre en harmonie avec le diabète. Ces médecins ont non seulement découvert la formule de l’insuline, ils ont également permis à des enfants comme moi de vivre une vie saine et active. C’est grâce à eux que nous pouvons chanter des chansons à répondre, faire du tir à l’arc et nouer des amitiés. Leurs efforts nous permettent de nous épanouir. Sans ces médecins, je n’aurais jamais rencontré ces personnes, ces ami.es qui ont transformé ma vie.

Sans eux, je ne pourrais pas clamer un jour devenir directrice du Camp Huronda (désolée Lauren, je ne peux pas m’en empêcher!). Nous pouvons remercier Banting, Best, Collip et Macleod de nous avoir permis de profiter de chaque journée de nos vies passée au camp, à la maison ou à l’école.

Je suis convaincue que ce sont eux, nos champions des Camps D! 🙂