Trucs et astuces d’un étudiant chercheur pour se lancer en recherche d’archives
Par Ethan Small
À l’été 2022, j’étais étudiant au collège Huron University de London, en Ontario, et j’ai eu la chance d’explorer une archive locale pour un projet de recherche. Cette archive, qui appartient aux nombreuses archives de l’église anglicane disséminées un peu partout au Canada, contient une riche collection de documents sur les congrégations de la région. J’ai examiné des registres et des documents datant de 1830 à 1950 concernant principalement les églises situées à proximité ou dans des réserves avoisinantes. C’était ma toute première expérience de travail avec des archives et je dois avouer que j’étais nerveux.
Puisque les documents avec lesquels je travaillais concernaient les réserves avoisinantes, il était crucial de les manipuler avec le plus grand soin. En vue de me préparer pour effectuer mes recherches, j’ai complété une formation sur les principes de PCAP, soit la propriété, le contrôle, l’accès et la possession, offerte par le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations. Cette formation fait valoir à quel point il est important que la possession et l’influence sur les documents indigènes, y compris les objets et documents appartenant aux archives et les recherches qui en découlent, demeurent entre les mains des Premières Nations. Si vos recherches sont basées sur des éléments indigènes, assurez-vous d’entrer en contact avec les communautés qui y sont associées. Les communautés doivent avoir le contrôle sur leurs propres données, ce qui comprend notamment les collections de données provenant d’archives et la publication des résultats et des conclusions basées sur ces données. Dans le cas de mon projet de recherche, c’est mon professeur chargé de superviser mes études qui avait des contacts avec les éducateurs de la communauté concernée par les registres et les documents que je me préparais à examiner; ils ont travaillé de concert pour élaborer le projet auquel je contribuais. J’ai d’ailleurs choisi de ne pas nommer cette communauté ici dans le but de conserver sa confidentialité. Que vous commenciez vos travaux de recherche ou que vous soyez un historien chevronné, vous devez prendre en considération les implications éthiques de vos recherches dans les archives. Réfléchissez aux façons dont votre travail pourrait être utilisé à bon ou à mauvais escient et comment l’existence et le partage de certains types de documents peuvent se rapporter à des enjeux d’équité actuels. Plus spécifiquement si vous n’appartenez pas à la communauté que vous étudiez, tenez compte de l’impact de votre travail sur les communautés marginalisées et tâchez d’impliquer ces communautés dans votre projet et de leur donner le contrôle sur le partage d’éléments sensibles.
La première visite dans une archive peut être à la fois un moment aussi excitant qu’intimidant. J’espère qu’en partageant le fruit de mon expérience et les trucs et astuces que j’ai développés dans ce guide, je peux vous aider à mettre vos inquiétudes de côté pour vous permettre de commencer vos recherches en toute confiance! Si vous n’avez jamais mis les pieds dans une archive, je vous recommande fortement de vous y intéresser. C’est une expérience édifiante et ce, peu importe que vous soyez un étudiant, un amateur ou un néophyte. Les nouveaux types d’apprentissage profitent à tout le monde et comme il existe plusieurs types d’archives, tout le monde y trouve son compte.

Conseil no 1 – Effectuez vos recherches
- Nul besoin de tout connaître sur votre sujet avant de visiter une archive, surtout si le but de votre visite est d’en apprendre davantage, or il vous sera utile d’avoir quelques informations en main avant de vous plonger dans les documents primaires. Ne manquez pas de trouver des sources de lecture secondaires, notamment des ouvrages et des articles académiques sur des sujets connexes à celui de vos recherches. Vous voudrez acquérir de plus amples informations sur la période, les gens, les lieux et les événements qui vous intéressent pour en dresser le contexte avant de travailler avec les documents primaires.
- Si c’est une institution, comme une église, qui a produit un document, je vous encourage à vous familiariser au préalable avec le système de tenue des registres. Ces institutions ont souvent des politiques et pratiques de tenue des registres et des dossiers bien spécifiques et une terminologie unique et propre à ce système.
- Lorsque j’ai commencé à lire les divers registres de l’église anglicane, j’ai été surpris par la terminologie et surtout par l’utilisation d’abréviations particulières. Une petite enquête m’a permis de trouver des guides en ligne pour m’aider à mieux comprendre ces registres et documents. Je vous conseille de prendre le temps d’apprendre à déchiffrer les nomenclatures ou les termes que vous ne comprenez pas d’emblée. N’hésitez pas à consulter l’archiviste si vous demeurez bredouille après avoir fait vos propres recherches.
- Dans la mesure du possible, établissez un point de départ pour vous plonger dans une archive. Je vous recommande d’avoir une idée des documents que vous souhaitez consulter, mais aussi des objectifs de recherche ou d’une question à laquelle vous souhaitez répondre par le biais de vos recherches.
Conseil no 2 – Lisez les règlements
- Chaque archive est régie par un ensemble de règles. Ces règles peuvent être affichées sur son site Web, sur une affiche ou un pamphlet dans les locaux de l’archive. Avant d’entamer votre travail, familiarisez-vous avec le règlement.
- Certaines archives exigent une accréditation; assurez-vous de l’avoir obtenue avant de vous mettre au travail. Certaines archives sont réservées à des chercheurs accrédités ou aux membres de certains institutions, alors que d’autres sont ouvertes au public.
- De nombreuses archives possèdent des documents confidentiels ou de nature sensible que vous ne serez pas en mesure de consulter. Il existe également des documents pour lesquels vous aurez à obtenir une accréditation additionnelle si vous souhaitez les consulter.
- Lorsque j’ai visité les archives de l’église, je n’ai pas eu accès aux dossiers personnels des membres du clergé décédés il y a moins de 100 ans. Ces dossiers seront éventuellement ouverts, mais pour le moment, ils sont clos afin de protéger la confidentialité des membres des familles qui leur ont survécu.
- Lorsque vous visitez une archive, vous devrez vous conformer au règlement concernant ce que vous pouvez amener avec vous. Vous aurez probablement à vous laver les mains, laisser toute nourriture, boisson et stylos à encre à l’extérieur, écrire avec un crayon à mine ou taper sur un clavier. Il est possible qu’on vous demande de placer vos effets personnels dans un casier.
- Demandez toujours la permission avant de prendre des photographes ou de photocopier des documents.
- Assurez-vous de vous renseigner sur le règlement concernant le partage de documents. L’autorisation de consulter un document ne signifie pas que vous avez le droit de partager une photo de celui-ci en ligne ou de le publier dans un article. Prenez toujours soin de demander la permission.
Conseil no 3 – Faites bon usage de votre temps
- Assurez-vous de bien connaître les heures d’ouverture et les politiques de l’archive avant votre visite.
- Si possible, informez l’archiviste de votre visite en appelant ou en envoyant un courriel au préalable. S’il ou elle n’est pas en mesure de vous accueillir, mieux vaut le savoir à l’avance et reporter votre visite. Si l’archiviste est au courant de votre visite, il ou elle peut trouver, sortir et préparer les documents que vous souhaitez consulter avant votre arrivée et vous aménager un espace de travail.
- Certaines archives exigent des frais pour accéder à des documents, donc priorisez judicieusement les documents que vous souhaitez consulter pour votre recherche.
- Il est possible que vous ne puissiez visiter une archive en personne puisque certaines d’entre elles sont fermées aux visiteurs ou trop lointaines pour que vous puissiez vous y rendre aisément. Même si vous ne pouvez vous y rendre en personne, vous pouvez tout de même consulter certains documents ou même toute la collection si elle est numérisée. Certaines archives vous permettent également de payer quelqu’un pour effectuer une recherche pour vous et vous envoyer une version numérisée des documents.
- Si vous consultez une collection numérique, vous gagnerez probablement à contacter l’archiviste. Il existe peut-être des documents qui n’ont pas encore été numérisés ou ajoutés au catalogue en ligne, donc renseignez-vous.
- Écrivez un courriel à l’archiviste dans l’éventualité où vous hésitez à savoir si vous devez visiter l’archive en personne. Il ou elle peut vous aider à valider si l’archive contient des documents pertinents pour votre projet de recherche.
Conseil no 4 – N’ayez pas peur d’explorer
- Si vous êtes en mesure de visiter l’archive à plus d’une reprise, prenez le temps d’explorer de nouveaux filons identifiés au fil de votre recherche, même s’ils ne correspondent pas exactement à votre plan de recherche! Vous pouvez souvent trouver de nouvelles informations à des endroits inattendus.
- Lorsque j’ai commencé mes recherches, je souhaitais explorer trois églises. En examinant les divers documents, j’ai relevé le nom d’autres églises de la région. Si mon plan initial consistait à étudier les archives de ces trois églises bien spécifiques, j’ai réorienté mon travail lorsque j’ai consulté les dossiers de l’histoire de ces autres églises puisque j’ai trouvé d’autres filons de recherche. Ces dossiers contenaient des renseignements pertinents pour répondre aux questions qui motivaient mes recherches et si je n’avais pas fait preuve de curiosité, je les aurais manqués.
- Demandez conseil à l’archiviste! Il ou elle en sait plus que quiconque sur le contenu de l’archive; ne manquez pas de solliciter son expertise. S’il ou elle a du temps à vous accorder, parlez-lui de vos objectifs de recherche pour leur permettre de vous informer sur les documents pertinents et connexes à votre projet.
- Prenez en note tous les détails intéressants! Il est important de noter les informations de base telles que l’emplacement d’un document dans une archive afin de pouvoir citer adéquatement vos sources, or consignez toute information inhabituelle ou inusitée. Vous ne savez pas où ces informations peuvent vous mener!

J’ai constaté qu’après avoir surmonté ma nervosité et appris à naviguer les rayons d’une archive, j’ai réalisé la chance inouïe que j’avais d’étudier toute la richesse de l’histoire des communautés locales. J’ai commencé à apprendre à déchiffrer et comprendre les registres de la paroisse; ces documents, rédigés par des prêtres et membres du clergé de diverses dénominations chrétiennes, consignent les naissances, les baptêmes, les décès et d’autres informations importantes liées aux activités de la congrégation. Les premiers registres de paroisse que j’ai consultés avaient été produits au cours de plusieurs décennies et couvraient une période allant des années 1840 à 1900. J’ai tout d’abord été dérouté par l’étrange écriture manuscrite et l’orthographe inusité, mais après avoir passé quelques jours à explorer ces documents, j’ai réussi à reconnaître l’écriture de chaque prêtre et déchiffrer la plupart des contenus. J’ai commencé à reconnaître des noms de famille et à faire le suivi des générations avec les registres des naissances, des mariages et des décès. J’ai lu les procès-verbaux des réunions de la congrégation pour voir comment les individus s’impliquaient dans les activités de la communauté. J’ai même trouvé des histoires fascinantes dans des documents tels que des états financiers qui semblaient d’emblée moins intéressants. Les listes des dépenses montraient des réparations faites à des bâtiments après des événements météorologiques intenses, le budget des pique-niques et des groupes sociaux de la congrégation ainsi que les dons faits à d’autres communautés en difficulté financière.
Je me souviens avoir passé beaucoup de temps sur les documents créés par un prêtre qui habitait dans la région à la fin des années 1830. J’ai vécu un beau moment lorsque l’archiviste m’a annoncé qu’elle avait trouvé une photographie de lui. Nous avons regardé cette photographie ensemble. Voilà que je pouvais maintenant mettre un visage sur le nom qui habitait mes recherches.
Dans l’archive, j’ai fait des trouvailles troublantes, lu des récits fascinants, trouvé des informations qui m’ont permis d’enrichir mon projet et d’autres qui ne s’y rapportaient pas, mais qui n’en étaient pas moins intéressantes. J’ai passé de nombreuses journées à saisir des registres de la paroisse sur mon ordinateur et d’autres à suivre des pistes intéressantes dans diverses boîtes de documents.
La recherche d’archives est sans contredit une aventure excitante et gratifiante! Dans les archives, vous vous plongez dans le passé comme si vous y étiez. Vous pouvez y lire l’écriture de personnes ayant vécu il y a bien longtemps, analyser des photographies anciennes et des cartes et des images dessinées à la main et en apprendre sur le monde d’une autre époque il y a des décennies ou même des siècles dans le passé! Bien que les énormes classeurs et les innombrables boîtes de documents puissent paraître intimidants, vous pourrez transformer vos inquiétudes et vos craintes en enthousiasme avec un minimum de préparation ainsi que les soins et le soutien de l’archiviste afin de découvrir tous les secrets et les possibilités que contiennent les registres et les documents! Le meilleur conseil que je peux vous donner est de poser des questions. Beaucoup de questions. Si vous n’êtes pas certain.e de quelque chose, demandez de l’aide à l’archiviste; c’est votre personne-ressource par excellence. En travaillant, vous aurez de nouvelles questions sur les documents examinés. Laissez-vous guider par votre curiosité, travaillez rigoureusement et vous découvrirez rapidement à quel point la recherche d’archives est enrichissante. Les trouvailles n’attendent que vous!